Mais cette discussion générale laisse vite la place à des exemples plus précis, à des problématiques plus contemporaines : la montée de l'extrémisme religieux, la persitance de régimes anti-démocratiques, la nécessité d'une gouvernance internationale. Les deux hommes insistent sur le rôle de l'Europe, notamment en ce qui concerne la promotion des droits de l'homme, sur l'évolution du droit international au cours des dernières années (acceptation du droit d'ingérence...), sur le nécessaire passage, comme le dit Joschka Fischer, "d'un monde fondé uniquement sur la puissance à un ordre international fondé sur le droit, dans lequel le droit des Etats soit de plus en plus complété par le droit des citoyens". Ils raisonnent en citoyens du monde, mais également en diplomates, acceptant la nécessité du compromis, même s'il est parfois douloureux de transiger avec les principes : "Quand on est militant des droits de l'homme, il est normal qu'on leur donne la priorité. Quand on est ministre des affaires étrangères, on ne peut pas avoir qu'eux en tête. Il faut adapter - ce n'est pas toujours facile, c'est parfois impossible - ces deux exigences, l'aspect humain, droits de l'homme, éthique et Realpolitik", dit Bernard Kouchner.
Cependant, cette discussion tranquille, amicale (les deux hommes se connaissent bien et s'apprécient malgré leurs divergences), presque de salon, laisse de côté un aspect fondamental de la gouvernance internationale aujourd'hui, à savoir la crise. Le modèle européen est mis en avant, mais la crise institutionnelle de l'Union est laissée de côté. Bernard Kouchner insiste sur le rôle du Conseil de Sécurité de l'ONU (déplorant notamment que les Américains soient intervenus en Irak avant d'en obtenir une résolution) mais omet de mentionner la paralysie fréquente de cet organe de décision. De même, la question du rôle d'un Ministre des Affaires Etrangères au sein de son gouvernement est brièvement abordée par Joschka Fischer (qui fait allusion aux tensions qui existaient dans la coalition rouge-verte par rapport à l'attitude à adopter vis à vis de la Russie) mais oubliée par Bernard Kouchner – dont les désaccords avec le président français, par exemple au sujet de la venue à Paris du colonel Khadafi, sont souvent visibles.
La promotion des droits de l'homme, l'intervention humanitaire pour venir en aide aux individus, la négociation diplomatique, sont autant de valeurs essentielles à l'heure de la mondialisation. Encore faut-il avoir à sa disposition des institutions à même de les mettre en oeuvre.
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