A l’occasion de la sortie du 8e numéro des Cahiers de l’Atelier Arts-Sciences, Christian Ruby reprend la réflexion menée au long de la centaine de textes qui composent à ce jour la chronique Arts & Sciences. Peut-on véritablement penser le rapport entre Arts et Sciences, sans réduire celle-ci à la Technique ?

 

 

Le récent Cahier de l’Atelier Arts-Sciences (Scène nationale l’Hexagone) fait le point à la fois sur la résidence de l’artiste EZRA, membre du Beatbox (Boîte à rythme humaine) international (musique, vidéo, danse et scénographie) et sur les relations complexes et contradictoires entre Arts et Sciences d’un côté, mais aussi entre celles-ci et les Techniques. Le prétexte en est l’invention d’un gant interactif utilisable dans des concerts afin de moduler les effets de l’éclairage et du son. Nul besoin désormais de tenir dans la main un appareil de réglage (une souris, un portable...) : avec ce gant, l’artiste accède facilement à des fonctions indispensables durant son show.

Portons l’accent de cette Brève sur un seul aspect des problèmes soulevés dans ce Cahier. Il contient toutes les ambiguïtés du propos et du projet. L’Atelier Arts et Sciences de la scène de Meylan déploie une certaine capacité à accompagner des projets initiés par des artistes, des chercheurs ou des entreprises en avançant une volonté de nourrir la création artistique dans une logique de filière économique et le désir de participer à la construction d’un avenir au service de l’humain. En ce sens l’artiste est souvent demandeur : « C’est une démarche que je suis en train de mener avec mon propre projet de création, où je tente, pour nourrir mon propos, de rencontrer des scientifiques » (EZRA, interview par Jean-Marc Adolphe).

 

 

Mais finalement, demandeur de quoi ? Ici intervient l’ambiguïté du projet, ce qui ne signifie pas qu’il soit erroné. Le chercheur contacté, Dominique David n’est pas dupe : « Il faut bien reconnaître que dans ce que l’on montre et diffuse, on est davantage du côté de la technologie que de la science » (interview par Jean-Marc Adolphe). Et un autre chercheur d’ajouter : « Les artistes ont souvent des exigences » pressées, qui entrent en conflit avec la recherche scientifique qui s’étale dans la durée (Laurent Jouanet, interview).

Au-delà de ce point, Dominique David développe par ailleurs une intéressante théorie sur les experts, distinguant les experts verticaux (ceux qui imposent leur savoir) et les experts horizontaux (ceux qui échangent des savoirs). Et il souligne que durant de telles résidences d’artistes, les deux dimensions se rencontrent de manière fort intéressante.

Pour ne pas excéder l’idée de Brève, permettant de signaler rapidement et brièvement telle ou telle élément nouveau des débats en cours de toute nature, nous en restons là. Non sans conclure de cette lecture, conseillée, qu’il est un risque foncier en matière de rapports Arts et Sciences, c’est celui de confondre cette question avec les simples besoins techniques des artistes, ou de confondre cette question avec celle des besoins des techniques de se laisser esthétiser. Or, le cœur des rapports Arts et Sciences devrait plutôt se trouver dans la rencontre entre deux domaines séparés, laquelle fabriquerait alors une surface d’échange susceptible de donner lieu à l’élaboration d’un objet (ou d’une processus) qui n’appartiendrait pas de droit à l’un ou à l’autre.

 

Les Cahiers de l’Atelier Arts Sciences, CEA, Hexagone, Ganterie Lesdiguières, Ezra, Résidence, n° 8, 2017. On peut se procurer ce cahier à partir de : www.Atelier-Arts-Sciences.eu