Des résidences d’artistes se déploient désormais dans des laboratoires de recherche scientifique ; des collaborations régulières se manifestent entre scientifiques et artistes, il ne fallait pas moins d’un colloque pour tenter de faire le point sur toutes ces aventures. En voici les Actes : Images et mirages @ nanosciences, Regards croisés, Anne Sauvageot, Xavier Bouju, Xavier Marie (dir), Paris, Hermann, 2012.

"Les avancées des sciences de la matière, et tout particulièrement des nanosciences, renouvèlent considérablement la dialectique du visible et de l’invisible, en interrogeant la matière elle-même, ses potentialités, ses flexibilités". Ceci acquis, on sait que, de surcroît, les laboratoires de nanosciences offrent au public des images d’un visible-invisible, dont la présence dans le domaine de la vulgarisation scientifique se fait de plus en plus intense. Sans doute peut-on en tirer des considérations brillantes sur le régime du voir, mais aussi sur les relations que celui-ci entretient avec le savoir et les imaginaires.

Est-ce une raison pour croire que le rapport entre arts et sciences s’engage par là sur de nouvelles pistes ? Certes, les artistes investissent l’imagerie scientifique mais la question se pose de savoir dans quelle mesure ils produisent grâce à cela une nouvelle pensée visuelle et une esthétique renouvelée ? L’art se place-t-il uniquement du côté de l’effet et de l’effet visuel en particulier ?

Si le doute s’installe, ce n’est pas une raison pour autant pour refuser que des artistes et des scientifiques se rencontrent. Le colloque à l’origine de l’ouvrage que nous présentons brièvement ici a eu lieu en 2010, à Toulouse. Il souhaitait élaborer une problématique de l’image et de la représentation dans les sciences, mais il prétendait aussi y associer les artistes. Sauf que la part de ces derniers était réduite d’emblée dans la commande : la question était surtout de savoir comment les artistes pouvaient dans leurs efforts de transposition et de traduction de la réalité nanométrique, donner plus de poids à l’imagerie scientifique. Ce qui, on l’admettra, laisse perplexe.

À propos de l’image, les questions scientifiques la concernant étaient sans doute plus subtiles. Questions sur la genèse instrumentale de l’image, sur l’instrumentation à laquelle le regard est soumis, sur l’usage des images auprès des publics profanes.

Une partie des résumés ici présentés n’ignore cependant pas les questions de fond suscitées par ces travaux. Les directeurs de la publication n’ont pas oublié le rappel opéré par Jean-Marc Lévy-Leblond, la science n’est pas l’art. Mais ils insistent tout de même sur les tentatives de rapprochement entre ces deux univers, et montrent qu’elles ne sont pas fortuites et ne répondent pas à un seul effet de mode. Et la conclusion nuance tous les propos : "Les chercheurs et les artistes n’empruntent pas, sans aucun doute, des démarches cognitives similaires, pas plus qu’ils ne se donnent les mêmes objectifs, les premiers soucieux de l’objectivité de leur connaissance, les seconds happés par l’ordre des significations et des ressentis. Les artistes, néanmoins, investissent tout autant leur réalité contemporaine et partagent, pour bon nombre d’entre eux, avec les chercheurs, les ambitions de créativité et les outils de cette contemporanéité techno-scientifique".

On retrouve donc dans le sommaire de cet ouvrage les noms de ceux qui ont participé au colloque. Michel Paysant, le premier, du laboratoire OnLAB (Laboratoire d’oeuvres nouvelles) auteur d’oeuvres de nano-fabrication à partir des modèles du Louvre, et dont le discours sur le public de ce musée est un tantinet déplaisant ; Xavier Bouju, Joël Chevrier, Xavier Guchet et un certain nombre d’autres auteurs. L’ouvrage décrit aussi quelques expériences conduites dans des laboratoires entre scientifiques et artistes. En revanche, on ne trouve guère de théorisation bien pertinente de tous ces travaux dans l’ouvrage.