L’élection présidentielle russe du 2 mars 2008 a comme prévu couronné Dmitri Medvedev, le candidat du Kremlin. L’actuel président du conseil de direction de Gazprom devient ainsi le 3e chef d’État de la Fédération de Russie après Boris Eltsine et Vladimir Poutine. Ce succès plus qu’écrasant (en l’absence encore de résultats officiels, les estimations s’accordent sur un score de près de 70%) acquis au premier tour est loin d’être une surprise, tant le pouvoir en place bénéficie d’un large soutien au sein de la population. L’adhésion populaire à ce qui est communément désigné comme le "plan de Poutine", terme générique par lequel le discours officiel désigne tout ce que V. Poutine a fait et n’a pas fait depuis 8 ans, ne se dément pas. La substance d’une réelle orientation politique, même à moyen terme, semble par contre beaucoup plus discutable. Le double mandat de l’homme des siloviki aura surtout été celui de la reprise en main du pays et de la stabilisation. Il est difficile d’éluder la question de la dérive autoritaire que connait le pays depuis l’éclatement de l’URSS et qui s’est intensifiée ces dernières années. Depuis deux décennies la Russie n’a, à aucun moment, connu de régime réellement démocratique proposant même un semblant de transparence. La dernière élection n’est que l’énième illustration d’une dynamique lourde ou l’on voit un processus de "clanisation" du pouvoir. Le contrôle de ce que les russes appellent les "ressources administratives" décide du résultat des élections. Le contrôle des médias d’information par l’État, renforcé sous l’ère Poutine, accentue encore plus la rigidité d’un système de moins en moins démocratique.

Surtout, l’arrivée au pouvoir de D. Medvedev, au-delà d’un questionnement légitime sur la réalité d’un régime de type monarchique où le souverain en place choisi lui-même son successeur, marque la volonté russe de mêler encore plus étroitement le secteur énergétique à la politique officielle de l’État. L’énergie – principale ressource du nouvel État russe sera, à n’en pas douter, amenée à jouer un rôle central dans la politique étrangère de la Fédération au cours de ces prochaines années. Le choix de D. Medvedev, ancien vice-Premier ministre et président de l’oligopole gazier emblématique de la fermeture du secteur énergétique en Russie, que l’on dit occidentalisant, libéral et globalement plus souple que son prédécesseur et parrain politique – Vladimir Poutine – n’est dès lors pas totalement dénué de sens. Son ascension est en tout cas préférable à celles de beaucoup d’autres que Russie unie aurait pu choisir à sa convention de décembre 2007, on pense notamment au candidat des siloviki – Serguei Ivanov.

Il est difficile de commenter plus avant le simulacre d’élections qui a eu lieu ce dimanche 2 mars, difficile d’y noter quoi que ce soit de remarquable à part peut être un nouvel effritement de l’électorat communiste, parti qui ne représente aujourd’hui ni une réelle opposition, ni même une alternative tangible au régime en place. Il s’agit seulement d’espérer que l’arrivée de D. Medvedev va marquer un certain assouplissement et une démocratisation de l’espace public en Russie. C'est en tout cas la volonté clairement affichée par un homme qui restera encore pendant un moment dans l’ombre de son "ami Poutine".  La cohabitation qui s’annonce sera d’ailleurs à suivre de près entre un Vladimir Poutine auréolé d’une aura de quasi invincibilité et un Dmitri Medvedev qui contrôlera la réalité du pouvoir mais que l’on dit encore un peu tendre.  


Liste d’articles du New York Times sur la passation de pouvoir entre V. Poutine et D. Medvedev.
-  Voir aussi le dossier sur l'élection de D. Medvedev sur le site de Courrier International.
-  Lire également la critique de l'Atlas Géopolitique de la Russie.


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Crédit  photo: World Economic Forum / flickr.com