Le trentième anniversaire des éditions de La Découverte est marqué par le départ à la retraite de son président, François Gèze. En effet, cette figure emblématique de l’édition en sciences humaines a annoncé le 12 décembre dernier, sa décision de laisser la main à Hugues Jallon, ancien directeur éditorial de la maison, et directeur éditorial des sciences humaines et des documents pour le Seuil depuis 2011. C’est "par souci d’assurer dans les années qui viennent la pérennité de la maison, de son catalogue et des services qu’elle entend apporter à ses auteurs", que ce changement de direction prendra acte en février prochain. François Gèze gardera toutefois le rôle de directeur de collection, ainsi que certaines responsabilités interprofessionnelles.

Ce départ est l’occasion, pour Nonfiction, d'interroger celui qui a marqué, pendant trente ans, le paysage intellectuel et éditorial français.

Nonfiction - Quels auteurs vous ont le plus marqué durant votre carrière à La Découverte ?

F. G - Difficile de répondre à une telle question quand on a croisé le chemin de centaines d’auteurs… Mais je dirais que c’est certainement l’historien Pierre Vidal-Naquet qui m’a le plus marqué : j’ai beaucoup appris auprès de lui, à travers ses livres comme à travers ses engagements. Jusqu’à sa disparition en 2006, son soutien à la maison a été constant et décisif. Bien d’autres m’ont également beaucoup apporté, comme Yves Lacoste, le fondateur de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote ; les philosophes Bruno Latour et Isabelle Stengers ; Pierre Lévy et Philippe Breton, pionniers pour la compréhension des nouvelles technologies de communication ; Armand Mattelart, précieux historien et analyste des médias ; Yves Benot, Benjamin Stora et Pascal Blanchard, défricheurs de notre histoire coloniale ; les psychanalystes Gérard Mendel et Miguel Benasayag ; Georges Corm, remarquable spécialiste du Proche-Orient et économiste ; l’historien des idées François Dosse ; les économistes Robert Boyer, Pierre Salama, Alain Lipietz et Immanuel Wallerstein ; les journalistes Jean Guisnel, Marie-Monique Robin et Jean-Baptiste Rivoire, etc.

Conseillerez-vous La Découverte sur les choix de modèle économique à adopter face au changement qu’opère le numérique dans le monde de l’édition ?

Si Hugues Jallon le juge utile, pourquoi pas ? Je continuerai en tout cas à m’intéresser à ces questions, puisque je conserve la présidence de la société Cairn.info, portail de revues et d’ouvrages de sciences humaines et sociales, que nous avons créé en 2005 avec d’autres éditeurs.

Quelles qualités d’Hugues Jallon vous ont amené à le conseiller à Editis pour vous succéder à La Découverte ?

D’abord, son talent d’éditeur, découvreur de nouveaux auteurs et toujours curieux de découvrir de nouveaux réseaux intellectuels et politiques, comme il l’a prouvé quand il était éditeur à La Découverte – dont il connaît de ce fait parfaitement le catalogue et les orientations, ce qui est évidemment un atout décisif. Mais aussi ses compétences gestionnaires, dont il a toujours eu le souci et qui sont évidemment indispensables pour diriger une entreprise. Et je ne doute pas que son expérience au Seuil lui sera également très utile.