Les clés indispensables pour lire le Nouveau Testament, en pariant sur la concision.

La collection du cerf « Mon ABC de la Bible » propose un certain nombre de titres visant à aider à initier une connaissance de la Bible. Ouvrage utile pour l’exégèse et, plus simplement, pour une lecture personnelle consistante et informée de la Bible, cette Introduction au Nouveau Testament, réussit à synthétiser les informations essentielles, en particulier sur le plan historique, aussi bien en ce qui concerne le contexte des événements rapportés que les auteurs des différents livres et leur communauté.

 

Histoire des rédactions

L’ouvrage, rédigé par Ludovic Nobel, prêtre et enseignant auprès de l'Université théologique de Fribourg, rappelle les hypothèses les plus communément admises quant aux dates de rédaction des différents textes, de la première lettre aux Thessaloniciens qu’on s’accorde à dater de 49 ou 50 apr. J.C. à la deuxième lettre de Pierre, datant probablement de 125 ou 130. Au cœur du Nouveau Testament figurent les récits évangéliques, composés, pense-t-on, entre 65 et 100, après la disparition des Apôtres et des témoins ayant connu Jésus de leur vivant, et après la destruction du Temple par Titus (70 apr. J.C.) et la redéfinition du judaïsme qui s’ensuivit. De façon assez précise et claire, l’auteur caractérise les écrits néotestamentaires comme des récits qu’on appellerait non pas « objectifs », neutres ou impartiaux, mais comme « marqués de la trace de la foi de leurs auteurs »   . Portant témoignage et en même temps animé d’une conviction profonde, l’auteur d’un livre du Nouveau Testament interprète toujours déjà ce qu’il rapporte. C’est ce qui explique la pratique de la pseudo-épigraphie, qui consiste à écrire sous le nom d’un autre : pour conférer plus d’autorité, on l’attribue à un personnage célèbre. Cette pratique de la pseudo-épigraphie est traditionnelle   et vise moins à tromper qu’à renforcer l’autorité d’un texte en recourant au nom d’un personnage important.

Après une brève exposition des hypothèses sur la rédaction des évangiles synoptiques (l’évangile de Marc et la source Q, recueil de paroles de Jésus, auraient été les sources des évangiles de Matthieu et Luc, chacun des deux disposant par ailleurs de sources propres), l’auteur présente chaque évangile et les Actes des Apôtres avec ses spécificités et les acquis de la recherche sur la communauté à laquelle il s’adressait originellement. L’auteur s’intéresse ensuite au corpus johannique, notant à la fois les spécificités de l’évangile de Jean (le plan, des personnages tels que Nicodème, Lazare ou la Samaritaine, l’absence de liste d’apôtres, Jésus qui utilise un vocabulaire plus philosophique que le fils du charpentier des synoptiques, etc.), les problèmes de personnes dans l’identification des auteurs des lettres de Jean et l’inscription de l’Apocalypse dans le genre littéraire qui est le sien. L. Nobel expose, pour clore la concise présentation des livres du Nouveau Testament, les lettres de Paul et les épîtres catholiques, s’attardant sur leur structure-type   , sur la lettre de Jacques et son insistance sur les œuvres et non sur la seule foi.

Enfin, l’auteur traite d'un certain nombre de points qui répondent à des questions qu’on entend souvent à propos du Nouveau Testament. Il rappelle ainsi la constitution progressive du Canon et les critères d’un livre pour qu’il en fasse partie : être un témoignage apostolique (il doit avoir été écrit à l’époque apostolique , que les rédacteurs soient eux-mêmes des Apôtres ou qu’ils aient bénéficié de leur prédication), être conforme à la règle de la foi, c’est-à-dire que l’image que le texte renvoie doit correspondre au message central de la foi chrétienne et qu’il soit reconnu comme édifiant par toutes les églises locales et non seulement par certaines d'entre elles (c’est le critère ecclésiologique d’universalité). Il explique précisément ce qu’est un texte apocryphe, détruisant par là l’aura sulfureuse que peut avoir cette qualification pour certains, et ce que certains ont apporté à la tradition   .

Décrivant rapidement le contexte historique de la vie de Jésus et de la rédaction des textes néotestamentaires, l’auteur explique en particulier le rapport entre loi juive et domination romaine en Judée. Hormis en ce qui concerne la fiscalité et la peine de mort, la Torah y est reconnue comme loi d’Etat, bien que le territoire soit une province impériale. Le sanhédrin a la charge de la faire appliquer. La religion juive a le statut de religio licita, autrement dit de religion autorisée, comme le christianisme jusqu’en 70. En effet, suite aux guerres avec Rome, le Temple est détruit et le judaïsme doit se reconstruire. C’est ce qu’il fait sous l’égide des pharisiens, et cette reconstruction le conduit à se démarquer du christianisme qui perd le statut de relio licita et devient une superstitio, une religion interdite. L’auteur mentionne également les sources juives et romaines qui ont parlé des débuts du christianisme.

 

Panorama thématique

Après ces informations historiques et contextuelles, l’auteur analyse quelques thèmes qui apparaissent comme des leitmotive dans le Nouveau Testament et révèlent son unité par delà la diversité des livres ou des genres littéraires. Le thème du Royaume de Dieu, par exemple, présent dans les synoptiques comme dans la correspondance de Paul, déjà là, dans la bouche de Jésus, et à venir, apparaît à la fois comme une promesse eschatologique, souvent annoncée sous la forme d’un festin, dont le paradoxe est d’être à la fois déjà là et pas encore advenu. La titulature de Jésus dans le Nouveau Testament est également examinée, ce qui laisse voir sous la diversité des qualifications de Jésus (Messie, Seigneur, Fils de l’homme ou de Dieu, etc.) l’unicité de sa mission : sauver les hommes en comblant les attentes d’Israël, parce qu’il est de nature divine. On comprend également bien pourquoi Jésus est au cœur du Nouveau Testament. L’auteur examine également le rapport de Jésus aux Ecritures, à la fois ce que Jésus dit des Ecritures, comment on peut penser que ces dernières annoncent sa venue et ce qu’il doit devenir, et comment elles sont utilisées dans le Nouveau Testament. Le rôle de l’Eglise et ce que les textes néotestamentaires disent de sa naissance, le rapport à la perfection dont le modèle est le Père et l’unité de la foi dans la diversité de ses expressions sont également des thèmes étudiés dans l’ouvrage de L. Nobel qui traversent le Nouveau Testament et qui sont d’une grande importance pour en saisir l’unité et la structure.

 

Réception et influence du Nouveau Testament

A une ère de confiance absolue et inconditionnelle en la véracité et en l’authenticité du Nouveau Testament, qu’on croyait à même de permettre un accès direct à Jésus, et dans laquelle on essayait d’harmoniser ce qui pouvait sembler divergent dans sa littéralité   , a succédé une attitude plus suspicieuse à l’égard de ce qui se présentait comme une révélation. L’auteur rappelle avec concision l’histoire de la critique biblique et la naissance de l’exégèse comme discipline rigoureuse et méthodique, de la critique documentaire au cours du XIXe siècle à l’histoire des formes et des genres littéraires ainsi que l’histoire de la rédaction après la seconde guerre mondiale. Il fait aussi le point, à partir du document de la Commission biblique pontificale de 1993 (L’interprétation de la Bible dans l’Eglise), sur les apports et les limites des méthodes d’interprétation synchroniques de la Bible, essentiellement la méthode narrative et la méthode sémiotique. Dans un ultime chapitre, l’auteur explique l’importance culturelle que revêt le Nouveau Testament. En art, en littérature ou en histoire, on ne peut pas comprendre certains sujets sans une connaissance effective de ses textes.

Au total, L. Nobel remporte son pari : faire comprendre l’essentiel du Nouveau Testament et ce qui se joue dans la complexité de l’entremêlement des livres qui le composent, articulant croyance et faits historiques