Lilian Thuram était l’invité de la Cité des Livres le mardi 22 février pour parler de son engagement contre le racisme autour de son livre Mes étoiles noires. Depuis 2005 où le footballeur avait pris la parole pour dénoncer l’usage du mot "racaille" par le président de la République, il n’a cessé d’affirmer son combat via son investissement personnel dans l’éducation en tant que président de la Fondation Lilian Thuram- Education contre le Racisme.

 

Face à son auditoire Lilian Thuram a d’abord répondu aux questions de Nicolas Vignolles et Victor Joanin sur son livre Mes étoiles noires : de Lucy à Barack Obama sorti en janvier 2010. Pourquoi écrire un livre sur des figures historiques uniquement noires alors que l’objet était de combattre le racisme ? A cette contradiction, Lilian Thuram a répondu qu’il avait utilisé avant tout les figures qui relevaient de son imaginaire, de sa culture et qui représentent à travers des personnages comme Malcom X, ou Martin Luther King, des "étoiles de l’anti-racisme". L’auteur a aussi voulu montrer un autre aspect de l’histoire des noirs qui ne commence pas avec l’esclavage. "Aujourd’hui, on est encore conditionné par une certaine vision des gens selon leur couleur de peau. Selon un sondage avant la sortie du livre, près de 80 % des personnes interrogés font le lien "noirs" et "esclavage" lorsqu’on leur parle de leur histoire. C’est pourquoi j’ai un peu voulu "décentrer" le débat et mettre en avant ces personnages qui se sont battus contre les préjugés. Car le racisme vient avant tout d’un problème d’imaginaire collectif." Lilian Thuram a ensuite opposé une" minorité visible" à une "majorité invisible", pour illustrer le problème du racisme en France. Selon lui, le racisme n’a pas de couleur politique, il peut être aussi bien de gauche que de droite. Il a aussi ajouté que le problème était devenu trop émotionnel que ce soit en politique comme en société, ainsi l’idée du livre permettait d’exorciser ces passions et de poser de manière rationnelle les prémisses d’un débat.

 
 

Les questions de la salle ont ensuite porté sur l’engagement du footballeur au-delà de l’écriture. Outre sa plume, le footballeur s’est aussi impliqué dans une action éducative, en allant dans les écoles expliquer le racisme aux élèves. Affirmant sa confiance en l’éducation pour changer les mentalités, Lilian Thuram s’est déclaré optimiste sur ce point. "Les choses avancent" a-t-il répété plusieurs fois. Une auditrice a ensuite demandé ce qu’il pensait d’un racisme inconscient de la part des élites et des médias toujours prompt à ridiculiserles dictateurs africains lorsqu'ils en parlent. Lilian Thuram est revenu sur l’idée que personne n’était exempt de préjugés dont lui-même a été victime lorsqu’il faisait partie de l’équipe de France d’où la nécessité de "déconstruire" l’histoire des noirs dans la culture française. Sur la question de son rôle en tant que star du foot très médiatisée, Lilian Thuram a insisté sur sa volonté de faire passer un message surtout auprès des jeunes souvent attirés par l’univers du sport. "Moi je veux dire les choses, encourager à dénoncer tout en discutant pacifiquement. C’est la différence avec la génération d’avant qui avait du mal à s’exprimer et restait emprisonnée dans cette notion de "majorité silencieuse" soumise au plus fort".

 

Quant à savoir quelle est la place du racisme dans le débat actuel, certains auditeurs ont rappelé son importance face à la montée dans les sondages de Marine Le Pen et une certaine "banalisation" du discours politique. "Les Français ne doivent pas tomber dans le piège de penser que l’étranger n’apporte rien comme on l’entend si souvent." a renchéri Lilian Thuram, "Il manque peut-être aujourd’hui un discours fort porté par les politiques "a-t-il ajouté. Sur la question de la possibilité d’importer en France le modèle post-racial prôné par Obama lors de son discours de Philadelphie, Thuram a précisé la différence française. "Il y a aux Etas-Unis une élite noire déjà bien implantée, ce qui n’est pas le cas en France. Peut-être faudrait-il en effet valoriser plus nos modèles intellectuels. Mais le changement de regard passe avant tout par l’éducation selon moi." Lilian Thuram a aussi exprimé une opinion radicalement défavorable sur les statistiques ethniques et plus nuancée pour la discrimination positive : "La discrimination positive empêche la négation de l’existence du racisme mais elle peut favoriser aussi son renforcement." 

 

Le débat s’est conclu sur l’engagement politique du footballeur qui s’est gardé de s’exprimer sur la question malgré les tentatives amusées des deux animateurs de le rallier à une tendance socialiste car son discours reprenait souvent les thèmes "d’éducation" et de "justice sociale" propres à la gauche