Ce n'est pas du tout le thème de la Biennale de Lyon, la 12°. Elle s'intitule plutôt : Entre-temps..., brusquement, et ensuite. Il y est surtout question de narration et d'art contemporain. Le commissaire principal, Gunnar B. Kvaran a rassemblé des artistes du monde entier qui travaillent sur le champ narratif et expérimentent les modalités et les dynamiques du récit. On peut y trouver son compte (c'est mon cas), ou la trouver sans intérêt (version Beaux-Arts Magazine). Mais, ce n'est pas l'objet de cette brève.
Au coeur de la Biennale, il est possible de poursuivre cette exploration commencée il y a longtemps déjà dans ces Brèves, celle des rapports délicats, parfois fructueux, entre Arts et Sciences. Plusieurs oeuvres poursuivent la tâche imposée par le thème de la Biennale à travers cet axe particulier.

La première appartient à Claire-Jeanne Jézéquel : Sculptures ouvertes, 2013. À dire vrai, elle déborde un peu du cadre territorial strict de la Biennale de Lyon, puisqu'elle est exposée à Thonon-les-Bains, mais à l'occasion de l’événement. Cette œuvre relève de la construction d'espaces à partir d'une évidente science géométrique. L'artiste, depuis le début des années 1990, réalise ses sculptures (minimalistes) en utilisant des matériaux simples (contreplaqué, aggloméré), découpés, incisés, pliés, superposés, imbriqués, mais toujours à partir d'un parti pris provenant de la géométrie classique. L'espace d'exposition s'en trouve remanié, réaménagé, mais aussi mis en tension. Les formes choisies donnent à la géométrie une fonction d'épure des lieux qui renvoie à notre vie spatiale contemporaine.

La deuxième œuvre qui fonctionne sur le thème Arts et Sciences est due à Adrien Mondot, et est exposée dans le cadre de Veduta, à Vaulx-en-Velin. Chez cet artiste, les mathématiques sont devenues un outil de recherche artistique. Et depuis longtemps, puisque des mises en scène témoignent de son travail. Grâce aux recherches scientifiques, Mondot aborde la matière sous un nouvel angle, littéralement contemporain. L'œuvre s'intitule XYZT, 2013. Mais cette fois, au lieu de présenter l'œuvre au public, l'œuvre invite le public à habiter l'espace par des manipulations scientifiques simples. C'est lui qui crée ainsi des formes, dessine des mondes nouveaux, emprunte notamment au jonglage (la spécialité de Mondot) le goût du jeu. Accompagné par Claire Bardainne, Mondot a choisi de susciter, dans le public, par les arts, le goût de la curiosité et de la découverte. Avec quatre lettres : X (Horizontalité), Y (Verticalité), Z (Profondeur), T (Temps), les deux artistes décrivent le mouvement d'un point dans l'espace.

La troisième œuvre est moins caractéristique de ce que nous cherchons. Il s'agit du travail d'Antoine Catala. Jeune artiste (1975), il présente à la Biennale (au Mac exactement) différents éléments susceptibles de composer une phrase célèbre, celle qui commence tous les récits (c'est le thème) : "Il était une fois..." Chaque élément joue à la fois avec le langage et les technologies contemporaines : membranes qui se tordent, hologrammes, fumées produites devant des images, morphing, ... Son travail répond fort bien aux apports des médias numériques et des technologies les plus sophistiquées. Mais justement, ce décalage des sciences vers les technologies n'est pas sans poser de problèmes. L'œuvre entre assez vite dans le cadre des petites physiques amusantes, dans lesquelles le rapport arts et sciences se dissout au profit d'un usage ludique des technologies de pointe. Il convient de noter en revanche que, quelques salles plus loin, Nobuaki Takekawa (Japon, 1977) expose une création centrée sur les conséquences de l'accident nucléaire de Fukushima. Il y figure une histoire mondiale à la dérive, incapable de contrôler l'usage des connaissances scientifiques.

La quatrième œuvre est celle de Fabrice Hyber, si nous négligeons de recommenter le travail de Laurent Mulot. De Fabrice Hyber il faut voir (La Sucrière) le Prototype de paradis, 2013. L'artiste organise ses productions autour des notions d'accumulation, l'hybridation et de prolifération. C'est dire si ce sont les sciences de la vie qui viennent ici en avant. Non seulement l'artiste fait jouer les différents arts les uns par rapport aux autres (dessins, peintures, sculptures, installations, vidéos), mais il ne cesse d'établir des liens entre eux et les sciences de la vie. Si le travail se répand lui-même sous la forme d'un virus, c'est aussi pour nous parler des virus dans le monde contemporain. L'investigation ne cesse de se déployer autour de ces deux foyers. Le résultat s'aborde sous la forme de POF, "Prototypes d'Objets en Fonctionnement", soit des "objets" à mettre en œuvre, autant que sont mis en œuvre les petits hommes verts qui caractérisent depuis longtemps le travail de cet artiste (on peut consulter à cet égard l'ouvrage publié à l'occasion de l'exposition précédente des œuvres d'Hyber, au MacVal, éditeur dans ce cas).

La Biennale n'étant pas consacrée au thème Arts et Sciences, il est normal de n'y pas trouver un grand nombre d'œuvres de ce type. Il n'en reste pas moins vrai que les quatre œuvres présentées ici participent aussi de la Biennale. Et que le rapport arts et sciences peut éventuellement faire l'objet d'un travail sur ses propres récits...