Il a tout traversé : les succès, les échecs, le désert même. Aujourd’hui, certains en font pourtant un recours pour la droite et l’échéance de 2012. Avec Juppé 2012 avec (ou sans) Sarkozy, Pascal Louvrier retrace le parcours de l’actuel ministre des Affaires étrangères à l’aide de documents et de rencontres de proches de l’ancien Premier ministre. Un livre sous format de pronostic : et si c’était lui ?

 

Nonfiction.fr- Quel a été le déclencheur qui vous a poussé à écrire sur l’actuel ministre des Affaires étrangères et européennes, Alain Juppé ?

Pascal Louvrier : Tout simplement parce que c’est quelqu’un de brillant et qui avait et a un rôle à jouer. Il a le sens de l’Etat et il l’a démontré d’abord au Quai d’Orsay de 1993 à 1995 comme me l’a dit Hubert Védrine lui-même, mais aussi en tant que Premier ministre de 1995 à 1997.

Je ne suis pas dans une posture d’admirateur. Alain Juppé est un personnage complexe. Il est charismatique, impressionnant, a des qualités intellectuelles reconnues à droite comme à gauche nuancées par une timidité et une mentalité d’écorché vif qui le desservent parfois. C’est ce qui m’a plu.

Nonfiction.fr- Ce que vous décrivez comme de la timidité, certains ont pu l’associer à de l’arrogance…

Pascal Louvrier : Cette distance est souvent le bagage des gens très intelligents qu’ils soient de droite comme de gauche. Ils ont besoin de faire le vide autour d’eux. Il ne faut pas croire que son manque d’empathie le dessert sur le terrain. Lorsqu’il s’est présenté en 1983 aux municipales dans le 18e arrondissement de Paris, il l’a emporté. Et pourtant il était sur la terre de la "bande du 18e" avec des figures telles que Lionel Jospin, Daniel Vaillant ou encore Bertrand Delanoë. A Bordeaux, il bénéficie d’une cote de popularité très forte. Ce sont des preuves qu’il sait fondre l’armure lorsqu’il le faut.

Nonfiction.fr- Justement cette armure, elle est le fruit d’une construction que vous expliquez dans votre ouvrage. Vous revenez à l’enfance, et indéniablement pour comprendre l’homme, il faut comprendre son rapport avec sa mère.

Pascal Louvrier : Lors d’un de mes entretiens avec Alain Juppé, je lui ai demandé de me donner un mot sur son enfance. Il m’a répondu sans aucune hésitation : ma mère. C’est le point central de son enfance et de sa vie, encore aujourd’hui d’ailleurs.
Elle était exigeante, elle pouvait être dure et le punir avec son martinet si ses résultats ne lui convenaient pas. Il faut savoir qu’Alain Juppé a toujours était premier de sa classe que ce soit au primaire ou au secondaire. Le jour où il est arrivé second, il a eu droit à des mots de sa mère dont il se souvient encore.

Alain Juppé le dit lui-même, celle qui a dit pour la première fois qu’il était le meilleur d’entre tous, ce n’était pas Jacques Chirac, mais sa propre mère. Alain Juppé a eu une mère castratrice où l’échec n’était pas permis. Elle lui a donné un surmoi exceptionnel, asphyxiant, dont il ne pourra jamais se défaire.

Nonfiction.fr- Pour vous ce rapport avec sa mère est tellement fort qu’il se retrouve même dans son rapport avec Jacques Chirac. Vous dites en substance que JUPPE n’a pas pu tuer le père, tuer Chirac car il avait avec lui une relation maternelle.

Pascal Louvrier : Chirac a été pour lui une mère de substitution, une deuxième mère. Il est lié à Chirac comme il est lié à sa mère. Impensable de transgresser. Inacceptable. Il prend tout sur lui.

Et d’ailleurs, c’est intéressant de constater que, comme dans une famille, il y a des tabous. Depuis son retour du Québec, Alain Juppé et Jacques Chirac n’ont plus jamais abordés le procès des emplois fictifs. Pas un mot. Il n’exprimera pas ce qu’il ressent.

Nonfiction.fr- Justement, on se souvient de cette fameuse interview télévisée, où Alain Juppé alors Premier ministre d’une France en grève avait expliqué être droit dans ses bottes. Cela avait été interprété comme une arrogance inouïe. Vous vous dîtes "cf son enfance" ?

Pascal Louvrier- Ce qui est sûr c’est qu’il n’est pas dans l’empathie permanente. Ce n’est pas un tendre. Non pas qu’il soit tueur, mais plutôt qu’il est concentré sur ses dossiers et est un obsédé de l’Etat et de l’intérêt général. Le reste peut lui paraître futile. Néanmoins, depuis son passage à Québec, il s’est métamorphosé de ce côté-là. Il a pris une nouvelle dimension. Il intègre la dimension humaine du job.

Nonfiction.fr - Le job aujourd’hui, c’est celui de ministre des Affaires étrangères. Certains parlent de vice-président. Le titre de votre ouvrage laisse a pensé qu’il jouera un rôle de premier plan pour 2012. Lequel ?

Pascal Louvrier : Alain Juppé est un homme fidèle et loyal. Il ne doublera pas Nicolas Sarkozy.  Ce n’est pas dans sa nature.
Si Nicolas SAKOZY n’y allait pas, il aurait une carte à jouer. Il est extrêmement populaire, affiche une image de réformiste tout en étant mesuré.

Nonfiction.fr - Cela implique que Nicolas Sarkozy ne se présente pas…

Pascal Louvrier : Mais je ne suis pas convaincu qu’il se représente. L’Europe connait une crise sans précédent. Elle a besoin d’une gouvernance économique politique. Une entité supra politique. Pour moi, Nicolas Sarkozy a le profil du poste. Il pourrait renoncer à l’Elysée pour changer de dimension.

Nonfiction.fr : Honnêtement, vous y croyez vraiment ?

Pascal Louvrier : Oui. Lorsque je vois le G20 de Cannes avec un Alain Juppé en pleine discussion avec Barack OBAMA alors même que cela ne correspond pas au protocole, j’y vois une confirmation de ma prévision.

Nonfiction.fr : Avec des sondages certes bas mais en hausse, l’hypothèse semble tout de même peu probable.

Pascal Louvrier : Je ne marche pas aux sondages. On le voit avec Nicolas Sarkozy mais aussi avec François HOLLANDE, les chiffres varient au gré de l’actualité. Ils ne donnent qu’un instantanée et pas un aperçu des résultats. La situation internationale risque de devenir de plus en plus préoccupante en janvier. A ce moment-là, un nouveau temps politique va s’ouvrir. Un boulevard pour Alain Juppé.

 

Pascal Louvrier, Juppé 2012 avec (ou sans) Sarkozy,  Editions du Rocher, 2011.

 

* Propos recueillis par Julien Miro.