Biographie épatante de précision et de rigueur, cette Empreinte d'un géant nous rappelle le génie de l'ex Beatles.

Fondateur et directeur de l’agence de direction artistique Nuit de Chine, François Plassat possède une expertise non négligeable de l’imagerie de la musique, du cinéma et des loisirs en règle générale. Auteur dont le talent n’est plus à démontrer, il est également passionné par les Beatles, et plus particulièrement par Paul McCartney, depuis longue date. Aujourd’hui, son ouvrage biographique atteste d’année de recherches et d’analyse.

Écrire sur Paul McCartney a déjà été fait à plusieurs reprises, et très bien. On pense à la biographie de Loïc Picaud ou celle de Barry Miles. Celle-ci, très longue et fouillée, a une particularité bien à elle : celle de partir à la guerre contre les détracteurs de celui considéré comme le plus gentil des Beatles. En effet, François Plassat ne dissimule guère que le charmant et poli McCartney n’est pas du genre tête brûlée. Il reste trente ans marié avec feu Linda, élève avec soin ses enfants et ne s’illustre pas vraiment dans la catégorie icône maudite du rock.

Au contraire, il en est une brillante réussite. En 2011, il reste l’artiste ayant vendu le plus de disques au monde, bien devant un Presley ou un Sinatra. Pourtant, sans être un Morrison ou un Hendrix emporté trop tôt, McCartney reste une référence incontournable de la pop music et du rock. C’est lui qui signa des chefs d’œuvre ou des perles de fraîcheur comme "Yesterday", "All My Loving", "Eleonor Rigby", "The Fool On The Hill", "Michelle",  "Blackbird" ou "Hey Jude"… Si John Lennon était la moitié compositrice des Beatles, McCartney en était l’autre. Et pas forcément la moins performante. L’apparente simplicité de ses morceaux ne réfute en rien un évident don mélodique, et particulièrement exacerbé chez l’auteur-compositeur doublé d’un multi instrumentiste extraordinairement prolifique.

Cependant, et là est la grande force de l’ouvrage de François Plassat, fi des Beatles ! Refusant de s’attarder sur ce qui ne représenta au final "que" 10 ans de la vie de McCartney, l’auteur embraye sur l’aventure des Wings à la page 93. Ainsi, le livre est découpé en cinq grandes parties : 1957-1969 Paul McCartney et les Beatles, 1970-1979 Paul McCartney et les Wings, 1980-1989 Paul McCartney en solo, 1990-2000 Paul McCartney : retour de flamme et 2001-2010 Paul McCartney : le nouveau souffle. Au fil des chapitres qui portent pour la plupart des noms d’albums – n’est-ce pas le plus important ? – , Plassat rappelle des tours de forces du petit garçon opiniâtre de Liverpool, pourtant orphelin d’une mère trop tôt emportée par le cancer, qui lui ôtera bien plus tard aussi son épouse adorée, Linda Mc Cartney née Eastman. Un tube anti racisme avec Stevie Wonder (« Ibony and Ivory »), des multiples engagements contre les mines, inégalités et autres maux internationaux, un disque de reprises de classiques rock pour l’URSS, un duo calibré pour les charts avec Michael Jackson (« Say Say Say »), des albums classiques (comme le superbe Liverpool Oratorio), des collaborations avec Elvis Costello, Nigel Godrich, le DJ Roy Kerr (d’où l’étrange Twin Freaks), etc.


C’est avec un sens de l’anecdote (jamais croustillante, n’en déplaise aux avides de ragots) savoureux que François Plassat retrace le parcours musical – et donc personnel, car McCartney ne peut manifestement pas passer une journée sans écrire un morceau – du musicien, ici défini comme une « usine à idées ». Celui-ci fut pourtant souvent en proie de critiques injustifiées remettant en cause son talent au profit, bien souvent, du regretté John Lennon, ou insinuant un opportunisme à toute épreuve. Or, "c’est bien cette vigilante curiosité qui lui permettra, jusqu’à aujourd’hui, de survivre aux diverses mutations du paysage musical et d’en rester l’un des figures établies, capable d’aller se frotter à toutes sortes de nouveaux challenges, pour y gagner sur des terrains qui ne sont a priori pas les siens. Ambition qu’il décrit lui-même comme positive et moteur essentiel à son existence de musicien. Au bout du compte, c’est un cocktail de courage et d’insouciance qui anime ici Paul McCartney, loin de l’auto-complaisance dont il serait trop tentant de le taxer", affirme François Plassat. L’oratoire est non seulement fondé, mais convaincant. C’est pour cette raison que l’on ne conseillerait que trop la lecteur de cette biographie aux réfractaires ou néophytes de l’ex bassiste des Beatles.

At last but not least, l’ouvrage se termine sur une discographie certes sélective, mais non moins impressionnante, de l’auteur de "Let it Be". Outre tous les albums des Beatles, on trouve ceux avec les Wings, dont le glorieux Band on The Run, des disques faits à quatre mains avec Linda, dont le sublime Ram, des albums solos (qui peut oublier Flowers in the Dirt ou Flaming Pie?) et son duo électro-pyschédélique avec le musicien Youth, The Fireman. Le tout accompagné de souvent jolies pochettes – le bassiste est aussi homme de goût… Enfin, c’est le souffle coupé devant un tel déploiement créatif, une telle soif de partage avec son public et (quoiqu’en disent les mauvaises langues) une aussi forte personnalité que l’on referme l’un des plus importants livres consacrés à Sir Paul McCartney. Un géant à l'empreinte indélébile