A deux semaines des midterms, la tension monte dans la campagne américaine. Alors que le président Obama semble étrangement inaudible, c’est plus dans la blogosphère que la bataille fait rage entre la gauche et la droite.

Quel avenir pour Obama ?

Le principal débat qui a agité ces derniers jours la blogosphère de gauche tourne autour d’une question qui trottait dans beaucoup de tête et que Jonathan Chait sur le site de The New Republic a finalement posée explicitement : si les Républicains remportent les élections des midterms, suivront-ils la même stratégie de confrontation brutale avec le président que pendant les années Clinton, et lanceront-ils une procédure d’impeachment contre Obama ?

John Chait en est convaincu. Beaucoup de blogueurs sont d’accord avec lui, et l’une des contributions les plus intéressantes au débat vient de Paul Waldman, sur le site de The American Prospect. Pour Waldman, la question est au cœur des tensions internes au parti républicain entre les Républicains traditionnels (amenés par leur leader à la Chambre, John Boehner) et les Républicains issus du Tea Party, qui seront sans doute nombreux parmi les Représentants élus au prochain Congrès : “This isn’t a bad bet – let’s not forget that 18 Republicans members of Congress introduced a resolution to impeach Bill Clinton two months before the Lewinsky scandal broke, on the vague grounds that Clinton had ‘engaged in a systemic effort to obstruct, undermine, and compromise the legitimate and proper functions and processes of the executive branch’, also known as ‘How dare he pursue policies with which we disagree !’. And, as a group, the Republicans in the next Congress are going to be substantially more radical that those who were elected in 1994 [Le pari de Chait n’est pas idiot. Il faut se rappeler que 18 Républicains ont introduit une résolution pour l’impeachment de Bill Clinton deux mois avant que n’éclate l’affaire Lewinsky, au motif assez vague qu’il ‘essayait systématiquement de saper et de compromettre les fonctions et les processus légitimes et habituels de la branche exécutive’, un motif également connu sous le nom de ‘mais comment ose-t-il poursuivre des politiques avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord ?’. Et, c’est vrai que dans leur ensemble, les Républicains du prochain Congrès seront nettement plus radicaux que ceux élus en 1994].

But this could become somewhat complicated within the Republican caucus. On one hand, you’ll have a Republican leadership that remembers what happened in 1998 – the Republicans spent all year impeaching Clinton, failed to convict him in the Senate, and then lost badly at the polls that November – and would like to avoid a repeat. On the other hand, you’ll have a Tea Party Caucus, many of whose members will genuinely believe both that Obama is history’s greatest monster and that God sent them to Congress to destroy him…. It could be a lot of fun! [Mais tout cela pourrait devenir un peu plus compliqué au sein du groupe parlementaire républicain. D’un côté, les leaders se rappelleront ce qui est arrivé en 1998 – les Républicains ont passé une année à organiser l’impeachment de Clinton, ils ne sont pas parvenus à le faire condamner par le Sénat et ils ont perdu les élections de Novembre cette année-là – et donc, ils feront tout pour éviter une répétition de ce scénario. De l’autre côté, il y aura le groupe des élus du Tea Party, dont beaucoup de membres croiront sincèrement qu’Obama est le plus grand monstre de l’histoire et que Dieu les a envoyés au Congrès pour le détruire. .. On va peut-être beaucoup s’amuser !]”.

Le futur de Palin

Bien sûr, la fortune à venir des Tea Partiers dépend beaucoup de leur chef plus ou moins explicite, Sarah Palin. L’ancienne gouverneur de l’Alaska est très présente dans cette campagne et ses apparitions auprès des candidats qu’elle soutient ne font pas l’unanimité. Ainsi, sur le site Politico, très influent dans le microcosme Washingtonien, Jonathan Martin révèle que “according to multiple Republican campaign sources, Palin wreaks havoc on campaign logistics and planning. She offers little notice about her availability, refuses to do certain events, is obsessive about press coverage and sometimes backs out with as little lead time as she gave in the first place. In short… a nightmare to deal with [d’après de multiples sources républicaines, Palin fait des ravages sur le planning et la logistique des campagnes dans lesquelles elle intervient. Elle ne prévient de sa disponibilité qu’au dernier moment, elle refuse de participer à certains événements, elle est obsédée par la couverture qu’elle reçoit dans la presse, et parfois, elle annule au dernier moment… Bref, c’est un cauchemar de travailler avec elle.”

Sur son blog, Jonathan Bernstein essaye de comprendre la signification de ces fuites : “Why are Republican operatives feeding negative stories about Palin to Politico two weeks before the elections ?... Are they trying to deflate her as a 2012 contender? If so, is it because other candidates have friends around the country? Could be. Is it because many GOP insiders read the polls, and think she’s poison for the party? Could be. Is it because Republicans are at heart hierarchical and traditional, and just really can’t stomach this crazy woman from nowheresville, who just doesn’t look like what they think a President of the United States should look? I don’t know… Don’t forget the obvious possibility that perhaps, it’s just straightforward: she really does have an incompetent operation [Pourquoi ces Républicains font-ils fuiter sur Politico ces histoires négatives deux semaines avant les élections? Est-ce-qu’ils essaient de lui barrer la route pour 2012? Dans ce cas, cela signifie-t-il que les autres candidats possibles ont des amis partout dans le pays? Peut-être. Ou bien est-ce parce que les insiders du parti lisent les sondages et pensent qu’elle est un poison électoral? Peut-être aussi. Ou est-ce-que les républicains sont si attachés à la tradition et à la hiérarchie qu’ils ne supportent pas cette femme folle venant du milieu de nulle part et qui ne ressemble pas à l’idée qu’ils se font d’un président des Etats-Unis ? Je ne sais pas… Il ne faut pas exclure non plus la possibilité évidente que peut-être, tout cela est simplement vrai : elle et son équipe sont incompétents].”

Et le Kentucky dans tout ça ?

Le fait même que tant de pages soient consacrées à de simples rumeurs sur Sarah Palin est très révélateur. Dans un sens, il rappelle une erreur fatale qu’a faite la gauche américaine il y a quelques années, quand de telles histoires se sont également multipliées sur un nouveau venu républicain, George W. Bush. La conviction que l’adversaire était incompétent et mal préparé aux terribles exigences d’une campagne présidentielle américaine a longtemps entretenu les libéraux dans l’idée – évidemment fausse – qu’on pouvait prendre le phénomène Bush de haut et ignorer l’écho pourtant réel qu’il rencontrait auprès de la population.

D’un autre côté, cela confirme aussi la place centrale qu’a conquise Sarah Palin dans le débat politique. Plus l’élection approche, plus il devient évident que Palin a profondément modifié les habitudes politiques américaines. Son style hyper-agressif a bien entendu marqué la stratégie des Tea Partiers, mais il commence également à faire des émules à gauche. La blogosphère libérale s’est ainsi déchirée cette semaine autour d’un spot de pub utilisé par le candidat démocrate aux sénatoriales du Kentucky, Jack Conway. Conway est opposé à l’un des Républicains Tea-Partiers les plus célèbres et les plus extrémistes, Rand Paul. Après que la presse a révélé que, lors de ses années de fac, Paul avait participé à un canular en prenant la tête d’un groupuscule religieux appelé Aqua Buddha, Conway a fait réaliser un spot de pub très polémique dans lequel il accuse Paul d’être anti-chrétien. De nombreux blogueurs libéraux ont été atterrés par cette vidéo, accusant Conway de tomber dans le caniveau et de sous-entendre qu’un candidat à une élection se doit d’être chrétien. Mais Marcos Moulitsas, le blogueur libéral le plus influent, a pris la défense remarquée de Conway sur son site DailyKos : “I can see why progressives might be a bit upset, as the ad attacks Rand Paul for his irreligious beliefs. Personally, I see nothing wrong with it… The notion that the source of the candidate’s values are off-limits is patently absurd. Sure, that means that as an atheist I would never get elected in Mississippi or Alabama or Kentucky, but so what? In a democracy, you have to sell yourself to the voters. In many places, religion is part of the package [Je peux comprendre que certains progressistes soient en colère, puisque la pub attaque Rand Paul sur ces croyances irreligieuses. Mais personnellement, cela ne me choque pas… La notion selon laquelle l’origine des valeurs d’un candidat est tabou est complètement absurde. Bien sûr, cela veut dire qu’en tant qu’athée, je ne pourrai jamais me faire élire dans le Mississippi, l’Alabama ou le Kentucky. Et alors ? En démocratie, il faut se vendre aux électeurs, et dans beaucoup d’endroits, la religion fait partie du lot.]. But this ‘controversy’ is particularly stupid for one big reason: Conway didn’t inject religion into this race, Rand Paul did with a commercial where he stated ‘I’m a Christian. We go to the Presbyterian Church… I see that Christianity and values is the basis of our society.’ … If you’re going to start the ‘holier-that-thou’ bullshit, then you absolutely make religion a valid issue in the campaign… To criticize Conway is not only wrong-headed, it’s also self-defeating. Particularly since the ad has drawn blood. Paul refused to shake Conway’s hand after their last debate… Paul knows he’s in trouble… In a tied race, it could make the difference in the end. Conway needs to push this attack [Cette controverse est d’autant plus stupide à cause d’une autre raison: c’est Paul qui le premier a injecté la religion dans cette campagne, avec une pub où il disait ‘Je suis chrétien, nous allons à l’église Presbytérienne… Les valeurs chrétiennes sont la base de notre société’ Si quelqu’un commence avec ce foutage de gueule donneur de leçon, alors c’est lui qui fait de la religion une question valide dans la campagne. En plus, c’est contre-productif de critiquer Conway. Sa pub a fait mouche. Paul a refusé de lui serrer la main après leur dernier débat, il sait qu’il est dans une situation difficile. Dans cette campagne très serrée, c’est ça qui pourrait faire pencher la balance à la fin].” Conway et Kos posent-là les bases d’un débat passionnant qui continuera sans doute d’agiter le parti démocrate et ses stratèges après la probable défaite. Mais pour l’instant, force est de constater que si Obama et le leadership démocrate avaient été plus présents et cohérents dans cette campagne, la gauche n’en serait peut-être pas 15 jours avant le scrutin à faire des pubs sur les canulars d’étudiant d’un Républicain du Kentucky