Une biographie de Duras richement illustrée mais qui apporte peu de nouveautés.

Difficile d’écrire sur Duras après Lacan, Foucault ou Blanchot. Lætitia Cénac, journaliste au Figaro, n’a pas craint de proposer avec Marguerite Duras. L’écriture de la passion, une énième bibliographie de cette “icône de la littérature”. Dès lors, se pose le problème de la redondance avec les nombreux livres qui existent déjà. L’originalité de celui-ci réside sans doute son format, et dans ses nombreuses photographies et illustrations.

Néanmoins, toutes les photographies qui enrichissent ce beau livre sont loin d’être pertinentes. De nombreux clichés évoquent un manuel d’histoire (le champignon d’Hiroshima, l’éternelle affiche de Mai 68). Les reproductions des couvertures des romans parus dans les dernières éditions de poche (folio ou Minuit) sont certes décoratives, mais le lecteur exigeant aurait apprécié davantage quelques images des premières éditions (l’IMEC contient, outre les manuscrits de nombreux documents, d’autres trésors que la récente édition Pléiade, au demeurant fort peu citée, a en partie révélés).

La composition et l’écriture de cet essai restent par ailleurs discutables. Le fil chronologique de l’ouvrage est interrompu fréquemment par de courts textes indépendants qui sont de véritables “fiches” : la “cuisine de Marguerite”   ou le “look Duras”   . Il en ressort un portrait morcelé, pluriel, mais déjà vu et revu, sans originalité, sans lignes de force. Lætitia Cénac a beau égrener les lieux communs de la célébrité, revenir sur ses sorties scandaleuses (“sublime, forcément, sublime… !”), à aucun moment le mythe Duras ne prend vie sous sa plume. Pas même dans les pages qui frôlent les thèmes obsédants de son œuvre : l’injustice sociale, le colonialisme et ses suites, le sexe et la prostitution.

À force de vouloir retracer l’histoire derrière le mythe, la vie derrière l’œuvre, tout en refusant de prendre parti, l’ouvrage perd de vue le centre unique, ce autour de quoi tout le reste gravite pour Duras : l’écriture. Si ce n’est pour quelques citations, qui servent d’exergue aux chapitres, on entend trop peu la voix de l’écrivain. L’empilement de détails obscurcit les épisodes cruciaux de son parcours, qui auraient mérité d’être mis en lumière de manière plus nette. Le passage du roman traditionnel au “nouveau” roman, l’invention d’une forme hybride (entre théâtre, cinéma et narration), auraient par exemple mérité plus d’attention, sans pour autant forcément verser dans l’essai savant.

Devant la tâche ardue de rendre compte synthétiquement d’une œuvre répétitive et foisonnante  comme celle de Duras, l’ouvrage trébuche encore sur des écueils d’interprétation précis. Un exemple parmi d’autres : le traitement de l’homosexualité dans La Maladie de la mort aurait mérité une lecture moins hâtive (Jean Vallier, bien plus circonspect, fournissait un très bon point de départ dans C’était Marguerite Duras, t. II, Paris, Fayard, 2010). Il ne manque pas, du reste, quelques bévues maladroites (par exemple, le titre du roman Yeux bleus cheveux noirs est estropié, p. 204). On ne s’étonnera pas enfin que la bibliographie reste extrêmement réduite. Sauf pour les belles images, on préférera donc à cet ouvrage les biographies de référence déjà parues.