Cette fois, il est question du projet élaboré par Gerrit Gohlke, critique d’art à Berlin. Depuis 1994, il est collaborateur de la maison des arts Bethanien. Il s’occupe du Laboratoire Media Arts, pour lequel il organise des conférences sur le net (Net-Art-World).

Dans un texte général portant sur arts et sciences, il propose quelques pistes de réflexion qui peuvent alimenter nos débats. Nous traduisons ici, en le synthétisant, un texte très long, publié en brochure (deutschen Printmedien) que l’on peut trouver en totalité sur le Web.

Les arts et les sciences ont divorcé depuis longtemps, écrit l’auteur. Le temps de l’ancienne collaboration est passé depuis longtemps. Même si parfois nous assistons à des tentatives de remettre en contact ces disciplines, soit sous la forme romantique, soit sous la forme d’une ignorance des frontières entre elles.

Il rappelle alors que le préromantisme allemand notamment a tenté d’esthétiser les mathématiques, et de spéculer sur les concepts de la géographie, après que les théories esthétiques aient, dès le XVIII° siècle, insisté sur l’autonomie de l’art et sur la conquête de cette autonomie. Quelques-uns des représentants de cette autonomie escomptaient cependant déjà, que de la synthèse empirique nouvelle des savoirs, d’une conception du monde plus poétique, et de projets de réforme économique, pouvait résulter une contre-partie à cet isolement des disciplines. Ces projets de collaboration toutefois ne pouvaient avoir lieu que dans le cadre d’une évolution de la spécialisation et de la différenciation, au terme de laquelle ce qu’on appelait les beaux-arts et les sciences exactes devaient occuper les extrêmes d’une échelle des valeurs.

Et l’auteur de constater que : dans l’enseignement et au cours de la scolarité actuelle les arts et les sciences représentent des options contraires dans l’orientation des scolaires. Chaque tentative de surmonter ces divisions entre arts et sciences porte le signe d’expériences exotiques. Il s’agit tout au plus d’organiser des médiations entre les prestations respectives. La complexité de l’accroissement du savoir du côté des sciences passe aux yeux des arts plastiques pour inaccessible. L’art n’a pas suivi, depuis lors, l’évolution scientifique. Dans la hiérarchie entre les disciplines, le savoir a acquis une place plus grande dans la société. Il a rendu la société plus compréhensible. L’art n’a pas suivi. Il s’est concentré toujours plus sur l’analyse et la mise au jour de ses propres conditions de travail et d’expression. Il s’est soustrait à une large publicité, alors que les médias gavaient les têtes des images que des experts scientifiques leur imposaient. Qu’il s’agisse de louer la science ou de masquer sa démesure. L’art, durant ce même temps, s’est contenté de produire des illustrations du développement technique.

Dès lors, un fossé demeure entre arts et sciences.

Et l’auteur d’ajouter : Il est actuellement difficile de savoir qui, sur cette voie, a été sauvé le premier de cet isolement réciproque, les recherches spécialisées ou les arts. Les arts plastiques classiques en tout cas sont demeurés en dehors du jeu de la recherche. Les essais de popularisation des résultats scientifiques n’ont pas été repris par les arts, mais par les médias et les films populaires. Tandis que les arts se sont concentrés encore plus profondément sur la mise au jour de leurs propres traits caractéristiques, et du même coup se sont soustraits à une large publicité. Il en résulte que les sciences ont gagné en présence publique, les médias se sont emparés du divertissement et les arts sont restés en marge du jeu.

Comment ne pas voir, conclut l’auteur, que le développement scientifique a de son côté suivi un développement que tout le monde ne peut pas suivre, même si les médias diffusent des résultats scientifiques, non sans les enrober dans des mythes. Et que les arts se sont contentés soit d’ignorer les sciences, soit de les illustrer à leur manière.

Les dernières tentatives destinées à réconcilier arts et sciences datent désormais de l’époque des avant-gardes, au moment où les arts s’intègrent dans l’architecture et l’urbanisme, comme des signes d’utopie sociale, ainsi que dans les projets de rationalisation modernes. Des programmes de réforme sociale ont requis alors une harmonie technique et une efficacité formelle, ainsi qu’une réévaluation des fondements scientifiques du programme esthétique. Et l’auteur d’encourager, pour aujourd’hui, une nouvelle relation entre arts et sciences qui éviterait la parodie du passé, et donnerait lieu à des recherches fécondes pour la société dans son ensemble