Le dernier outil scolaire pour enseigner Kafka, les problèmes mathématiques ou l’histoire de Roosevelt n’est pas un manuel mais une tablette tactile qui vient s’immiscer dans les sac-à-dos des écoliers américains. Un journaliste du New York Times s’est intéressé de près au phénomène qui envahit le Roslyn Highschool à Long Island.  

 

Une cinquantaine d'iPad ont été distribués aux élèves et professeurs dans le cadre d’un nouveau programme. L’école espère à terme pouvoir fournir  environ mille exemplaires de la tablette et elle n’est pas la seule. Cet engouement pour les nouvelles technologies n’est pas nouveau dans les établissements scolaires américains où des expériences de cours interactifs ont déjà étaient tentées. Les étudiants peuvent ainsi échanger avec leurs professeurs via internet, garder une trace numérique de leurs essais ou autres travaux dans une sorte de "portofolio numérique". Ce genre d’initiative a pour but de s’adapter aux besoins des "digital natives"  

 

L’idée ne fait pourtant pas consensus. Les enseignants sont encore mitigés sur le résultat final. Qu’apporterait au niveau de la performance académique le fait de donner à chaque élève un iPad, souvent vu comme un objet de distraction plus que d’éducation ? De plus, en temps de crise et au moment où les écoles de quartier tentent de faire approuver leurs budgets pour éviter la suppression de postes, dépenser de l’argent pour des tablettes tactiles, considérées par certains comme des gadgets coûteux,  semble peu pertinent. Même les défenseurs des nouvelles technologies s’interrogent sur les réelles motivations : Pourquoi l’iPad plutôt qu’une autre tablette? Pour suivre l’effet de mode ? Le professeur en génie civil Elliott Soloway défend l’idée qu’avec n’importe quelle tablette à 300 ou 400 dollars, on peut faire exactement la même chose qu’avec l’iPad qui coûte 750 dollars. Certes, les représentants d'Apple sont sans doute les seuls qui ont développé un marché commun avec les éditeurs de manuels.Ils ont aussi aussi habilement fait la promotion de l'iPad au sein des administrations des écoles en organisant des ateliers d’initiation. Ces dernières ont assuré qu’Apple avait aussi offert une réduction de 10 % sur l’objet en question.

 

Les parents ont exprimé certaines inquiétudes sur cet investissement dont l’efficacité éducative n’a pas été encore prouvée. Larry Cuban , un professeur émérite de l’université de Stanford s’est exprimé sur le sujet "Il y a peu de preuves que les enfants apprennent mieux et plus rapidement via ces objets (…) les iPads sont des outils fantastiques pour susciter l’intérêt d’un enfant mais l’attrait de la nouveauté ne dure jamais longtemps et les difficultés dues à l’apprentissages reviennent vite".

Les commentaires sur la page Facebook de l’article du New York Times sont à cet égard très révélateurs : les puristes du bic et du cahier s’opposent aux futuristes accros à l’iPad. Symbole de "l’electrojunk" pour certains, icône de "la nouvelle génération" pour d’autres.

 

Les instigateurs du projet de Roslyn High School défendent l’idée que l’iPad n’est pas juste un nouveau jouet mais un outil plein de ressources avec une multitude d’applications qui incluent toutes les pièces de Shakespeare à lire en e-book. Ils font aussi l’éloge des avantages de la tablette comme support : son écran large n’empêche pas les élèves de conserver leur attention face à leurs professeurs puisque celui-ci s'en sert aussi pour dispenser son cours. Les étudiants aiment son poids léger, substitut efficace aux nombreux livres qui alourdissent quotidiennement leur sac-à-dos. Financièrement, investir pour les iPad, selon l’administration du Roslyn High school sera compensé par une dépense moindre pour le papier, l’impression, et l’achat de manuels dont le budget peut s’élever jusqu’à 900 dollars par an pour un élève. Dans une autre école à Millburn dans le New Jersey, certains élèves étudient déjà les constellations et les cartes du monde sur leur tablette. Houghton Mifflin Harcourt qui a développé un programme d’algèbre sur iPad en Californie, montre en quoi celui-ci offre une comparaison entre les différents résultats d’un élève, permet de visionner une vidéo de la correction de l’équation et établit des exercices individualisés. 

 

Les écoles publiques de l’Etat de New York ont déjà commandé deux mille iPads répartis dans divers établissements. Le phénomène s’élargit à plusieurs Etats et même les jardins d’enfants s’y convertissent. La Pinnacle Peak School à Scottsdale en Arizona a transformé une classe vide en laboratoire baptisé "l’iMaginarium" et doté d'une quarantaine d' iPads, devenu un lieu de prédilection pour les enfants.

 

Objet "cool" mais inutile pour les uns, véritable révolution éducative pour d’autres, l’iPad s’est déjà vendu à sept millions d’exemplaires  dans le monde. Si le stylo et le cahier ne sont pas encore relégués au placard, l’iPad a investi rapidement le domaine scolaire comme le montre un autre article du New York Times datant d’octobre 2010. La nostalgie du papier y était encore de mise pour des étudiants qui, passant déjà la journée sur leurs écrans, aimaient toujours l’idée de pouvoir écrire et lire sur papier dans le cadre de l’école. Tenir les tomes de l’Odyssée dans une main et son smartphone dans l’autre ne semblait pas alors si antagonique

 

Winnie Hu "Math that moves : Schools embrace the iPad" The New York Times daté du 4 janvier 2011