"Quand on m'attaque, je peux me défendre ; mais devant les louanges, je suis sans défense." [Sigmund Freud]

Une actualité éditoriale conséquente coïncide avec le 70ième anniversaire de la disparition de Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, décédé le 23 septembre 1939 à Londres. Le dossier spécial Freud réalisé par le pôle "psyché et cognition" de Nonfiction donne un aperçu de cette actualité.

Il s’agit tout d’abord de parutions en lien direct avec les textes fondamentaux de Sigmund Freud : Dictionnaire des œuvres psychanalytiques, Résumé des œuvres de Freud, nouveaux volumes de l’œuvre intégrale, histoire de la Traumdeutung. Ces parutions projettent un éclairage nouveau sur les textes produits par Sigmund Freud et fournissent aux chercheurs, aux professionnels et aux étudiants de nouveaux outils de travail. On soulignera ici l’excellent travail de Paul-Laurent Assoun sur les écrits psychanalytiques (Dictionnaire des Oeuvres psychanalytiques), recensant les différents concepts et notions qui en découlent ; ou encore l’édition du Résumé des œuvres complètes de Freud et d’un choix de lettres qu’entretenait Freud avec ses confrères et élèves (Résumé des oeuvres complètes de Freud), parue chez Hermann, travail pointu que nous explique dans une interview, réalisée par Sébastien Vaumoron, la directrice de collection Laurence Joseph (Entretien avec Laurence Joseph). Il s’agit aussi, ainsi que le montre Pierre-Henri Castel, de faire connaître les recherches actuelles sur l’œuvre de Freud, à l’instar de celles qu’ont mené deux auteurs autrichiens L.Marinelli et A.Mayer à propos du cheminement de l’écriture de L’interprétation des rêves (Rêver avec Freud : l'histoire collective de l'interprétation du rêve)

Nous présentons ensuite le travail extrêmement conséquent que Gérard Huber a consacré à la vie de Sigmund Freud, recensé ici par Marie Bonnet. Son ouvrage Si c’était Freud donne un nouvel éclairage sur l’intrication de la vie de l’homme et son œuvre. Il montre comment son histoire personnelle, intime, a dirigé les recherches de l’homme de science dans sa création d’une nouvelle discipline. La découverte géniale de l’inconscient, la pulsion de vie, la pulsion de mort, la sexualité infantile, le travail du rêve, la psychologie des masses : l’apport de ces différents concepts peut aussi se lire dans un tissage que Freud a patiemment réalisé à partir de matériaux intellectuels (philosophiques, scientifiques, médicaux, artistiques, religieux) et d’une lecture novatrice des faits cliniques qui se présentaient à lui. Gérard Huber nous fait revenir à la Vienne 1900 qui amènera quelques 40 ans après un génie à fuir le nazisme (Si c’était Freud).

Ensuite, un volet important est consacré à l’héritage freudien dans la clinique psychanalytique et dans la pensée intellectuelle contemporaines. Une interview enregistrée est proposée, laquelle donne la parole au pédopsychiatre et psychanalyste Bernard Golse concernant l’apport freudien à la psychanalyse de l’enfant et ses développements actuels concernant la clinique du bébé (Entretien avec Bernard Golse). Une présentation de l’ouvrage de T. Vincent concernant la pensée freudienne relative à la psychose (replacée dans son contexte intellectuel de l’époque) est faite par Alice Deschenau (La psychose freudienne : l'invention psychanalytique de la psychose). Enfin, un texte de Patricia Desroches concernant l’ouvrage de A. Bourgain nous rappelle l’importance de l’apport freudien dans la philosophie, et détaille comment il s’inscrit dans la pensée d’un Derrida, autour de la notion de trace et de texte (Chemins de traverse : passages de Freud à Derrida).

Nous ne pouvions pas clore ce dossier sans aborder la question de la psychanalyse comme "métier", de la régulation administrative de ce champ disciplinaire de nos jours et de la portée politique de l’acte analytique. C’est ce que fait Constance Broca en nous parlant de l’ouvrage d’A. Aflalo, qui remet le fameux "amendement Accoyer" en perspective (L'assassinat manqué de la psychanalyse).

Comme l’indique Pierre-Henri Castel, "l'étude dépassionnée du corpus freudien reste (…), à quelques exceptions près, dans l'enfance." Puisse cette actualité éditoriale et la diffusion de ces travaux récents, ou réédités pour l’occasion, contribuer à son développement d’une part, à faire connaître l’apport du travail princeps de Freud dans les théories psychanalytiques ultérieures d’autre part ; et, enfin, démontrer leur pertinence dans la pratique psychanalytique courante. "Comment faire pour que le discours analytique ne soit pas pur et simple bavardage médiatique ?", voilà une dernière question que ce dossier aborde de manière originale et poétique, avec la présentation que fait Fabrice Bourlez de l’ouvrage de Colette Soler, qui relit Lacan pour une réinvention de la pratique psychanalytique (Lacan, l'inconscient réinventé).

Freud paraît ici faustien, visionnaire, et initiateur d’un mode de pensée prompt à nous expliquer encore et toujours quelles sont les forces opposées qui travaillent le monde et nos consciences de l’intérieur. Son Malaise dans la civilisation n’a pas fini d’être une clef de lecture de ce qui agite nos cités. Les relectures qu’il occasionne aux auteurs contemporains de divers champs forment inéluctablement sa prospérité !

La coordination du pôle "psyché et cognition"
Sébastien Vaumoron et Marie Bonnet