Un original récit de l’histoire coloniale, servi par une plume acerbe et un humour décapant.

Irrévérence et ironie. Voici les deux ingrédients de l’humour de la Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T. Après nous avoir offert un tome 1 sur l’histoire de l’Amérique Française (récompensé par le prix Tournesol au festival d’Angoulême 2007), ils s’escriment dans ce tome 2, à l’aide d’un texte incisif illustré, à raconter tour à tour le déroulement de la colonisation africaine (avec un long passage consacré à l’Algérie et un plus court sur le Maroc et la Tunisie), océanienne, puis indochinoise, depuis la chute de Napoléon jusqu’à la Grande Guerre. A l’origine de cette rage de conquêtes, nous expliquent-ils avec mordant, on trouve les défaites napoléoniennes contre les Anglais qui vinrent exalter un sentiment nationaliste : "La jeune génération, il faut bien qu’elle ait son heure de gloire. Comme elle n’était pas assez bête pour recommencer avec les Anglais, elle a pensé qu’elle pourrait s’en prendre à moins fort qu’elle. Mais qui ?".

Vous aurez compris, d’après cette justification tout à fait simpliste, qu’il ne s’agit pas ici d’aborder avec complexité les tours et pourtours de la question coloniale. Ainsi, cet ouvrage ne satisfera pas forcément les historiens, soucieux de rigueur. Mais tel n'était pas le but des auteurs, qui ont préféré une approche humoristique. Avec cynisme, les dirigeants français de l’époque sont tournés en ridicule, de même que le glorieux récit de leurs conquêtes militaires.
 
Les textes courts et incisifs font mouches, complétés qu’ils sont par de petites vignettes au graphisme simple et dépouillé. Dans un premier temps, le lecteur peut être un peu dérouté par ces dessins dont on a un peu du mal à comprendre l’intérêt (les représentations du Général de Gaulle, auquel les auteurs donnent le rôle de narrateur, statique, dessiné sous forme de grosse boule portant une casquette, laissent notamment perplexe). Rapidement, cependant, on s’habitue à les parcourir, puis l’on découvre à quel point ils répondent à l’ironie qui se dégage du texte. Simples, ils parviennent tout de même à rester particulièrement expressifs, et surtout, à nous amuser !

Mais il ne s’agit pas ici de nier les atrocités perpétrées par les autorités françaises durant la colonisation, bien au contraire. Avec recul et cynisme, l’ouvrage parvient à nous faire saisir les drames, les carnages et les destructions qu’ont subies les populations indigènes. Aussi, humour et noirceur y cohabitent-ils avec une étonnante subtilité. Ainsi, si le tome 2 de la Petite histoire des colonies françaises traite d’un thème qui a été beaucoup abordé dans nos livres d’histoire (particulièrement dans le cas de l’Algérie), son intérêt, justement, est de nous l’offrir sous un nouveau jour, un nouveau ton. De même, il évite avec brio l’écueil de l’auto flagellation ou de l’apitoiement. Bref, une œuvre à conseiller à quiconque souhaiterait aborder avec légèreté l’histoire coloniale. Le troisième tome de la série, actuellement en préparation, traitera de la décolonisation. On l’attend avec beaucoup d’intérêt.