Dans son ouvrage Panique à L’Elysée, Dominique Paillé, ancien porte-parole de l’UMP nous livre un roman-fiction de ce qui pourrait (va ?) se passer à l’élection présidentielle. L’occasion pour lui de régler quelques comptes, avec Nicolas SARKOZY, Nadine MORANO, François BAYROU, la droite… L’ancien député éreinte tout particulièrement le Secrétaire général de l’UMP : « Jean-François Copé ? il est pitoyable ». Interview.

 

Nonfiction.fr : Panique à l’Elysée, c’est un roman. C’est écrit sur la couverture en tout cas. Vous confirmez ?

Dominique Paillé : C’est un roman, donc, c’est une fiction totale. Mais pour que ce roman ait un intérêt auprès des lecteurs potentiels, il fallait que, malgré tout, il soit crédible. C’est une idée qui est plausible même si à l’heure où nous parlons, elle est peu probable.

Nonfiction.fr : On a tout de même l’impression que la première partie est plus proche de la réalité…

Dominique Paillé : C’est normal, car je revisite l’année 2011 sous un angle critique… Je dois dire très critique vis-à-vis du président de la République.

Nonfiction.fr : Pas simplement vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Vous dites de Nadine Morano : "c’est une égérie populiste qui adopte un langage de poissonnière". Vous n’épargnez pas Jean-François Copé avec qui vous avez d’ailleurs collaboré à l’UMP. Vous dites : "C’est un ultralibéral au service des financiers qui ne souhaite que la défaite de Nicolas Sarkozy".

Dominique Paillé : Il est au service des financiers, c’est une évidence puisqu’il a fait voter une niche, qui s’appelle la niche Copé, qui fait perdre à l’Etat 8 milliards d’euros par an et qui ne sert que les grandes entreprises du CAC 40. Donc, très sincèrement, je ne crois pas qu'il ait démontré sa préoccupation pour les petites gens.

Evidemment, il n’a aucun intérêt à la victoire de Nicolas Sarkozy, car qui peut imaginer que, comme je le dis, un mauvais clone de Nicolas  Sarkozy, Jean-François Copé puisse être élu en 2017 après 10 ans de Nicolas  Sarkozy ?

J’ai l’impression qu’après 5 ans la population n’en peut déjà plus, si on lui en met 10, elle n’en voudra à mon avis pas 15. Donc, il a intérêt s’il veut revenir sur le devant de la scène avec une chance de devenir président de la république à la défaite de Nicolas Sarkozy. Il pourra se pavaner dans l’opposition, essayer de faire l’unité autour de lui, ce qui sera difficile et essayer de se mettre en position pour reconquérir le pouvoir.

Nonfiction.fr : Donc ce n’est pas un roman, c’est presque un recueil de conseils à destination de Jean-François Copé ?

Dominique Paillé : Ce ne sont pas des conseils. On est en 2011, c’est une analyse de la situation qui se veut objective comme toute analyse produite.

Nonfiction.fr : Vous dites tout de même : "Jean-François Copé est pitoyable"…

Dominique Paillé : Je pense qu’il est pitoyable. J’ai beaucoup de détestation pour Jean-François Copé parce que c’est quelqu’un qui a mon sens n’est intéressé que par lui-même, ce qui en soi pourrait se concevoir, par son ambition personnelle et par l’argent. Et je trouve que ce n’est pas un bon exemple en politique.

Nonfiction.fr : Donc cette partie, ce n’est pas du roman ?

Dominique Paillé : Je vous l’ai dit, c’est une analyse de 2011 revisitée avec un peu d’ironie mais surtout en essayant de replacer les évènements à leur juste valeur.

Regardez, nous avons mené la guerre en Libye après avoir accueilli Mouammar Kadhafi triomphalement puis après avoir accueilli Bachar-El-Assad au moment du 14 juillet et voyez quelle situation nous avons en Syrie. Mais prenons le cas de la Libye. On a reçu Kadhafi en grande pompe. Seule Rama Yade (ndlr : également membre du Parti radical) a osé dire des choses intéressantes et je bats ma coulpe…

Nonfiction.fr : Effectivement car vous étiez a l’UMP à cette époque…

Dominique Paillé : J’étais porte-parole de l’UMP et je n’ai pas fait l’apologie de Kadhafi mais je n’ai pas dit le contraire du discours officiel. Donc je peux me blâmer et me flageller moi-même. Mais ce que je veux dire c’est que Kadhafi, on le porte aux nues puis on va faire la guerre à un moment précis parce que ça semblait même servir des intérêts intérieurs. On fait la guerre, on installe un Conseil national de transition, c’est-à-dire un conseil provisoire, qui tout à coup se réfère quasiment à la charia. Alors, on essaye de limiter un peu ses effets négatifs mais c’est vous dire à quel point c’est absolument mené à vau-l'eau.

Nonfiction.fr : Donc, vous vous êtes partis de l’UMP en janvier 2011…

Dominique Paillé : J’ai arrêté de parler pour l’UMP fin d’automne 2011. Et j’avais déjà en juillet 2010, sur un certain nombre de sujets dit que je ne partageais pas les positions présidentielles et donc de l’UMP. Je pense particulièrement au discours de Grenoble. Je ne souhaitais pas m’exprimer.

Nonfiction.fr : Vous avez eu une rupture progressive avec l’UMP ?

Dominique Paillé : Oui, une rupture progressive. L’arrivée de Copé a évidemment été une rupture totale.

Nonfiction.fr : Vous dites "La France petit à petit connaît un glissement progressif à droite". Est-ce que vous avez vraiment l’impression que l’actualité confirme votre propos ?

Dominique Paillé : Excusez-moi, mais ce n’est pas que la France, c’est aussi l’Europe entière.

Nonfiction.fr : Ce n’est pas cyclique ?

Dominique Paillé : Je ne crois pas que ce soit cyclique. Je crois que les problèmes auxquels nous sommes confrontés nous dépassent tellement que les politiques plutôt que de faire œuvre de pédagogie et d'essayer de se creuser la cervelle pour trouver des solutions un peu nouvelles se laissent aller sur une pente naturelle qui est celle de suivre la population. Ils font du suivisme. Ils ne sont pas les scouts, les éclaireurs.

La population glisse à droite parce qu’elle a peur. La peur se traduit par le rejet de l’autre, en matière d’immigration par le repli sur soi, en matière de production nationale, de consommation nationale, voir même par le rejet de ce que nous pouvons partager avec nos voisins comme la monnaie unique.

Donc les politiques suivent tout simplement car ils n’ont pas le courage de dire : "halte, stop, voilà ce que nous pouvons faire ensemble". Non, ils n’ont pas cette imagination et ce courage donc ils suivent la population et ils glissent à droite.

Nonfiction.fr : Ni le made in France de Nicolas Sarkozy, ni le fabriquer en France de François Bayrou ne trouvent grâce à vos yeux ?

Dominique Paillé : Encore une fois le produire en France c’est bien. Mais produire quoi ? Il faut que nous nous positionnions sur les créneaux qui sont ceux qui sont porteurs pour nous.

On nous serine l’exemple allemand. Eh bien pour une fois prenons-le. Ce n’est pas parce que le coût du travail est inférieur en Allemagne par rapport à la France que les Allemands sont performants, ça n’est pas vrai. D’ailleurs, le coût du travail est à peu près identique contrairement à ce que l’on veut nous faire croire en augmentant la TVA sociale. Les Allemands sont performants parce qu’ils ont une industrie qui se situe sur des créneaux sans concurrence internationale. C’est clair. Ils sont les premiers fournisseurs des Chinois parce qu’ils fabriquent chez eux ce qu’on ne fabrique pas ailleurs. Donc ce n’est pas une question de coût du travail ou du coût du produit de fabrication. Si les voitures allemandes sont plus chères que les autres, c’est simplement parce qu’ils sont sur des créneaux sans concurrence qu’ils ont su s’approprier et qu’ils ont su faire le vide autour d’eux.

Nonfiction.fr : On a parlé de François Bayrou, de Nicolas Sarkozy. Parlons de Jean-Louis Borloo. Vous le souteniez avant qu’il ne se rétracte. Il a présenté 111 propositions. Vous les soutenez aussi ?

Dominique Paillé : Oui, je soutiens les propositions du Parti radical. Moi vous savez, contrairement à ce que mes détracteurs disent, je suis radical depuis 1995.

Quand les radicaux étaient membre de l’UDF, j’étais à l’UDF. J’en étais même le délégué général et je menais à ce titre, les campagnes du candidat UDF, François Bayrou. Quand les radicaux ont participé à la fondation de l'UMP en 2001, je me suis retrouvé UMP et j’ai été élu sous les couleurs de l’UMP. D’ailleurs, j’ai fait le job puisque j’étais Secrétaire Général adjoint de l’UMP avec Patrick Devédjian et porte-parole. Quand les radicaux sont sortis de l’UMP en mai 2011, je suis sorti avec les radicaux. Donc, je suis radical d’appartenance, simplement car je suis laïc, grand défenseur de la République et convaincu que la tolérance et la solidarité sont le gage du bon fonctionnement de notre société.

Alors, j’ai soutenu Jean-Louis Borloo. Il a jeté l’éponge. J’en ai été meurtri, je le dis. Je me suis senti orphelin de candidat. Aujourd’hui le Parti radical sort 111 propositions, il y en a certaines sur lesquelles j’aurais des choses à redire, mais par solidarité, j’assume les 111 propositions.

Nonfiction.fr : Vous évoquez évidemment le Parti socialiste dans votre ouvrage. Vous dîtes en parlant des primaires : "elles ont permis de bousculer cette vie politique sclérosée". Ce n’est pas en accord avec ce qu’a pu dire l’UMP à l’époque ?

Dominique Paillé : Le leitmotiv de l’UMP et de Nicolas Sarkozy, c’était de dire : "tout ça va épuiser l’électorat, ils vont arriver en lambeaux parce qu’ils vont se déchirer. Ça ne correspond pas au fonctionnement de la Ve République, c’est remettre au milieu du jeu le régime des partis."

Moi, j’ai toujours dit que je trouve que c’est intelligent. Pourquoi ? Nous sommes dans un pays où les gens sont passionnés de politique. Ils en font le matin en se levant jusqu’au soir en se couchant. Ils en discutent en famille, au boulot, devant la machine à café et tout ce qui peut les appeler à participer encore davantage que ce n’est le cas aujourd’hui à la vie politique, à la prise de décision, c’est quelque chose qui ne peut que les séduire.

La preuve en est, ces primaires ont réunis 4 millions de votants. Inimaginable au départ pour un parti qui ne compte que 200 à 250 000 adhérents. C’est donc un grand engouement populaire qui a donné une vraie force au candidat. François Hollande en est sorti grandi parce que les socialistes sont tellement sevrés de pouvoir depuis tant d’années, qu’ils se sont évidemment soudés derrière leur candidat, contre lequel d’ailleurs il n’y avait rien à dire car c’est le peuple qui l’a élu. Ce ne sont pas les petites machinations des uns et des autres. Il est devenu leader, la population lui a attribué sa légitimité, les autres se sont rangés derrière.

Pour l’instant, il fait une campagne remarquable et je prends le pari devant vous que pour 2017, compte tenu des écuries présidentielles innombrables à l’UMP et autour de l’UMP, s’il n’y a pas de primaires organisées de cette nature, la gauche aura de beaux jours devant elle.

Nonfiction.fr : Pour cette élection, vous pensez que Nicolas Sarkozy aurait dû se soumettre à une primaire de l’UMP ?

Dominique Paillé : Nicolas Sarkozy n’a pas tenu son engagement. Il nous avait fait modifier les statuts de l’UMP parce qu’il voulait que même le président sortant soit soumis au vote des militants. Il ne s’agissait pas de primaires mais du vote des militants. Puis ça ne s’est pas fait, il n’a pas voulu prendre ce risque. Je pense que s’il n’a pas voulu prendre ce risque minimum, c’est qu’il savait qu’une primaire élargie l’aurait très certainement malmené. Moi j’aurais aimé qu’il y en ait une qui englobe y compris les candidats du centre, mais l’UMP en a décidé autrement.

Nonfiction.fr : C’est très étonnant car là, mais aussi dans votre ouvrage, vous n’êtes pas violent avec la gauche. Pourquoi ?

Dominique Paillé : Je ne suis pas violent pour une raison très simple car je pense que le candidat Hollande est un candidat "normal", comme il dit, qui correspond à cette aspiration à la sérénité dont ont besoin les Français pour les plus hautes fonctions de l’Etat. Donc il arrive au bon moment. Je force le trait de son indécision chronique, ou supposé chronique puis je lui fais commettre quelques maladresses qui sont pour lui évidemment des maladresses destructrices. Mais c’est surtout à ses alliés potentiels que je fais jouer un mauvais rôle, à Mélenchon et aux écologistes.

François Bayrou, lui, souffre d’isolement. Moi je suis athée, lui est chrétien, et il estime avoir un rôle messianique et donc je m’amuse beaucoup de cela. Mais pour le reste, c’est aussi quelqu’un d’équilibré, qui correspond à cette aspiration à la sérénité de nos concitoyens aujourd’hui, après cinq ans de sarkozysme.

Quant à Marine Le Pen,  je suis l’homme politique qui a le plus débattu à la télévision contre elle : six fois. Ce que je note c’est que cette femme-là est cohérente. On est d’accord ou on n’est pas d’accord avec elle. Moi je la combats et je combats ces thèses. Mais elle est cohérente. Son père est à la fois un imprécateur qui savait magner le verbe au niveau de ses discours mais qui s’il était national du point de vue de la société, était complémentent échevelé du point de vue économique. C’était très antinomique. D’un côté, une société très encadrée et de l’autre côté une économie très libérée. C’est  quelque chose qui me paraît un tout petit peu choquant à imaginer.

Marine  Le Pen est dans l’interventionnisme étatique partout et elle a un projet économique cohérent. Et surtout elle a autour d’elle une équipe qui n’a pas de passif.

Nonfiction.fr : Dans votre roman, vous lui donnez un vrai rôle …

Dominique Paillé :  Elle aura un vrai rôle. Dans l’hypothèse d’une défaite de Nicolas Sarkozy, qui n’est pas avérée, mais qui est quand même possible, il est évident que l’UMP éclatera et que la frange populiste de l’UMP, en tout cas ces élus- ils sont quand même 40 à 50- aura tout intérêt à s’allier au Front National pour ne pas perdre sesr circonscriptions. Marine Le Pen à la suite de cette élection présidentielle rentrera quoi qu’elle en dise dans le jeu démocratique et républicain.

Nonfiction.fr : Vous profitez de Marine Le Pen dans votre roman pour en remettre une couche sur Jean-François Copé. Vous en faîtes une sorte de "petit diable" qui est obligé de négocier entre les deux tours, en se cachant dans un escalier…

Dominique Paillé : Je pense que ça correspond totalement à sa personne. A partir du moment où il a des ambitions personnelles, le parti qu’il dirige perd la présidentielle, c’est mon scenario, l’UMP éclate et Jean-François Copé  a besoin d’une existence autonome pour continuer à peser. Il a déjà un parti politique qui est Génération France. Et à partir de Génération France qui n’a pas la surface suffisante pour exister seul, il est obligé de trouver des alliances.

Deuxième besoin : il est dans une circonscription où le FN est élevé, il a d’ailleurs perdu en triangulaire en 1997.
Donc si vous combinez les deux choses, l’idée qu’il y ait une alliance électorale pour le temps des législatives entre Génération France et le parti de Marine Le Pen, plus les populistes, c’est quelque chose qui n’est pas si ridicule que ca.

Nonfiction.fr : Sortons du roman. Quel est votre pronostic pour le premier tour de l’élection présidentielle ?

Dominique Paillé : Ma vision pour le premier tour est que, sauf événement majeur, Marine Le Pen devrait avoir ses signatures, du moins je le souhaite pour la démocratie. Je pense malgré tout que Nicolas Sarkozy sera confronté à François Hollande. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait qu’il y ait deux éléments forts.

Le premier, c’est que François Bayrou réussisse dans les prochaines semaines notamment sur le terrain des valeurs sur lequel il s’est arc-bouté, à la suite de l’interview au Figaro (ndlr : 10 février dernier) du président de la République. Et qu’il réussisse à convaincre 4 à 5  % de Français en plus. Ce qui entraineraît inévitablement un groupe à venir le soutenir issu de l’UMP, des gaullistes sociaux, des radicaux…etc. Ca le renforcerait et ça lui permettrait de rompre son splendide isolement. Cela évidemment affaiblirait Nicolas Sarkozy sur son flanc gauche.

Et bien évidemment, le second élément, il faudrait aussi que Marine Le Pen soit candidate et qu’elle progresse sur les items qui sont les siens. Dons ça fait beaucoup de conditions pour que  Nicolas Sarkozy ne soit pas au second tour.

Nonfiction.fr : Et pour le second tour, quel est votre pronostic ?

Dominique Paillé : Je pense à l’heure où nous parlons que François Hollande a toutes les chances d’être élu. Ce qui veut dire ensuite, comme je l’ai écrit, que l’UMP éclatera. L’UMP éclatera, c’est une certitude. Les gens sont déjà en train de préparer l’après
 

* Propos recueillis par Julien Miro le 13 février 2012.

 

* Dominique Paillé, Panique à l'Elysée, Grasset, 2012.