Sur le plateau, le public est convié à contempler des jeux de rideaux et de lumières, accompagnés de sons. Certes, il y a de quoi surprendre les spectateurs qui s’attendent à voir une pièce de théâtre. C’est du moins ainsi que l’on appréhende le spectacle de l’extérieur. Mais surtout, il nous reconduit à notre problématique Arts et Sciences. Nous sommes à Meylan, à l’Hexagone, Scène nationale. Les Baltazars occupent la scène, avec un spectacle sans acteur et sans texte.

Comment entendre cette nouvelle alliance arts et sciences ? Parce qu’elle se réalise dans et par la matière la plus plastique qui soit pour le théâtre : le rideau de scène, les lumières, la fumée, la spatialisation du son, bref en quelque sorte la matière constitutive de la scène elle-même hormis la parole.

L’Ecorce du vent, ainsi s’intitule le spectacle. Emmanuel Guez, chargé de mission au Centre national des Ecritures du spectacle, et auquel on doit un avant-propos tout à fait pertinent (sur le plan historique et théorique) provoque les metteurs en scène par des questions. Il obtient une première réponse : "Il s’agit pour nous d’écrire avec la matière du plateau, que ce soient les rideaux, la lumière ou le son". "Nous avions envie dès le départ de rendre vivant ce matériau par lui-même". Autrement dit, "nous avons enlevé la présence des corps sur scène parce que l’essentiel nous semblait ailleurs".

Plus de spectacle narratif, plus de spectacle figuratif, mais la composition d’une partition qui a une certaine logique dramatique, et qui se construit à partir des logiques de la matière.

En quoi les sciences sont-elles essentielles à l’élaboration de ce spectacle ? C’est la Cahier N° 6 de l’Atelier arts et sciences de Grenoble qui nous l’apprend. On peut se le procurer sur simple demande, à l’adresse du site : arts-sciences@theatre-hexagone.eu

En effet, il fallait opérer tout un travail sur la lumière d’abord : les LED, le mélange des sources, les lampes et les spectres visibles. Un chercheur rappelle que l’Atelier arts-sciences a déjà réalisé pour deux artistes italiens le chromatophore, une référence historique à la gamme chromatique. Et d’autres propos recoupent celui-ci. Philippe Grosse insiste sur le fait que les artistes et les scientifiques ont les mêmes problèmes, notamment sur l’éclairage et la colorimétrie. Est-ce à dire cependant que les questions de fond soient les mêmes ? On reste sur notre faim.

Ce qui demeure certain, en tout cas, c’est que l’atelier qui a rendu possible ce résultat sur la scène, procède d’une interrogation réciproque des artistes par les scientifiques et des scientifiques par les artistes. Les discussions se sont engagées durant un an. Georges Zissis avoue même : "L’objectif était d’approcher la lumière d’une autre façon. Je travaille avec la lumière depuis 26 ans. Jusqu’ici mon approche a été scientifique, technique, socio-économique…" Néanmoins, "c’est la première fois que je travaille avec les arts de la scène". "Travailler avec des artistes complète mon approche de la lumière".

En fin de compte, on retiendra un propos central qui pouvait sans doute émaner des uns ou des autres. Il est le suivant. Au début, chacun est arrivé à cette expérience avec ses conceptions, et des théories toutes prêtes. Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour que chacun finisse par n’avoir plus que des questions et des doutes sur son approche des autres. "En tout cas, les choses ne se sont pas du tout déroulées comme nous l’imaginions".


* Les Cahiers de l’Atelier arts-sciences, N° 6, Résidence 2010-2011, février 2012, Grenoble.