Le livre de Pierangelo Dacrema revient sur les limites de l'indicateur PIB et dénonce une classe politique qui prend pour dieu un chiffre si réducteur.

Le sujet est sans nul doute dans l’air du temps. Bousculé en France par la commission Attali dont les travaux se développent sous l’enseigne "il n’y a pas une croissance mais des croissances", l’idée fait son chemin plus calmement en Italie, portée par le récent ouvrage de l’économiste Pierangelo Dacrema. Ex-trader à la Bourse de Milan et à présent professeur d’économie et de finance à l’Université de Calabre, Dacrema ne propose pas dans son ouvrage de nouvel indicateur de la croissance, mais fustige plutôt l’appauvrissement du discours politique et économique qui se résume à l’accompagnement critique ou satisfait des soubressauts – ou des prévisions - des "trois lettres" PIL (prodotto interno lordo, équivalent du PIB français).

"Aujourd’hui, un grand pays est un pays dont le PIL est important, que les revenus de ce pays proviennent de commerce d’armement ou pas, que ce pays soit vaste ou réduit à une bourgade" remarque-t-il. Sa cible se concentre alors sur le caractère crucial que cet indicateur a acquis depuis la fin de la guerre plus que sur l’indicateur lui-même, dont il est sans doute conscient de la suprématie universelle. Moquant les commentaires instantanés dont font l’objet toutes publications du "chiffre", Dacrema s’en prend à une classe politique dont le PIL est devenu de fait l’indicateur de performance, ou  d’inefficacité. Au moment où les révisions à la baisse pour 2007 étaient publiées (et donc abondamment commentées) son essai ne fit paradoxalement pas l’objet de grandes polémiques. Pourtant, comment ne pas sauter sur l’occasion pour invoquer d’autres indicateurs, plus optimistes, plaçant la qualité de vie, le bien être, la paix, la joie (felicittà) de la communauté nationale italienne certainement devant ses compétiteurs, comme l'IDH (Indice de Développement Humain, développé par les Nations Unies) qui place l’Italie ex-aequo avec la Grande-Bretagne ?

En effet, laissant de côté les paramètres non quantifiables en prix de marché (à la base du calcul du PIL), comme la qualité de l’air par exemple, le PIL est un "indicateur défectueux" qu’il faudrait "remettre à sa place". Dacrema ne fait pas pour autant théorie d’une "décroissance vertueuse", refusant les propositions faites en ce sens par l’économiste français, Serge Latouche, mais préfère prévenir que cet "esclavage au PIL est le principal obstacle à la croissance". Comment ?  sans répondre directement, Dacrema avance d’autres questions pour mettre en évidence les limites de l’indicateur : "Comment peut considérer un indicateur valide alors que la recherche de sa croissance entraîne généralement une diminution du temps libre et un accroissement de la pression sur l’environnement  ?". Le pamphlet de 80 pages n’apporte pas la réponse mais a cependant le courage de poser la question.


* Pierangelo Dacrema, La dittatura del Pil, , 96 p., 10€, Marsilio editore.