Un plaidoyer européiste au style direct et accessible, mais finalement tiède sur les problématiques fondamentales.

Est-il besoin de rappeler que Thomas Ferenczi est correspondant du quotidien Le Monde à Bruxelles ? Au-delà de ses articles sur l’Union européenne, il a éprouvé le besoin de commettre un livre sur l’Europe dans un contexte de crise des institutions et, surtout, de désaffection des opinions européennes. Ce livre est donc le plaidoyer d’un européiste convaincu qui, posant la question "pourquoi l’Europe ?", s’efforce surtout d’apporter des réponses, des justifications à la poursuite de l’intégration européenne. Trois parties composent l’ouvrage : I. Histoire, II. Personnages, III. Thèmes.


La première partie peut intéresser un public peu informé sur l’histoire de la construction européenne et être utile aux étudiants abordant pour la première fois ce sujet : Thomas Ferenczi retrace, de façon chronologique, les grandes étapes de l’intégration européenne. À noter qu’il ouvre cette partie par un chapitre consacré au "Temps de la chrétienté" dans lequel il insiste fortement sur la dimension civilisationnelle et chrétienne de cette construction, négligeant les apports antérieurs. Il mentionne "le christianisme, ciment des peuples et base d’une civilisation" ; plus loin il ajoute que "la civilisation européenne en gestation reconnaît à l’Église un rôle crucial, donnant au christianisme une place prépondérante". Puis viennent "L’esprit des Lumières" et la période "D’aristide Briand à Jean Monnet". La narration de la naissance et des développements de la Communauté et de l’Union européenne (UE) est sans surprise. On peut mentionner toutefois un anachronisme : l’auteur présente le traité de Maastricht   et même ceux d’Amsterdam et de Nice avant les événements de 1989 et les réunifications allemande et européenne auxquelles il n’accorde qu’une bien petite place   . De même les conflits des Balkans sont beaucoup moins évoqués que les problèmes institutionnels rencontrés par l’UE dans les années 1990. Enfin, Thomas Ferenczi dresse un très rapide "état des lieux" des politiques et institutions de l’UE   .


Dans la deuxième partie, Thomas Ferenczi propose sa liste des grands personnages de l’Europe, de Charlemagne à José Manuel Barroso, en passant par Aristide Briand "le diplomate", déjà évoqué dans la première partie ; Churchill "le combattant", Hitler, Saint-Simon "l’organisateur", Mazzini "le révolutionnaire", Hugo "le prophète", Nietzsche, pour lequel l’auteur rappelle avec Zweig que "personne n’a senti comme [lui] les craquements de l’édifice européen" ; Paul Valéry et ses méditations sur "l’agonie de l’âme européenne", l’antifascite italien Benedetto Croce, l’espagnol José Ortega y Gasset, le Français Julien Benda, l’Allemand Edmund Husserl, Jean Monnet et les pères fondateurs de la Communauté, De Gaulle "européen quand même". Il mentionne le rôle clé des démocrates-chrétiens et des socialistes, celui du/des couple(s) franco-allemands, l’ambivalence des États-Unis et "la méfiance obstinée des gouvernements britanniques".

 

 

Enfin la troisième partie présente quelques grands enjeux auxquels l’UE est aujourd’hui confrontée : la vieille mais toujours omniprésente tension entre nations et Europe, la question des frontières, celle de l’Europe sociale face à sa réalité libérale, celle de l’ "Europe espace" face à l’ "Europe puissance", celle encore du fameux "déficit démocratique". Mais ces enjeux ne sont que décrits ; on regrette la très grande prudence de Thomas Ferenczi qui ne pas prend position.


La conclusion, elle aussi, est tiède : être Européen, nous dit Thomas Ferenczi plagiant Ernest Renan, "c’est accepter les valeurs collectives d’une civilisation qui s’est construite à travers les siècles, mais c’est aussi se reconnaître dans un projet ouvert à tous ceux qui veulent bâtir un avenir nouveau. (…) L’Europe est à la fois mémoire et invention…" On est loin d’idées fortes et pratiques pour sortir l’Union européenne de l’ornière ; il n’est pas certain que ce Pourquoi l’Europe ? suffise à convaincre ceux qui doutent aujourd’hui de l’intérêt de cette échelle et de cette construction