* A l'occasion de l'université d'été du Parti socialiste à La Rochelle, nonfiction.fr publie la lettre d'un collectif de sections universitaires et de groupes universitaires du PS rassemblant des étudiants, des enseignants-chercheurs et des personnels de l'éducation et des universités adressée à tous les candidats à la primaire citoyenne des 9 et 16 octobre prochains. Afin d'ouvrir véritablement le débat sur les questions d'éducation, chaque candidat est invité à y répondre. 

 
 

En cette période de rentrée politique pour les socialistes, alors que s’ouvre l’université d’été de La Rochelle, les sections et groupes universitaires du PS s’associent pour demander aux candidats à la primaire des 9 et 16 octobre prochains de faire de l’éducation, de l’enseignement et de la recherche les enjeux majeurs et clivants du projet politique de la gauche lors de la campagne présidentielle.

 

L’avenir d’une société – c’est un truisme toujours bon à rappeler – dépend de l’éducation que celle-ci délivre à sa jeunesse. Comment un projet politique digne de ce nom, portant son regard au-delà de l’horizon trop immédiat des temps où nous vivons, pourrait-il ne pas en faire sa priorité ?

 

Cette évidence est également aujourd’hui une exigence économique. Nos sociétés postindustrielles vivent à l’heure d’un "capitalisme cognitif" – ou, si l’on préfère, d’une "économie de la connaissance" – dont les moteurs de croissance sont les savoirs et l’innovation. Il en résulte que les lieux de production et de diffusion des savoirs jouent un rôle essentiel dans le développement des États et des entreprises. De l’orientation idéologique des réformes appliquées à l’enseignement et à la recherche dépend donc le visage de la société mais aussi de l’économie de demain.

 

La droite l’a bien compris. Depuis dix ans, les réformes visant à mettre notre système d’enseignement et de recherche au diapason de son idéologie néolibérale se succèdent à un rythme soutenu : création de l’ANR, loi LRU et ses décrets d’application, "masterisation" et réforme des concours, réforme du lycée, suppression d’environ 140 000 postes ou contrats dans l’Éducation nationale depuis 2002, etc.

 

Sous le masque trompeur du "pragmatisme" – "adapter" notre pays aux cadres nouveaux de l’économie mondiale –, le projet de la droite est de remplacer l’État social et éducateur hérité des combats des XIXe et XXe siècles par un "État entrepreneurial" dont le credo est la concurrence et qui, dans tous les secteurs de notre vie nationale, entend instaurer une compétition généralisée. Cette rationalité économique imposée n’affecte pas que le fonctionnement structurel de notre enseignement et de notre recherche : elle s’en prend aux contenus des savoirs enseignés et des recherches en cours et à venir, tendant dangereusement à réduire leur rôle à la formation et à la production d’hommes et de savoirs "compétitifs", dotés des "compétences" et des "avantages comparatifs" nécessaires pour affronter la concurrence mondiale. C’est toute une mutation anthropologique qui s’opère de la sorte. Ne va-t-on pas jusqu’à parler aujourd’hui de "capital humain" ? Ils sont loin les Condorcet, les Guizot, les Duruy, les Ferry, les Buisson et tous ces réformateurs qui, au cours de notre histoire, ont eu pour seule ambition de mettre le développement des savoirs au service de l’émancipation des peuples.

 

Depuis une décennie, un vent de contestation s’est heureusement levé, de plus en plus puissant, parmi ceux qui constituent notre électorat traditionnel. Des syndicats, des collectifs et des associations d’étudiants, de doctorants, d’enseignants, d’ingénieurs, de chercheurs et de personnels administratifs et techniques grondent d’une colère lasse mais profonde, dont l’ampleur a même battu des records à l’université, en 2009. Du jamais vu depuis Mai-68. C’est dire si l’attente est aujourd’hui immense à l’égard de la gauche et qu’il ne suffira pas, pour y répondre, comme pour contrer le rouleau compresseur néolibéral de la "stratégie de Lisbonne" – qui sert de cadre aux réformes scolaires et universitaires en Europe –, de se contenter d’apporter quelques solutions techniques.

 

À l’approche des échéances électorales, il importe que les candidats à la primaire soient bien conscients de la responsabilité historique de la gauche en 2012 : il s’agira d'entreprendre la reconquête d'une hégémonie intellectuelle en France et en Europe, et de proposer une vision alternative de l’homme et de la société qui devra nécessairement se fonder sur une politique de l’éducation, de l’enseignement et de la recherche en rupture avec celle de la droite.

 

Sans pour autant jouer la carte de la surenchère et promettre plus qu’il ne sera possible, nous appelons les candidats, au-delà des déclarations de principes certes nécessaires mais déjà entendues, non seulement à prendre, dès maintenant, des engagements clairs et précis sur quelques points essentiels et attendus par notre électorat : la LRU, la formation des professeurs, les statuts des personnels, la réforme des rythmes et des programmes scolaires, la précarité croissante des étudiants. Entre autres. Mais nous les engageons surtout à considérer que ce qui sera entrepris en la matière déterminera toute notre politique. L’école, l’université et la recherche ne sont pas des sujets parmi d’autres : elles constituent les matrices de notre société. C’est à travers elles que se fera – ou ne se fera pas – la rénovation sociale à laquelle nous aspirons. Alors, camarades, un mot d’ordre, un seul : "éducation d’abord !". À court et à long terme, notre victoire en dépend

 
 

Signataires : PS Sorbonne, PS ENS-Ulm, PS Sciences Po Paris, PS de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, PS Grenoble-Universités, PS ENS-Cachan, GSU IEP Lille 2, GSU Seine-Maritime.