Jean-Marie Schaeffer étudie les moyens de promouvoir la littérature, en écartant des méthodes souvent obsolètes et en avançant des propositions nouvelles.

Avec ce petit livre, le philosophe Jean-Marie Schaeffer porte un regard résolument positif sur la littérature française. À une époque où de nombreux essayistes pointent sa soi-disant dégénérescence, la Petite écologie des études littéraires est un livre qui fait du bien. Le professeur évacue dès l’introduction la question du déclin de la littérature ; pour lui, cette impression est provoquée par le dysfonctionnement des études littéraires en France.

L’auteur explicite le double rôle de ces études. Elles doivent, selon lui, transmettre les valeurs littéraires d’une génération à l’autre, cela fait partie de la fonction de l’enseignement car “la culture ne se transmet pas par les gènes”. Une autre fonction est de comprendre l’ensemble des usages créateurs de la langue, c’est ce qui rapproche les études littéraires des sciences sociales. Pour Jean-Marie Schaeffer, ces deux fonctions, normative et descriptive, sont trop souvent confondues, ce qui aboutit à une conception “ségrégationniste” qui isole la littérature comme une réalité “autonome et close sur elle-même”. Pour remédier à ce problème, le philosophe préconise de séparer plus strictement l’enseignement de la recherche.

Par ailleurs, selon lui, les pratiques d’enseignement doivent évoluer car elles sont trop centrées sur l’analyse du patrimoine littéraire, tandis qu’elles devraient encourager la lecture et même la production, c’est-à-dire l’écriture. L’enseignement devrait avoir pour but de donner accès à une expérience personnelle de la littérature. Or, aujourd’hui, l’accent est mis sur la lecture analytique des œuvres. C’est ce qui explique la crise, réelle cette fois, de la filière littéraire, car cette approche cache aux étudiants la magie réelle de l’œuvre qui “réside toujours dans l’importance qu’elle acquiert dans et pour la vie du lecteur”.

Ce livre stimulant et clair participe à la réflexion sur les conditions et les finalités de l’étude et de l’enseignement de la littérature. Cette question est d’autant plus importante que si les chercheurs et les enseignants continuent à tenir leur littérature hors du monde, elle finira par ne plus intéresser personne. L’auteur a le courage de s’engager en proposant des pistes pour améliorer cet enseignement. Selon l’auteur, les enseignants doivent avoir pour priorité de faire lire leurs élèves et ne doivent plus être obsédés par l’évaluation notée. Sur le plan de la recherche, il préconise une étude approfondie des œuvres qui ont été refusées par la critique littéraire afin de révéler ces “filtres de sélection” primordiaux pour comprendre la vie littéraire. La seule réserve qui peut être émise concerne la longue discussion entre les pages 49 et 104 sur la possibilité d’une attitude descriptive en littérature qui nuit à la cohérence du livre. Cette question est un poncif de la critique, elle n’apporte donc rien de neuf au débat. De plus, l’auteur se fait plus jargonneux dans ces pages, ce qui peut rebuter certains lecteurs.

S’il n’apporte pas d’arguments résolument nouveaux, ce livre a surtout le mérite de poser les bonnes questions tout en ne cédant pas à la sinistrose ambiante concernant l’avenir de la littérature. Selon Jean-Marie Schaeffer, ce qui est en question aujourd’hui ce sont bien les études littéraires et la façon dont la littérature est enseignée, pas la littérature elle-même. De tels ouvrages permettent de réfléchir à nouveau à ces problématiques pourtant importantes qui peinent à occuper le devant de la scène en ces temps troublés