En ce début de congrès du parti socialiste, Le Monde convoque plusieurs intellectuels (sociologues, politologues, économistes, philosophes) au chevet du malade. Ils se livrent à un diagnostique croisé des maux multiples qu’accablent cette formation politique, qui continue pourtant de passionner les intellectuels français malgré le constat d’un désamour réciproque.

Les constats convergent sur plusieurs points, déjà mille fois exposés et dénoncés sur toutes les ondes, dans tous les journaux et dans une multitude de livres. Pour en citer quelques uns :

- le rempli sur soi d’un appareil constitué d’élus locaux professionnels, soucieux de garantir leurs emplois et hostiles à toute influence de la société civile qui pourrait bouleverser les savants équilibres claniques ;

- le provincialisme digne de Bouvard et Pécuchet, nourri d’une étroitesse d’esprit et d’une incompréhension sincère face aux bouleversements rapides du monde contemporain et face aux mutations de la société civile ;

- le refus de nouveaux paradigmes pour penser les rapports de forces économiques et sociaux, car toute clarification de la ligne idéologique entraînerait une implosion de la machine électorale ;

- le rapport conflictuel à la vérité, issu de la peur honteuse du surmoi gauchiste et du mépris hypocrite du recentrage inévitable, avec un parti sans cesse écartelé entre la surenchère radicale du discours d’opposition systématique et une pratique gouvernementale de gestionnaire raisonnable et raisonné.

Au delà de la dureté de certains propos, que l’on classera dans le registre de l’amour déçu, on se demande parfois si le PS n’est pas d’avantage présent dans le débat intellectuel français par sa mythologie passée que par son existence présente.

Comme si les intellectuels ne pardonnaient pas au PS de ne pas avoir pris la relève du PC après le bouleversement de 1989, pour les accueillir et les légitimer aux yeux de l’opinion. On sent le désir nostalgique de ces compagnons de route orphelins d’une formation politique crédible, qui puisse leur permettre de s’inscrire (à peu de frais) dans les luttes politiques et sociales de leur temps.

Au lieu de se réunir avec des mines attristées autour de la table d’autopsie, il serait peut-être temps pour les intellectuels d’investir ce PS pour lui redonner vie ou bien d’abandonner leur nostalgie et de s’atteler à l’émergence d’autres formations politiques, fussent-elles de centre ou de gauche, qui puissent offrir des alternatives politiques crédibles pour comprendre et agir sur le monde

 

 

* "Les intellectuels jugent le PS", Le Monde, 14.11.2008.

* À lire également sur nonfiction.fr :

- le dossier sur le PS : "PS : combien de divisions (intellectuelles) ?".