Stéphane Bouquet a interrogé Kitsou Dubois, pour le compte de Paris-art.com, cet excellent site de recensions concernant les arts. Nous nous contentons de relever l’essentiel de ce qui nous concerne : le rapport arts et sciences. Car Kitsou Dubois est chorégraphe de l’apesanteur. Avec sa compagnie, Ki productions, elle fait émerger des états de corps qui brouillent les limites entre lourd et léger, entre puissance et fluidité, entre danseurs et acrobates, entre corps vivant et corps projeté.

Ainsi qu’elle l’indique sur son site : en 1990 elle participe à un vol parabolique avec le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) qui lui permet de vivre quelques minutes d’apesanteur. A partir de cette expérience fondatrice, elle développe un travail sur le corps confronté à des situations de gravité altérée. Elle s’empare du phénomène de l’apesanteur pour explorer autrement le mouvement, la perception de l’environnement, la sensation du temps, le rapport à la matière, le rapport à l’autre, la poétique d’un milieu où tous les repères sont bouleversés.

Bon nombre de ses pièces dansées renvoient au souvenir de ces expériences de vagabondage entre la gravitation zéro et notre condition terrestre. Elle écrivait, dans Le Monde du 1er septembre 2004 : "Quand on plane en apesanteur, le corps se propage dans l’espace au point qu’on perd le sens de ses limites. Le mouvement devient infini, fluide comme on n’avait jamais osé l’imaginer. C’est la grâce, une véritable aventure intérieure. Paradoxalement, on fait aussi l’expérience, qui peut être angoissante, du vide absolu. On n’a plus de poids, mais on est quasiment déstructuré. La gravité est fondamentale pour l’humain, elle masque toutes les autres forces. Il s’agit donc, pour ne pas se perdre, de retrouver son centre, de recréer des limites." C'est aussi dans le cadre de ce travail sur l'apesanteur qu'elle a rencontré le cirque, pour ainsi dire par hasard.

La chorégraphe annonce ainsi que dans les extraits d'un Monde Sans gravité, qu’elle montrera bientôt au Théâtre de la Cité internationale, le traitement des images évolue avec la conscience du milieu. Quand on est en apesanteur, on se sent amplement relié à l'environnement. Il y a des liens inédits, des rapports différents aux choses, à la matière. De même, dans un autre travail en cours, en détournant des images de différents vols en apesanteur, elle espère donner à sentir que les personnes filmées sont liées à toutes les autres lignes autour d'elle, à celle de l'avion par exemple, et c'est une sensation assez proche de celle qu'on peut avoir en vol. 
Elle indique : "De même, j'ai fait un film sur nos expériences sous l'eau. Quand je travaille sous l'eau, il n'y a pas de rupture de mouvement au moment où les danseurs respirent, le public ne les voit pas respirer. Du coup, ça donne une double sensation d'étouffement d'un côté, et de flux, de légèreté, de l'autre. Ensuite, on projette le film en le mettant à l'envers, l'eau en haut, la surface en bas — et le spectateur perd ses références et ses repères, le milieu prend beaucoup d'importance".

L’intérêt de ce travail est qu’il ne dissout pas les arts et les sciences l’un dans l’autre. Et encore moins l’un et l’autre dans une animation festive. La force émancipatrice de l’art et des sciences demeure vive et le potentiel critique réciproque de ces pratiques ne cesse d’amplifier la recherche de l’artiste. Et, en fin de compte, pas uniquement de lui, puisque le travail contribue aussi à s’attacher à ce que le regard du spectateur ne soit pas seulement happé et fasciné par la virtuosité de ce qu’on lui présente

 

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