Un manuel d'art du XIXe siècle, symptomatique d'une vision académique de l'histoire de l'art, incapable de croiser les champs disciplinaires.

C’est à un universitaire spécialiste du romantisme, Pierre Wat (auteur notamment d’un livre sur le peintre Pierre Buraglio) et à deux documentalistes du musée d’Orsay, Isabelle Cahn (qui a travaillé sur le marchand d’art Ambroise Vollard) et Dominique Lobstein (spécialiste de l’impressionnisme et auteur d’un beau livre récent sur les salons au XIXe siècle) que l’on doit cette réédition d’un ouvrage qui s’inscrit dans la collection "Tout l'art" aux éditions Flammarion.

Ce travail collectif est conçu comme un outil (comme un manuel pourrait-on dire) pour qui cherche à dater une œuvre d’art et à la restituer dans un contexte historique. Plus de 400 illustrations en couleur ou en noir et blanc (sur 240 pages) et de format réduit compte tenu des dimensions du livre, accordent à la peinture le premier rôle, à l’architecture le second, le troisième à la sculpture et le quatrième aux arts décoratifs. Deux à trois pages permettent de synthétiser sur une année les principaux événements répertoriés par des rubriques signalant les principaux faits politiques, littéraires, musicaux et scientifiques. Cette synthèse strictement chronologique de l’ébullition créatrice du "siècle de l’histoire" évite volontairement l’obsolète présentation des œuvres d’art par école et accorde une plus grande importance aux productions étrangères quand bien même le point de vue reste foncièrement occidentalo-centriste (à l’exception de l’incontournable Hokusaï dont on connaît l’influence sur les artistes français). Au-delà de son principe diachronique, l’ouvrage présente très régulièrement des encadrés dédiés à l’analyse d’une œuvre d’art où les auteurs présentent des commentaires à la fois esthétiques, historiques, biographiques permettant une approche plus approfondie et apte à éclairer le lecteur sur la singularité de l’œuvre ou à l’inverse sur son appartenance à un mouvement pictural ou architectural. Comme tout travail synthétique, ce livre fort agréable à manier, opère une sélection d’exemples qui alternent entre les "incontournables" tels que Un enterrement à Ornans de Courbet ou l’Opéra de Paris de Garnier et des productions moins attendues (architecture anglo-saxonne, mouvement des Nazaréens).

Quelques points peu susceptibles de mettre en cause l’aspect utile de ce livre méritent néanmoins notre attention. Profitons de ce choix des auteurs de faire débuter le XIXe siècle en 1800 et de l’achever en 1899 pour rappeler qu’il naquît en réalité en 1801 pour finir le 31 décembre 1900… En outre, les bornes chronologiques pouvaient très légitimement inclure l’intégralité de la Belle Epoque en allant jusqu’en 1914, date qui clôt le XIXe siècle avec bien plus de pertinence que 1899. Le principal regret – quand bien même le livre y trouve sa justification – provient de la priorité accordée à la peinture qui semble résumer à elle seule l’essentiel de la mémoire artistique que nous gardons du XIXe siècle. L’index est révélateur à ce propos de la différence de traitement entre d’une part la peinture et d’autre part la musique, puisqu’il ne retient aucun nom de compositeur et néglige les hommes politiques qui ont pourtant institutionnellement agi sur le monde artistique. Cet état de fait regrettable est symptomatique d’une vision encore trop académique de l’histoire de l’art et de la difficulté à croiser les champs disciplinaires que l’on hiérarchise implicitement et qu’au mieux on juxtapose sous prétexte de les relier au moyen d’une même date. Des efforts restent donc à poursuivre pour atteindre cette "cohérence de la vie artistique du XIXe siècle", c'est-à-dire cette adhésion d’ensembles à laquelle l’ouvrage prétend officiellement.


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