Depuis le mois de février et la publication du premier numéro de l’année de la revue de sciences humaines et sociales Sociétés, le très médiatique Michel Maffesoli, dorénavant ancien directeur du bimestriel, est au cœur d’une polémique dont il se serait très certainement passé.

Habitué des controverses, le sociologue a en effet démissionné en mars dernier de son poste de directeur de la revue Sociétés. Cela fait suite à la publication d’un canular de dix pages intitulé « Automobilités postmodernes : quand l'Autolib' fait sensation à Paris » traitant, entre autres, de la dimension « transgenre » et la « puissance utérine » de l’automobile qui orne l’asphalte parisien depuis 2011. Son auteur, Jean-Pierre Tremblay, doctorant en sociologie à l’Université de Laval au Québec (Université factice qui n’est pas sans rappeler l’Université Laval qui, elle, existe bel et bien), s’avère être le fruit de l’imagination de Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin. Les détracteurs ont ainsi prouvé qu’un article rédigé en bonne et due forme – alimenté de néologismes, références et jeux de mots sous les formes qui caractérisent le style Maffesoli – suffisait à passer entre les mailles du filet du comité de lecture d’une revue scientifique, majoritairement consultée par des universitaires, et ce malgré son contenu grotesque ; « Ainsi la masculinité effacée, corrigée, détournée même de l’Autolib’ peut-elle (enfin !) laisser place à une maternité oblongue – non plus le phallus et l’énergie séminale de la voiture de sport, mais l’utérus accueillant de l’abri-à-Autolib’ ».

Désireux de mettre à mal le processus de sélection des articles, mais surtout « démonter de l’intérieur la fumisterie de ce qu[‘ils appelleront] le “maffesolisme” »   , le duo de sociologues – qui assistait en 1999 aux cours magistraux de Michel Maffesoli à Paris V – semble manifestement avoir réussi son coup, Maffesoli ayant de son propre aveu commis une « erreur manifeste et grossière », soulignant néanmoins que cet incident « n’entache […] pas la qualité d’une revue, publiée depuis plus de 30 ans et qui compte de nombreux et fidèles abonnés »   . Mais l’ancien directeur de la revue ne s’en est pas tenu à ces simples excuses. Il précise, dans les colonnes de L’Obs ; « Nous allons en tirer les conséquences, moi le premier en tant que directeur de cette revue dont je ne regarde pas les articles car je n'ai pas le temps et que cela ne m'intéresse pas »   . Des propos qui confirment l’absence d’implication et d’intérêt du sociologue pour sa discipline, une confession d’autant plus inquiétante que sa sociologie « postmoderne » exerce une réelle influence académique. Il poursuit ; « Il faut accepter qu’à un certain âge, on puisse faire autre chose ». Avant de livrer les raisons qui, selon lui, ont poussé Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin à décrédibiliser sa revue ; « Il s’agit de collègues qui se vengent par jalousie, parce que je suis invité partout, parce que je suis publié et traduit ».

Ce canular est avant tout une manière de pointer du doigt l’influence académique d’un homme dont l’absence de rigueur déontologique, la recherche de médiatisation et les inspirations politiques semblent dicter des techniques de travail inappropriées à la pratique de la sociologie   . Plusieurs intellectuels   ont d’ailleurs soutenu la démarche initiée par les rédacteurs du pastiche, considérant qu’il était temps de lever le voile sur ce type de pratiques qui dessert la science et contribue à l’image négative de la sociologie auprès du grand public