Un Que Sais-Je ? bienvenu sur la politique étrangère de l'Union européenne, à l'heure du traité de Lisbonne.

Pour qui s'intéresse à la politique étrangère européenne, la lecture de l'ouvrage de Maxime Lefebvre est passionnante. C'est un texte écrit par un diplomate, professeur en relations internationales, rompu aux arcanes de l'Union européenne et à ses usages. C'est aussi le premier "manuel" à envisager la politique étrangère en tenant compte des changements apportés par le Traité de Lisbonne.

Si le constat dressé par l'auteur dès l'introduction apparaît sans appel : "tout se passe comme si l'on avait essayé de faire apparaître l'Union européenne comme un Etat sur la scène internationale sans vouloir entamer les prérogatives des Etats qui la composent", c'est pour mieux dessiner ensuite les moyens d'actions dont dispose l'UE et que le Traité  de Lisbonne, entré en vigueur en décembre 2009, renforce substantiellement.

L'auteur explique comment l'action extérieure de l'Union européenne s'est affirmée progressivement. Après avoir rappelé l'héritage westphalien de l'Europe, "l'Europe a inventé le modèle de l'Etat souverain, elle l'a généralisé sur tout le continent européen, elle l'a exporté dans le monde entier, et pourtant elle aspire à le dépasser dans la construction d'une Europe politique", l'auteur suggère que la contradiction n'est qu'apparente ; l'aspiration à l'unité politique est finalement "aussi le produit de l'histoire de l'Europe avec la nostalgie de l'unité impériale romaine".

C'est l'économie qui, dans un premier temps, rassemble l'Europe avec la création de la Communauté européenne de charbon et d'acier (CECA) en 1951, tandis que la tentative de créer une Communauté européen de défense (CED) échoue en 1954. La Coopération politique européenne (CPE) émerge réellement dans les années 70 ; des réunions régulières des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères sont organisées. Le Conseil européen se met en place en 1974 et devient une institution avec l'Acte unique. Le Traité de Maastricht créé la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) en 1992. Le Traité d'Amsterdam institue la fonction de Haut représentant pour la PESC (1997). Enfin, une défense européenne est rendue possible par le Traité de Nice (2001).

Les dernières évolutions institutionnelles apportées par le Traité de Lisbonne visent à mettre fin à l'éclatement dont souffrait la politique étrangère; ne serait-ce qu'au niveau des acteurs. Javier Solana, Haut représentant pour la PESC entrait en concurrence avec le Commissaire chargé des relations extérieures (doté d'un budget bien plus conséquent). Désormais, le Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, poste occupé par Catherine Ashton, fusionne les deux fonctions et dispose d'un Service européen d'action extérieure (autrement dit, un service diplomatique européen). Le Haut représentant préside aussi le Conseil Affaires étrangères (CAE). Par ailleurs, la création du poste de Président du Conseil européen met fin au système de la présidence tournante semestrielle qui ne permettait pas vraiment d'assurer la continuité des dossiers.

Le Traité de Lisbonne apporte d'autres innovations tout aussi importantes: une clause de défense collective (en fait reprise du Traité de Bruxelles), une clause de solidarité entre les Etats membres en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle, la possibilité d'une coopération structurée permanente entre les Etats souhaitant aller plus loin en matière de défense.

Pour l'auteur, l'Union européenne n'est certes pas "une grande puissance westphalienne, garante ultime de sa sécurité" (d'autant que l'unanimité régit toujours la politique étrangère octroyant à chaque Etat membre un pouvoir de blocage), mais "elle incarne un projet visionnaire et avant-gardiste".

L'Europe doit maintenant tirer le meilleur parti des possibilités ouvertes par le Traité.  L'enjeu principal semble être de définir ce qu'est "l'intérêt européen". Maxime Lefebvre reprend utilement les propos de Jean Monnet "La coopération entre nations ne résout rien. Ce qu'il faut chercher, c'est une fusion des intérêts européens"