En avril 2008, Robert Mugabe, le président du Zimbabwe au pouvoir depuis 1980   déclenchait le plan militaire CIBD (Coercion. Intimidation. Beating. Displacement)   dans une tentative désespérée pour conserver le pouvoir. La commission électorale venait d’annoncer la défaite de son parti- le Zimbabwe African National Union- aux élections législatives au profit du parti d’opposition, le Movement for Democratic Change. L’annonce officielle du résultat du scrutin présidentiel, qui se tint le même jour que l’élection des membres du Parlement, fut reportée de cinq semaines à cause de la fuite en avant du régime dans la répression. Des centaines d’opposants furent abattus et des milliers furent torturés dans cette période que les Zimbabwéens ont surnommé "The Fear" (La Peur). Le rival principal de Mugabe, Morgan Tsvangirai, renonça à l’affronter au second tour devant l’intensité de la violence. Les deux hommes s’entendirent tout de même pour former un gouvernement de coalition en 2009. A l’âge de 88 ans, atteint d’un cancer de la prostate d’après les documents de Wikileaks, Robert Mugabe s’accroche encore au pouvoir. Résolu à organiser de nouvelles élections dès cette année, il cherche à mieux asseoir son autorité déclinante en mettant fin à cette coalition. Pourra-t-il déclencher une nouvelle vague de violences pour anéantir tout espoir d’élections démocratiques ?

Selon le journaliste Peter Godwin   , une décision récente de la Haute Cour de Justice de Pretoria pourrait l’en dissuader. Ce jugement ordonne aux autorités sud-africaines d’enquêter et de poursuivre en justice les membres du gouvernement de Mugabe qui ont torturé leurs opposants. L’Afrique du Sud est un passage obligé des élites politiques et économiques du régime de Mugabe qui y passent leurs vacances, s’y font soigner ou y prennent l’avion pour Londres et New York. Ceux qui font l’objet d’une enquête peuvent donc être arrêtés s’ils se risquent à franchir la frontière.

Peter Godwin signe néanmoins une tribune dans le New York Times pour avertir ses lecteurs que cette ordonnance pourrait être renversée puisque les autorités sud-africaines prépareraient un recours devant la Cour Suprême d’Appel, en capacité de désavouer la Haute Cour. Jusqu’ici, des procureurs du gouvernement ont refusé d’enquêter sur des accusations de torture sous prétexte que cela gênerait les efforts diplomatiques de Jacob Zuma, le président sud-africain, pour apaiser les tensions chez son voisin. C’est cet argument que la Cour de Pretoria a rejeté en expliquant que de telles motivations politiques étaient contraires à la Constitution et ne devaient pas empêcher d’enquêter sur des faits de cette gravité.

Ce jugement pourrait donc créer un précédent historique pour les défenseurs des droits de l’homme en Afrique du Sud et au Zimbabwe. En comparaison, les Etats-Unis et de l’UE ne peuvent qu’imposer à Robert Mugabe le gel de certains de ses biens et des interdictions de séjour relativement faciles à contourner. Pour Peter Godwin, seules la mobilisation de la société civile et la volonté politique du gouvernement de Jacob Zuma peuvent sanctuariser cette avancée juridique

 

* Peter Godwin, "A landmark ruling in South Africa", New York Times, 14 mai 2012.