Les femmes et les hommes politiques qui ont décidé de prendre des vacances cette année feraient bien de revoir leur calendrier. Ce n'est plus l'heure des safaris en Afrique ou de l'isolement dans la Creuse. Le temps politique a changé ces dernières années. Il ne s'arrête plus entre le 15 juillet et le 15 août. 

L’été politique 2011 sera chaud, peu importe les oscillations du thermomètre. À l’instar de Clausewitz, ce n’est pas la guerre mais les vacances qui deviennent la continuation de la politique par d’autres moyens. C’est la démonstration de Jérôme Chapuis et Yaël Goosz qui retracent une petite histoire des vacances des femmes et des hommes politiques dans Les étés meurtriers, les politiques ne prennent jamais de vacances paru chez Plon. Remontant jusqu’à l’été 1976, ce rassemblement de témoignages et d’anecdotes met en évidence une évolution des comportements qui percute ces dernières années le rythme établi par la pause traditionnelle du 15 juillet au 15 août.

À cette époque le tour de France est roi, l’information allège ses programmes et les leaders politiques s’éclipsent dans leur maison secondaire ou quittent la France loin de la pression des ministères. Lorsque Jacques Chirac, alors 1er Ministre, trépigne pour démissionner au plus vite à la fin du mois de juillet 1976, le président de la République lui demande de patienter jusqu’à la fin du mois d’août car un safari l’attend au Gabon. L’homme politique doit être à l’image des Français qui eux aussi font "une pause de citoyenneté". D’autant qu’il est encore facile de couper les ponts. André Lajoinie s’en souvient lorsqu’à l’été 1984, il recherche durant plusieurs jours le Secrétaire général du Parti communiste, Georges Marchais, qui s’est isolé entre la Mer Noire et le delta du Danube. La question est importante : Faut-il rester dans le gouvernement de François Mitterrand ou remettre en cause l’union de la gauche ?

Il est vrai que les lieux ou les activités de vacances accompagne l’image des grands élus de la nation. La randonnée dans les Alpes, Marrakech, la Baule, Brégançon ou la Bretagne, chacun avait ses codes et ses repères. Depuis il n’est plus question de véritables vacances. La vie politique ne s’arrête plus.

2003, la fin des illusions

Le choc de l’été 2003, avec plus de 6 000 morts dus à la canicule, a profondément modifié le comportement des états-majors politiques durant les vacances. Plus question de s’éloigner de Paris et des téléphones portables. Il faut du réseau où que l’on soit et les sièges des différents partis politique ne ferment plus en août. L’hyper communication et l’impératif de réactivité aux événements lient les hommes politiques à leur mission, à tout moment.

Même en vacances, il faut pouvoir se rencontrer parce que les décisions ne peuvent attendre la rentrée des classes. Ces temps entre parenthèses, loin de l’agitation communicationnelle, deviennent l’occasion de rencontres à huis-clos. Les décisions, les plus sages comme les plus difficiles, se prennent durant l’été, à l’ombre d’un cyprès ou autour d’une table d’un restaurant de province. En 2004, la position officielle du Parti socialiste sur le référendum européen est décidée par un petit comité qui entoure le premier secrétaire du parti, dans l’arrière salle d’un restaurant du port de Brest où se déroule la grande fête maritime "Brest 2004".

Un nouveau rythme politique

L’accélération récente de la vie politique tient au resserrement du calendrier. Le mandat de cinq a indéniablement bouleversé le rythme politique. D’autant que tous les ans depuis 2007 des élections se tiennent, locales, nationales ou européennes. Impossible pour les partis politiques comme pour le gouvernement de se détacher de l’actualité. Nicolas Sarkozy incarne parfaitement cette hyperactivité face à la dictature de l’événement. Une attitude qui ne met pas à l’abri d’incohérences et d’incompréhensions mais qui obligera son entourage comme ses adversaires à se manifester cet été où la presse locale devient le relais de la vie politique nationale. Et si certains affichent un recul salvateur et sage, ce n’est pas la volonté de couper les ponts. Le silence n’est plus une réalité aoutienne et peut devenir une véritable stratégie politique.

L’été sera forcément très actif pour l’ensemble de l’échiquier politique entre la préparation des primaires socialistes mais aussi des élections sénatoriales, qui ne sont pas des moindres dans le cénacle du politique, puisqu’elles produisent les piliers des campagnes électorales à venir… L’année 2012 a déjà commencé en montagne et sur le bord des plages.