Le second volume du travail de S. Friedländer consacré à la persécution des Juifs en Europe. Une somme incontournable.

En l’espace de dix ans, Saul Friedländer est parvenu à publier une histoire complète, "intégrée" selon la traduction allemande du titre, des persécutions commises par les nazis contre les Juifs. Alors que le premier volume, paru en 1997, était consacré aux "années de persécution" (1933-1939), le second, paru l’an dernier aux États-Unis et cette année en France, concerne les années d’extermination, de 1939 à 1945.

Cette œuvre peut raisonnablement être considérée comme relevant de l’histoire totale en raison non seulement de la diversité des sources utilisées, mais aussi de leur usage simultané dans une myriade de références classiquement placées en fin d’ouvrage pour ne pas nuire à la lecture. Il s’agit bien sûr de sources publiées et de documents d’archives, mais aussi de nombreux journaux intimes (de victimes, d’observateurs et de nazis), de correspondances privées, d’entretiens, de dépositions devant des tribunaux et autres témoignages directs ou indirects. L’épigraphe choisie par l’auteur témoigne d’une réflexion de fond sur les liens entre mémoire et histoire   : au lieu de craindre la subjectivité du témoignage, sa partialité éventuelle, Friedländer en fait un usage qui, à l’aide de recoupements, d’interrogations et parfois même de questions laissées ouvertes, permet de "domestiquer ce sentiment initial d’incrédulité"   tout en le respectant, exposant ainsi au lecteur la complexité du fait historique. L’analyse contextuelle qu’il opère, à partir d’une herméneutique des faits et des dires (dans l’interprétation, au demeurant assez classique, du vocabulaire utilisé par Eichmann dans la célèbre conférence de Wannsee) n’est pas sans rappeler la "Thick description" d’un Clifford Geertz en anthropologie. Parfois, ce sont les témoignages cités qui permettent de mieux comprendre l’importance des sources d’information à l’époque, et le développement de rumeurs, la naissance de l’anxiété ou d’espoirs, par exemple au moment de l’opération Barbarossa (rupture du pacte germano-soviétique) le 22 juin 1941   . Le résultat de cette approche méthodologique est plus que probant lorsque, par exemple, les propos d’un jeune diariste de 12 ans, illustrant les mesures anti-juives prises à Kielce, en Pologne, sont placés en contrepoint des journaux de soldats de la Wehrmacht pour qui Juifs et porcs sont synonymes   .

La haine antijuive d’Hitler constitue le fil rouge de cet opus magnum. On comprend comment cette haine a pu être partagée au niveau des populations, en Allemagne et dans les pays conquis. Alors que le premier volume mettait à jour un antisémitisme hitlérien rédempteur, le Juif devient pour Hitler, à partir de l’automne 1939, une catégorie à part, une menace mortelle "active". Les Juifs se distinguent alors pour les nazis des autres groupes persécutés que constituent les malades mentaux, les Roms, les Slaves ou les homosexuels qui ne représentaient qu’un danger démographique. Suivant les images classiques de l’antisémitisme le plus grossier, "le" Juif est pour Hitler (et ce depuis Mein Kampf au moins) un conspirateur, un réel danger politique. Ce poncif était bien sûr déjà largement répandu au tout début du XXe siècle, par la diffusion par exemple du Protocole des sages de Sion (en 1905), mais il trouve ici un développement exceptionnel.

Dès l’introduction, Friedländer prend implicitement parti contre la thèse de l’unicité du génocide juif commis par les nazis, évitant autant que possible le terme "Shoah" même s’il est utilisé dans le titre de la troisième partie. Il s’intéresse à "l’extermination des Juifs" car celle-ci décrit "le génocide le plus prolongé et le plus systématique"   . Rappelons ici que si l’auteur est juif et que sa famille a été plus que marquée par la guerre (ses deux parents ont été déportés après avoir été refoulés à la frontière suisse), il se dit lui même agnostique et évite logiquement le terme hébreu, eu égard, en premier lieu, à l’ensemble des Juifs victimes du génocide nazi pour qui, par exemple, le yiddish, le polonais ou l’allemand étaient plus souvent la langue véhiculaire   .

Structuré en longs chapitres d’une centaine de pages selon un ordre chronologique, ce livre, dont personne ne contestera son statut de référence, aurait sans doute été plus facile à utiliser s’il avait pu bénéficier d’un découpage plus précis, avec des indications thématiques. L’index est également un peu décevant pour un ouvrage d’une telle ampleur (800 pages de texte). Ainsi, si l’extermination (non moins systématique) des Roms est parfois mentionnée, ni Rom ni Tzigane (le terme utilisé) n’y figurent. De même, pour le lecteur français qui cherchera par exemple les pages sur la Rafle du Vel d’Hiv   , il ne sera d’aucun secours.

Mais venons-en aux thèses brillamment illustrées tout au long de ce livre. Friedländer en présente quatre mais on pourrait en ajouter une cinquième.


1 – Dans la lignée du premier tome, l’auteur montre comment la crise du libéralisme en Europe continentale permet de mieux comprendre la facilité avec laquelle l’idéologie nazie a pu se répandre en Allemagne mais aussi pénétrer les populations des pays conquis. Les Juifs apparaissent dans ce cadre, en vertu des préjugés antisémites régnants, comme les symboles de ce libéralisme, voire "de la forme révolutionnaire du socialisme"   . C’est aussi une réflexion de nature économique qui détermine le sort réservé aux différentes populations juives. En Haute-Silésie, par exemple, les Juifs représentent une force de travail utile   alors que dans d’autres zones, il est préférable, plus rentable, de se "débarrasser" d’eux (émigration au départ, extermination à partir de 1941/1942) pour jouir de leurs biens, à commencer par les habitations. Là encore, différents modus operandi sont mis en place : à Vienne   , les Juifs sont évacués et regroupés dans des "maisons juives" avant d’être déportés à partir de février 1941 (7000 Juifs déportés en deux mois avant avril). À Munich, les Juifs sont contraints au printemps 1941 de se construire un bidonville en périphérie, à Milbertshofen, avant de connaître un sort analogue.


2 – Parallèlement, Friedländer s’intéresse pendant tout son exposé à la fonction mobilisatrice du Juif, vu comme un bouc émissaire plus que l’objet d’une "passion antijuive profondément enracinée" (l’auteur se démarque en cela des thèses de Goldhagen exposées en 1996 dans Les Bourreaux volontaires de Hitler). Friedländer récuse également la primauté de l’explication phsycho-sociologique de Browning   .

L’auteur insiste d’abord sur le fait que l’antisémitisme de l’époque reposait sur une représentation monolithique des neuf millions de Juifs européens   , niant les phénomènes d’allégeances multiples, les différences de richesse, et créant de toute pièce une influence politique collective purement imaginaire. Le sionisme par exemple, qui aurait pu constituer un pouvoir politique, trouvait peu d’adeptes dans la population juive. Friedländer explique ensuite à travers l’action des Conseils juifs (les fameux Judenräte, représentant d’un côté les populations juives mais servant aussi d’auxiliaires des nazis), la différence de traitement, en Pologne, entre l’élite polonaise et les Juifs   . Les hauts représentants de l’administration ou de l’armée avaient été liquidés selon un plan de "nettoyage politique" (à partir d’une liste de 60 000 noms) alors que les représentants de la communauté juive avaient été préservés au sein des Judenräte pour accomplir au départ des tâches de recensement   .

Friedländer montre comment les Juifs constituent l’obsession principale d’Hitler, même si la guerre sur le front de l’Est l’amène parfois à placer cette obsession au second plan de ses préoccupations. Ainsi, derrière l’engagement britannique de septembre 1939, Hitler voit la responsabilité de la "classe dirigeante judéo-ploutocratique et démocratique"   . La propagande, placée sous la responsabilité de Goebbels, sert à merveille la diffusion de cet antisémitisme. Friedländer se plaît d’ailleurs à rappeler l’admiration d’un Antonioni pour le film Le Juif Süss   ou les succès des expositions antisémites censées apprendre aux citoyens à reconnaître les Juifs.

Les Juifs eux-mêmes sont parfois présentés avec ambiguïté, que ce soit lorsque le Judenrat de Varsovie finance le mur du ghetto avec 400 000 personnes réparties avec une moyenne de 7,2 personnes par chambre   , ou dans la description qui est faite de l’attitude pour le moins critiquable des représentant du judaïsme français vis-à-vis des Juifs étrangers installés en France.

Sur 330 000 Juifs présents sur le sol français, près de la moitié étaient des étrangers ou étaient nés de parents étrangers   . La loi du 18 novembre 1939 a causé l’internement de 20 000 Juifs étrangers, surtout allemands et autrichiens, notamment en raison du pacte germano-soviétique qui a participé au développement d’un antisémitisme contre les Juifs étrangers caractérisé par la peur d’une "cinquième colonne" en France. Jacques Helbronner, nommé en mars 1941 président du Consistoire, écrivait encore à Pétain en novembre 1940 que le problème venait des Juifs étrangers qui "commencent à envahir notre sol"   .  

Mais pour Hitler, c’est bien l’antisémitisme qui sert de moteur à son action. Pour expliquer la décision de lancer l’offensive contre l’URSS, Friedländer montre que Hitler entend ainsi combattre le judéo-bolchévisme   . À l’été 1941, la violence se déchaîne en Europe centrale et orientale. En Roumanie, la terreur amène l’horreur avec des exécutions d’une cruauté sans nom   . Là encore, les Juifs sont considérés comme responsables, en l’occurrence, des pertes territoriales (Bessarabie et Bucovine au profit de l’URSS en juillet 1940). Friedländer dresse ce résumé : "À divers stades et dans diverses circonstances politiques et stratégiques, la haine locale des Juifs et la politique meurtrière de l’Allemagne devaient bientôt former un mélange particulièrement létal."   . C’est ainsi que Reinhard Heydrich, directeur du Reichssicherheitshauptamt (RSHA), demande officiellement à encourager les pogroms locaux   .

Encore une fois, c’est la haine d’un Juif imaginaire qui explique, selon Friedländer, la décision d’anticiper l’extermination systématique. Alors que celle-ci était initialement prévue après l’offensive contre l’Union soviétique, Hitler décide en septembre 1941 d’exterminer les Juifs qu’il considère comme "la force menaçante qui se cachait derrière Roosevelt"   . Ce sont bien les Juifs qui font le lien entre le capitalisme mondial et le bolchevisme.


3 – Dans son étude sur les variétés de l’antisémitisme hitlérien, Friedländer n’oublie pas les Églises chrétiennes qui ont permis d’utiliser l’antisémitisme traditionnel chrétien pour légitimer, auprès de larges franges de la population, la politique nazie à l’égard des Juifs : "  Les églises chrétiennes jouèrent un rôle décisif dans la permanence et le caractère envahissant des croyances et attitudes antijuives en Allemagne comme à travers l’ensemble du monde occidental. (...) [L]’antijudaïsme demeurait une toile de fond utile pour la propagande et les mesures antisémites des nazis."   .

Un extrait du journal de Goebbels décrit d’ailleurs un Hitler "profondément religieux mais totalement antichrétien", critiquant le manque de relations des chrétiens avec les animaux. Jusqu’à la mise en place de la solution finale, l’antisémitisme catholique historique (accusant le "peuple déicide") sert de courroie de transmission aux populations   .

Déjà en 1936, une lettre pastorale est nécessaire pour rappeler qu’il est "interdit d’agresser, de frapper, d’estropier ou de calomnier des Juifs".  

En France, les catholiques étaient majoritairement très satisfaits que Pétain ait de facto introduit la religion catholique comme religion officielle   . Le Pape Pie XII (auquel Friedländer avait déjà consacré un livre   , et pour lequel la communauté des historiens attend toujours que le Vatican daigne autoriser l’accès aux archives) joue ici un rôle déterminant. Dès 1939, il avait levé l’excommunication qui avait touchée l’Action française et il n’a eu cesse, pendant la guerre, d’adopter une attitude pour le moins conciliante avec les nazis. En France, Friedländer rappelle : "L’assemblée des cardinaux et des évêques se félicita en août 1940 des limites imposées aux Juifs du pays, et aucun membre de la hiérarchie catholique n’exerça la moindre protestation concernant les statuts [imposés aux Juifs] d’octobre 1940 et de juin 1941."   Léon Bérard, ambassadeur de Vichy au Vatican rappelle que "le droit ecclésiastique avait astreint les Juifs à porter des habits distinctifs". Il apparaît que même "les chrétiens de race juive n’ont ni place ni droit dans l’Église"   , position défendue par Xavier Vallat à la tête du Commissariat général aux Questions juives   .

La "palme" de l’antisémitisme catholique national revient selon l’auteur aux Polonais. Même le gouvernement en exil en Grande-Bretagne refuse de prendre position sur les persécutions dont sont victimes les Juifs, pour ne pas perdre le contact avec le peuple   . Un rapport officiel de l’Église polonaise relate que même si les nazis ont décimé l’élite polonaise, ils rendent "un grand service" en débarrassant le pays de la "vermine juive"   .

Les quelques rares formes d’opposition au nazisme chez les catholiques constituent selon Friedländer des "cas isolés"   . Il rappelle d’ailleurs que Bernhard Lichtenberg, prieur de la Cathédrale Sainte-Hedwige de Berlin qui priait à voix haute pour les Juifs, a été dénoncé par deux paroissiennes.


4 – Un point essentiel de l’histoire présentée par Friedländer est l’absence de toute opposition majeure à la politique hitlérienne antijuive. Dans la lignée du livre de Philippe Burrin, La France à l’heure allemande (1995), Friedländer expose la diversité des "accommodements"   . Parmi les citations que l’auteur prend soin de toujours replacer dans leur contexte, on lit celles d’un Pierre Teilhard de Chardin – "les Allemands méritent de gagner" – ou d’un Emmanuel Mounier qui prévoit une "Europe autoritaire, pour avoir été trop longtemps une Europe libertaire". Là encore, Friedländer veille à nuancer les positions lorsque celles-ci évoluent. Ce n’est bien sûr pas le cas pour Céline ou Drieu la Rochelle mais l’historien mentionne que Mounier, par exemple, en vient à critiquer Le Juif Süss lorsque ce film, grossièrement antisémite, rencontre un grand succès en France   .

Se basant sur des rapports préfectoraux, des journaux intimes et des comptes-rendus des services d’écoute téléphonique, Friedländer montre aisément combien le statut des Juifs, promulgué le 3 octobre 1940, fut très bien accueilli dans la population   . Il décrit Paris comme une "pépinière de collaboration intellectuelle et artistique"   , le Collège de France décidant par exemple de priver d’enseignement les professeurs juifs avant même la promulgation de ce statut infamant (on retrouve ici le principe de "mise au pas volontaire", Selbstgleichschaltung, qui avait marqué la montée du nazisme en Allemagne).

L’approche comparative se révèle passionnante lorsque l’historien alterne sur une même période les récits concernant différents pays. Il relate ainsi que, contrairement à ce qui s’est passé en France, les Néerlandais ont organisé en février 1941, avec le soutien du parti communiste, une grande grève de soutien aux ouvriers juifs persécutés   . Sobrement, Friedländer note : "Que rien de tout cela ne se soit produit en France est historiquement déroutant."   . En France, aucune réelle opposition ne mentionne le sort des Juifs. Parmi les tracts concernant la situation en France, rédigés en soutien au Général de Gaulle pour la manifestation clandestine prévue le 11 novembre 1940, pas un mot ne concernait le sort des Juifs. C’est cependant le sort réservé aux jeunes enfants au moment des grandes rafles qui va donner naissance, selon Friedländer, à quelques timides protestations. Juste après la rafle du Vel d’Hiv (16-17 juillet 1942), la réunion des cardinaux et archevêques ne donnera lieu à aucune critique mais le cardinal Suhard décide tout de même, le 22 juillet 1942, de rédiger une première lettre officielle de protestation   .

Dans les zones occupées à l’est, les exactions nazies sont très largement soutenues par les populations locales et une partie du livre illustre le rôle de ces populations dans ce qu’on appelle la Shoah par balles   .

Dans tous les pays sous domination nazie, le point commun est bien la docilité des autorités politiques et la complicité massive de la population. Au fond, comme le rappelle Tony Judt, suivant en cela la position de Friedländer, "il n’y eut que deux groupes pour qui la seconde Seconde Guerre mondiale fut avant tout un projet visant à détruirte les Juifs : les nazis et les Juifs eux-mêmes. Pour tous les autres pratiquement, la guerre eut des sens tout à fait différents : tous avaient leurs propres ennuis"   .


5 – Même si l’auteur n’en fait pas un thème explicite, un point particulièrement intéressant est celui de la modernité de l’entreprise nazie, telle qu’elle transparaît tout au long de l’ouvrage, au détour de quelques descriptions et citations. L’utilisation optimale d’une pensée rationaliste constitue d’ailleurs un des signes particuliers des génocides entrepris par les nazis contre les Juifs et les Roms. Edward Koenekamp, responsable de l’Auslandsinstitut de Stuttgart écrit au sujet des Juifs, dans une lettre adressée à un ami : "L’extermination de ces sous-hommes serait dans l’intérêt du monde entier mais leur extermination pose des problèmes incroyablement ardus. Un abattage par balle ne peut convenir et on ne peut abattre simplement les femmes et les enfants. (...) On n’a pas encore trouvé de solution efficace à ce problème complexe."   .

La logistique est ainsi abordée mais aussi la lutte contre le stress. Le 12 décembre 1941, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler explique qu’il convient dans les zones orientales, le soir, de veiller ainsi au moral des troupes après les tueries : "On doit s’attabler ensemble et manger dans la meilleure tradition domestique allemande ; par ailleurs ces soirées doivent être consacrées à la musique, à des conférences et à l’initiation de nos hommes aux beaux domaines de la vie spirituelle et émotionnelle allemande."   .

Ce mode de pensée n’est pas sans rappeler le parallèle audacieux qui est fait par le réalisateur Nicolas Klotz et la scénariste Elisabeth Perceval dans le film La question humaine (2007). À bien des égards, la logique économique qui caractérise aujourd’hui la modernité de l’entreprise capitaliste fait écho à ces premières innovations introduites par les nazis dans la gestion de la "question juive". Friedländer note ainsi, au sujet du premier convoi de déportés slovaques vers Auschwitz, le 26 mars 1942 : "Dès lors que les mesures d’aryanisation avaient dépouillé la plupart des Juifs de leurs biens, se débarrasser de cette population appauvrie était d’une parfait logique économique."  


Incontestablement, ce livre fait date et marque l’accomplissement d’une brillante carrière pour Saul Friedländer. À une époque menacée par la concurrence des victimes (notamment à cause d’une intempestive incursion du chef de l’État dans les affaires scolaires), ce livre parvient à dégager, à travers la description de l’extermination systématique dont les Juifs ont été victimes, son aspect universel. Il montre aussi combien il est dangereux de sacraliser cette extermination et que, au contraire, le fait que ce génocide soit si amplement étudié doit permettre à chacun d’ouvrir les yeux sur d’autres drames, passés ou contemporains, d’autres silences, d’autres complicités, régies selon le même mode. Dans la lignée du livre d’Esther Benbassa   , le livre de Friedländer invite également à reconsidérer la place des études sur le génocide juif dans l’identité juive contemporaine. Avec cet essai d’histoire "totale", l’identité juive peut se recomposer, se déployer, s’ouvrir et se prolonger dans d’autres dimensions.

Ouvrage publié avec l'aide du Centre national du livre.



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- la critique du livre de Peter Longerich, Nous ne savions pas. Les Allemands et la Solution finale (Héloïse d'Ormesson), par Anne Pédron.
Un livre majeur sur la question complexe de savoir ce que les Allemands percevaient de l’extermination des Juifs. Une belle réussite.

- la critique du Journal d'Hélène Berr (Tallandier), par François Quinton.

Ce journal poignant d’une demoiselle juive sous l’Occupation, publié pour la première fois, est, incontestablement, l’événement de cette rentrée.

 


- la réaction indignée de deux historiens, Christian Ingrao et Jean Solchany, contre la déformation médiatique de "La Shoah par balle : l'histoire oubliée" (émission "Pièces à Conviction", France 3, 22.03.2008).
Une mise au point nécessaire sur un sujet qui ne souffre aucune approximation.

- la critique du livre de Gerhard Botz, Nationalsozialismus in Wien. Machtübernahme, Herrschaftssicherung, Radikalisierung – 1938/39 (Mandelbaum), par Jérôme Segal.
Un livre clé sur la prise du pouvoir, l'installation et la radicalisation du national-socialisme à Vienne.

- la critique du livre dirigé par Michel Cullin et Primavera Driessen-Gruber, Douce France? Musik-Exil in Frankreich / Musiciens en Exil en France 1933-1945 (Böhlau), par Jérôme Segal.
Un livre qui défriche de façon intéressante (et bilingue !) un champ de recherche.

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L'Italie fasciste fut-elle totalitaire ? Oui, répond l'auteur, de façon peu convaincante.

- la critique du livre d'Emilio Gentile, Fascismo di pietra (Laterza), par Antoine Aubert.
E. Gentile, spécialiste du fascisme, évoque les projets architecturaux entrepris par Mussolini à Rome pour asseoir son pouvoir.

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Emilio Gentile décortique, dans deux biographies parallèles, les vies de deux historiens spécialistes du fascisme - Mosse et De Felice.

- la critique du livre de Daphné Bolz, Les Arènes totalitaires. Hitler, Mussolini et les jeux du stade (CNRS), par Emmanuelle Loyer.
Une étude sur le rapport ambigu entre sport et politique à la lumière des instrumentalisations du premier par le second dans l'Allemagne et l'Italie des années 1930.