Le catalogue de l’exposition tenue jusqu’en décembre au musée de la Grande Guerre de Meaux aide à comprendre la place de la musique au front.

 

Dans le cadre des célébrations du centenaire de 14-18, le musée de la Grande Guerre du pays de Meaux organise du 20 juin au 31 décembre 2015 une exposition sur le thème des musiciens lors de la Première Guerre mondiale   . À cette occasion, un collectif de 35 chercheurs en histoire et en musicologie a produit le catalogue d’une exposition qui accorde au violoniste et compositeur Lucien Durosoir (1878-1955) la mission de constituer le « fil rouge de l’exposition » selon les termes de Michel Rouger, directeur du musée   . Car, c’est bien aux individus principalement auxquels s’intéresse ce catalogue où l’on croise les figures d’André Caplet, de Maurice Ravel, d’Albert Roussel, de Claude Delvincourt, Reynaldo Hahn, Jean Cras, Fernand Halphen, René de Castéra, Jacques de La Presle, ou encore de Maurice Maréchal.

Soliste de réputation internationale, Lucien Durosoir est mobilisé à l’âge de 35 ans. Fantassin, il accompagne les services funèbres et se fait remarquer par le général Mangin qui lui confie la mission de constituer une formation de chambre – notamment rejointe par André Caplet et Maurice Maréchal. Luc (fils de Lucien) et Georgie Durosoir (sa femme) – œuvrant en faveur de la redécouverte de cette histoire et de cet héritage compositionnel.

Avec ses 72 illustrations, cet ouvrage collectif complète le parcours suivi par le visiteur de l’exposition en lui proposant un découpage thématique spécifique. Une première partie fait état de la vie musicale à la veille du conflit. Pour ne prendre qu’un exemple, Georgie Durosoir se penche sur le cas du « Genève », le violon de Lucien. Plus conséquente, la deuxième partie examine les itinéraires d’un certain nombre de compositeurs plus ou moins connus et qui partagent l’expérience de la guerre. Des approches plus générales livrent de très intéressants développements sur l’activité des luthiers en 14-18 ou encore sur les liens entre le front et l’arrière. Une troisième partie, plus réduite et consacrée à l’immédiat après-guerre, étudie la vie musicale dans le contexte de la démobilisation ainsi que le cas des pianistes « gauchers de guerre ». Il revient à Gilles de Chassy d’ouvrir en guise de final une dernière perspective sur « l’irruption du jazz » à partir de 1918.

Au livre se joint un CD de l’ensemble Calliopée (en résidence au musée) enregistré en avril 2015 et consacré à la musique de chambre de Rudi Stephan (1887-1915)   , de Louis Vierne (1870-1937)   et de Lucien Durosoir   . L’ouvrage recensé vient opportunément nourrir le débat où ont tendance à s’opposer deux versions du rôle de la musique en tant qu’instrument au service de la brutalisation ou comme échappatoire à la violence de guerre. Le présent catalogue tend à défendre cette deuxième vision et complète magnifiquement le livre dirigé par Florence Gétreau l’an dernier   . Entreprise originale, ce catalogue d’exposition montre à quel point la recherche peur tirer avantage des célébrations officielles. Il témoigne de l’importance grandissante accordée au milieu musical français de la Belle Époque. Sans prétendre à l’exhaustivité, ce livre et cette exposition réévaluent l’importance de la musique en temps de guerre (parfois à l’échelle européenne) et soulignent l’intérêt heuristique à croiser les champs de l’histoire et de la musicologie

 

Mon violon m'a sauvé la vie, collectif, éditions Lienart, 2015.