Quelles solutions politiques et institutionnelles pour faire face aux défis sans précédents posés par la crise écologique, aux dimensions multi-scalaires ? Les auteurs de ce livre, spécialistes d’écologie politique, proposent un remaniement des institutions qui laisse un peu rêveur…

La Terre est confrontée à une crise multiforme, sans précédent. Elle s’accompagne d’une urgence écologique et d’une difficulté à mettre en place des organes de gouvernement à la mesure des enjeux environnementaux. Ces derniers se sont révélés nombreux depuis les années 1950 et couvrent maintenant toute une série d’évènements et de processus : du nucléaire au déclin de la biodiversité, tant d’événements affectent l’environnement quotidien. En outre, l’épuisement des ressources et la surconsommation ont des conséquences considérables sur la vie des espèces animales et végétales, y compris la survie d’une espèce dite comme les autres, l’espèce humaine. Leurs milieux de vie - villes et paysages - sont peu ou prou anthropisés et donc, leur état forcément tributaire des activités humaines.

 

Face aux urgences écologiques...

De tels développements, dans le contexte d’un échec relatif du développement durable qui s’énonçait comme un projet répondant à ces enjeux, compromettent véritablement la stabilité d’un certain nombre de systèmes politiques dont la démocratie. Kerry Whiteside, spécialiste de l’écologie politique et maître d’œuvre, par ailleurs, d’un ouvrage où sont croisés les regards de l'Amérique du Nord et de la France   , s’associe ici à Dominique Bourg. Ce dernier, professeur à l’Université de Lausanne (Institut des politiques territoriales et de l’environnement humain/ Faculté des géosciences et de l’environnement), a déjà développé une réflexion conséquente sur l'éthique du développement durable, la construction sociale des risques environnementaux et le principe de précaution   .

 

... la démocratie représentative est elle adaptée ?


Pour les deux auteurs, le point central de la démocratie, à savoir la manière dont la souveraineté du peuple prend forme institutionnellement, par le biais de la représentation est compromis. Les représentants des citoyens sont chargés de garantir l’intérêt général de la société tout entière ; les élus appelés à exercer le pouvoir législatif le traduisent, en principe, dans les lois qu'ils déposent, dont ils débattent et qu'en tant que parlementaires (députéset sénateurs), ils votent.


Cependant, outre les difficultés liées à la notion de représentation elle-même (à savoir les choix partisans, le risque fréquent d’une confusion entre l’intérêt privé et l’intérêt commun, la passivité institutionnelle des citoyens d’une élection à l’autre), ce système politique n’a été mis en place qu’en considération de l’intérêt présent des citoyens présents, c’est-à-dire sans considération du temps long et des générations futures, et dans l’abstraction des territoires et de leurs singularités, ainsi que de la nature.

 

Un système à réformer, au nom du "temps long"

En quatre chapitres, les auteurs montrent tout d’abord comment ce système pourrait être réformé afin d’engager la prise en considération du temps long et de la nature. Ils prennent le parti de trouver des solutions tant institutionnelles que délibératives au problème posé. Ils envisagent un autre enracinement de la démocratie qui prendrait en compte un territoire réel, caractérisé par des processus biologiques, physiques, chimiques, sociaux et culturels, et non l’évocation d’un territoire abstrait. Ce territoire réel est aussi un territoire global, et non seulement local. Il s’agit, selon les auteurs, d’intégrer dans toute réflexion un nouveau jeu d’échelles et la Terre, comme ultime défi posé à la Nature humaine.

Ensuite, les auteurs réfléchissent aux types d’institutions et processus institutionnels qui permettraient la prise en charge la plus adaptée à la protection des ressources naturelles et de l’environnement. Le point central qu’ils identifient concerne la question de la légitimité toujours en renouvellement dans les systèmes politiques basés sur des cycles électoraux. Les auteurs proposent d’étendre le rôle patrimonial de l’État au nom de la préservation des conditions d’existence de l’humanité elle-même. Ils prônent aussi l’institution d’une académie du futur, groupant scientifiques et Organisations Non Gouvernementales Environnementales (ONGE), ainsi que le développement de procédures participatives. "Les démocrates écologiques font-ils appel aux vertus les mieux connues de la démocratie ?", à savoir "la capacité d’obtenir des informations de tous les points de la société et de vérifier ces informations par le débat, le recoupement, le respect mutuel ; l’ouverture à la diversité des valeurs ; la détermination à confronter ces valeurs dans le dialogue, à les classer par ordre de priorité ou à concilier leurs contradictions" interrogent les auteurs   .


La solution proposée : un bricolage institutionnel …


La principale critique qui surgit, à l’encontre de ce court ouvrage, est le sentiment qu’il propose un bricolage institutionnel insuffisant pour parer aux carences dénoncées tout d’abord par les auteurs. Soit, prendre en compte l’ensemble des enjeux relatifs à la problématique écologique, trop déstabilisatrice pour la démocratie telle que nous la vivons, du moins dans certaines parties du Globe. La problématique écologique risque, dans les années à venir, de compromettre durablement les systèmes démocratiques au profit de systèmes socio-politiques autoritaires prompts à mettre en avant des enjeux de sécurité nationale ou internationale.


Les migrations à toutes les échelles, la conquête de l’eau ou de pans de biodiversité dont dépendent de nombreux systèmes économiques, vont dans le sens d’un renforcement de la problématiques des frontières au dépens d’une prise en considération des dynamiques socio-naturelles à l’échelle mondiale. Sans énoncer l’ensemble des arguments qui rendent ce livre à la fois intéressant, et probablement trop bref eu égard aux enjeux, nous retiendrons toute la difficulté qui consiste à penser une démocratie renouvelée sans ignorer l’éventualité des périls qui la menacent et des solutions qui ont historiquement montré qu’elle avait tendance à prévaloir en période de crise. Justement, nous en traversons une