Un court essai pour tout savoir de la décentralisation et de ses faiblesses… Comment faire pour améliorer le fonctionnement de la vie locale ?

Voici un essai bref et percutant sur un sujet ardu mais central pour comprendre l’action publique : le fonctionnement de la décentralisation. Marion Paoletti, maître de conférences en science politique, mais également engagée au sein de la Convention pour une Sixième République, propose un bilan du fonctionnement des collectivités territoriales avant de livrer différentes propositions de réformes.


Un système malade

La décentralisation est malade, et le diagnostic de Marion Paoletti est détaillé. L’auteur souligne d’abord la confusion des pouvoirs locaux qui rend, de facto, souvent irresponsables les élus locaux. Cette irresponsabilité a été renforcée par le récent Acte II de la décentralisation. Elle note le pluralisme insuffisant des assemblées locales, notamment municipales, qui fonctionnent plus comme des chambres d’enregistrement que comme des lieux de délibération. Dans les communes, seul le maire détient les informations et les ressources symboliques qui lui confèrent une capacité décisionnelle sur l’ensemble des sujets : cela évoque ce que l’on pourrait appeler "présidentialisme local". Elle analyse la pratique insuffisante et politicienne de la participation par de nombreux édiles locaux. A la lecture, on aimerait que soient développés quelques exemples des dysfonctionnements et dérives que peuvent provoquer ces mécanismes dans des domaines d’action publique locale comme l’environnement, la culture, l’urbanisme ou encore les politiques sociales. En effet, le renforcement des principes démocratiques, judicieusement proposé, participe également d’un renforcement de l’efficacité territoriale des collectivités locales. 

Les propositions de réformes sont nombreuses. L’auteur insiste sur la nécessité de changer le statut de l’élu, par exemple la règle l’écrêtement, qui permet à un élu cumulant de reverser à un autre élu les indemnités perçues quand elles dépassent le plafond autorisé par la loi ; on en voit évidemment les dérives clientéliste. Est également proposée la modification des règles d’élection des assemblées locales, notamment des conseils intercommunaux, dont les pouvoirs sont de plus en plus étendus aujourd’hui. L’auteur présente différents mécanismes pour rendre plus effectif le vœu de renforcer la démocratie participative.


Vers la fin du cumul ?

Mais comment faire pour modifier la pratique effective des pouvoirs locaux ? Marion Paoletti montre bien qu’existe un verrou : le cumul des mandats pour les parlementaires. Le Sénat est composé d’élus locaux, avec une surreprésentation du monde rural. Les députés sont très souvent cumulants. Aussi leur est-il bien délicat de transformer un système local dont ils sont de grands bénéficiaires. Et la phrase de Patrick Devedjian citée dans cet ouvrage prend alors tout son sens : "la décentralisation est faite par des élus locaux, pour des élus locaux". Mais ce n’est pas une fatalité : selon l’auteur, "la décentralisation pourrait être faite par des Parlementaires pour les citoyens et animée par les élus locaux".

Voici une réflexion bienvenue après la remise des conclusions sur la réforme des institutions présidée par Edouard Balladur, dont les propositions un tant soient peu novatrices, comme l’interdiction du cumul des mandats des parlementaires, ont été soigneusement repoussées par le président de la République. Le souhait d’instaurer une "démocratie irréprochable" et de rehausser le pouvoir du Parlement semble avoir difficilement résisté face à la nécessité de ne pas heurter les notables de la majorité présidentielle. En effet, parmi les freins à ces réformes, le fait que les deux grands partis, UMP et PS, soient avant tout des partis d’élus locaux, n’est peut-être pas indifférent à leur prudence programmatique sur ces questions… Aussi ce livre est-il extrêment utile : sociologues, urbanistes, géographes ou encore politistes étudiant l’action publique locale arrivent à des conclusions très proches. Il faut les diffuser largement, puisque le pari de l’intelligence politique des citoyens est peut-être le seul possible si l’on veut déjouer les conservatismes institutionnels.


--
Crédit photo : leromanais / flickr.