La Turquie est aujourd’hui l’un des pays clés de l’Asie mineure et du Grand Moyen-Orient, elle est aussi le principal allié militaire des États-Unis dans la région et représente une zone de transit et une base arrière pour l’intervention en Irak.  Par un jeu de miroirs, le conflit irakien renvoie également aux problèmes internes de l’État turque, alors que le Kurdistan irakien représente l’une des seules zones de stabilité et de relatif soutien à la présence américaine, elle est aussi un facteur de déstabilisation important pour l’allié turque. Cette situation paradoxale, sources de tensions à l’intérieur de l’OTAN, est l’occasion pour le New York Times Magazine (17 février 2008) de revenir sur le sort réservée à la minorité kurde en Turquie. Une minorité qui représente aujourd’hui près de 20% de la population totale du pays et qui se retrouve concentrée dans le sud-est de la Turquie. 

L’assimilation des Kurdes, ethnie aujourd’hui dispersée principalement entre l’Irak, l’Iran et la Turquie, ne s’est jamais vraiment réalisée. Peuple nombreux (35-40 millions de personnes) dont la majeure partie se trouve en Turquie, les Kurdes ont longtemps été les victimes de tentatives d’assimilation agressives voir de persécutions pure et simples dans la région. Dans cet article, Meline Toumani revient sur la situation des Kurdes turcs qui, même s'ils bénéficient parfois de plus de libertés que leurs voisins, restent soumis à une forte pression acculturatrice. Il a ainsi fallu attendre 2003 pour que le gouvernement turc autorise les prénoms kurdes à condition que ces derniers ne comportent pas les lettres W, X et Q absentes de l’alphabet turc. D’une manière similaire, la langue kurde est encore aujourd’hui strictement prohibée dans tous les documents et discours officiels.

Pour illustrer cette situation, l’auteur nous emmène à la rencontre d’Abdullah Demirbass, maire de Sur, au sein du district de Diyarbakir dans une des "régions kurdes". Il nous raconte sa guerre culturelle, celle pour l’utilisation de la langue kurde, qu’on ne peut entièrement dissocier de la guerre de guérilla menée par le PKK. Un Kulturkampf renaissant alors que la minorité kurde devient de plus turbulente et commence à rêver d’un grand Kurdistan indépendant.  Les références sont nombreuses pour ceux qui se sentent frustrés par un système monde tournant à deux vitesses, on pense ici à l’indépendance du Kosovo, soutenu par l’OTAN ou à celle de fait obtenue par les Kurdes irakiens, encore une fois avec le soutient des États-Unis. Les Kurdes turcs aujourd’hui pensent à l’Europe, alors que celle-ci ne semble penser qu’à une Turquie monolithique.  


* Meline Toumani, "Minority Rules", The New York Times Magazine, 17 février 2008.


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