Un ouvrage qui remplit parfaitement son rôle de résumé d'une branche complexe des sciences sociales.

Comme à l’accoutumée, la collection Repères fournit avec son Economie des politiques publiques un ouvrage d’une grande clarté et d’une grande précision   aux lecteurs de sciences sociales, de l’étudiant au chercheur, en passant par le professeur   . L’ouvrage est le produit du travail collaboratif des auteurs du blog Ecopublix (Laurent Bach   , Antoine Bozio   , Clément Carbonnier   , Guilhem Cassan   , Gabrielle Fack   , Emmanuel Frot   , Julien Grenet   et Camille Landais   , tous jeunes chercheurs en sciences économiques   , réputé pour ses billets de qualité sur la question des politiques publiques.

 

On trouve dans cet ouvrage un résumé exhaustif et détaillé de ce que nous apprend actuellement l’économie des politiques publiques, qui se concentre essentiellement sur l’analyse des « formes les plus caractéristiques de l’intervention publique : la fiscalité, la régulation, les services publics, les assurances sociales et la redistribution »   . Deux grands approches caractérisent cette branche de la science économique : d’un côté existe l’évaluation positive des politiques publiques, de l’autre se trouve la définition normative du type de politique publique le plus efficace étant donné les objectifs fixés par la puissance publique.

 

Les grands enseignements de l’économie publique sont présentés au cours des cinq premiers chapitres de l’ouvrage. Un dernier chapitre revient rapidement sur les techniques d’évaluation des pouvoirs publics   .

 

La légitimité nuancée des pouvoirs publics à agir dans l’économie

 

Les auteurs débutent en rappelant pourquoi les pouvoirs publics ont une légitimité à agir dans l’économie. Ils centrent leurs justifications sur quatre grandes raisons : « favoriser l’émergence des marchés, pallier les défaillances du marché, corriger la rationalité limitée des agents économiques et réduire les inégalités »   . Le lecteur peu au fait des théories économiques pourra ainsi constater assez rapidement que la théorie dite « libérale » est elle-même favorable à l’existence d’une puissance publique puisqu’elle permet d’une part de stabiliser l’existence des marchés   et d’améliorer profondément son fonctionnement dans certains cas particuliers comme celui des biens publics.

Bien entendu, cette action connaît également différentes limites : d’une part parce que les pouvoirs publics peuvent être « mal intentionnés » notamment lorsqu’ils sont soumis à des groupes de pression ou lorsque la motivation des hommes politiques est douteuse ; d’autre part parce que les pouvoirs publics, même « bien intentionnés », ne sont ni au fait de ce qu’est vraiment l’intérêt général, ni capables d’avoir une influence parfaite sur la situation socioéconomique. Un des problèmes classiques est celui de l’incohérence temporelle, analysée dans le livre par l’exemple brillant des prises d’otages. En effet, un gouvernement peut annoncer qu’il ne « négociera jamais avec des preneurs d’otages ». Si cette annonce était crédible, aucun groupe n’aurait intérêt à prendre des citoyens en otages, et il n’y aurait aucune prise d’otages. Mais comme il est de connaissance commune que des négociations officieuses ont souvent lieu après une action de ce type, l’annonce n’est pas crédible et des prises d’otages ont finalement lieu. L’incohérence temporelle réside ici dans le fait que l’annonce d’aujourd'hui n’est pas respectée demain. 

 

Des pouvoirs publics en quête de financement

 

Après avoir exposé les raisons pour lesquelles les pouvoirs publics peuvent agir dans l’économie, malgré certaines limites, les auteurs s’intéressent à la manière dont les pouvoirs publics peuvent financer leur action, c'est-à-dire le système fiscal.

Après une description de ce qu’est un impôt et de ses caractéristiques constitutives   , les auteurs montrent que la fiscalité n’est cependant pas neutre économiquement et qu’elle entraîne différents « coûts ». Mettre en place un impôt sur les revenus a en effet un « coût » puisque les individus peuvent changer de comportement (en matière d’offre de travail, mais aussi de propension à demander des augmentations de primes) s’ils savent qu’une partie de leurs revenus sera taxée.

Les principales conclusions de l’économie publique en matière de taxation sont alors ici rappelées : pour prélever beaucoup, il est préférable de taxer des « assiettes » qui ne se déforment que peu quel que soit le taux d’imposition et il est préférable de taxer de larges assiettes à de faibles taux que de petites assiettes à des taux élevés (et c’est bien pour cela que la TVA est la taxe rapportant le plus aux pouvoirs publics français contrairement à l’ISF).

 

Les chapitres 3 à 5 détaillent alors plus exactement les moyens d’intervention des pouvoirs publics pour améliorer l’efficacité des marchés d’une part, et corriger les inégalités qu’ils génèrent d’autre part.

 

La recherche de l’efficacité des marchés

 

La régulation des marchés correspond ainsi à un objectif d’efficacité : par son action, les pouvoirs publics permettent la délimitation de la sphère marchande et l’encadrement de la concurrence   ainsi que la gestion des externalités générées par le marché (comme en témoigne la question de la régulation environnementale). Une rapide partie est ici consacrée à la maîtrise des emballements du marché, mais sans aborder (ce dont les auteurs se justifient en début d’ouvrage) de façon précise les mécanismes de la politique budgétaire et de la politique monétaire. Le lecteur curieux devra se reporter à un manuel de Macroéconomie, comme il en existe tant   .

 

L’efficacité du marché peut également être améliorée par les pouvoirs publics dans des cas précis comme ceux de la production des services publics ainsi que la gestion des systèmes d’assurance. On trouvera dans ce quatrième chapitre des rappels importants sur la différence entre les services publics et leur production, pouvant être assurée aussi bien par une entreprise privée qu’une entreprise publique (mais à certaines conditions précises), ainsi que sur la fausse assimilation entre un système par répartition nécessairement public et un système par capitalisation nécessairement privé. Par exemple, le système de retraite public français, fondé majoritairement sur la répartition, c'est-à-dire sur un financement direct par les cotisants sans accumulation de portefeuilles financiers, comporte aussi une part de capitalisation, c'est-à-dire un financement par l’accumulation de portefeuilles financiers, sous la forme du Fonds de réserve des retraites.

Différentes analyses empruntées à l’économie de la santé servent de fil conducteur dans cette partie, notamment dans la question des effets économiques du remboursement des médicaments   . Après une rapide analyse des conséquences de la tarification à l’activité (T2A) dans les établissements de santé, les auteurs rappellent que toute assurance, même de santé, conduit à trois types de modifications des comportements (du fait de l’assurance elle-même, ce qu’un économiste appelle l’aléa moral) : la diminution de la prise de précaution d’une part   , la surconsommation des bénéfices de l’assurance d’autre part (notamment la très (trop ?) médiatisée question de la surconsommation de médicaments) et enfin la surconsommation du côté de l’offre (notamment la question faiblement (trop faiblement ?) médiatisée de la sur-prescription médicamenteuse).

 

La recherche de la justice sociale

 

La correction des inégalités par les pouvoirs publics est l’objet du cinquième chapitre. Après avoir présenté les effets d’une politique de redistribution, les auteurs s’intéressent à une question promise à un grand avenir dans la science économique, celle de l’incidence fiscale. Cette notion, qui désigne une limite de tout prélèvement et de tout revenu de transfert, renvoie au fait que, aussi étonnant que cela puisse paraître, une taxe n’est souvent pas payée réellement par celui à qui on prélève la taxe. Par exemple, l’impôt sur les sociétés n’est pas payé réellement par les sociétés, mais par les actionnaires via une baisse des dividendes, par les salariés via des salaires moins élevés et par les consommateurs via des prix plus élevés. Les auteurs y consacrent plusieurs pages capitales pour une analyse pertinente d’un système fiscal.

Une analyse des effets redistributifs des politiques de soutien aux bas revenus permet d’illustrer l’ensemble des résultats énoncés dans le reste du chapitre. La comparaison du RMI (Revenu Minimum d’Insertion) de 1988 accompagné de son système d’intéressement et du RSA (Revenu de Solidarité Active) de 2009 permet de mesurer les effets incitatifs et désincitatifs de différents modes de redistribution (crédit d’impôt ou impôt négatif) sur la décision d’exercer ou non un emploi et sur la décision du nombre d’heures en emploi. Une analyse des conditions dans lesquelles ces dispositifs ont le plus d’effets positifs permet de compléter les enseignements apportés sur ce sujet par l’économie des politiques publiques.

 

 

On ne saurait ainsi que recommander la lecture de ce Repères qui, bien que technique par moment, permet de saisir d’un coup d’oeil l’ensemble quasi exhaustif des analyses de l’économie des politiques publiques. En somme, l’objectif de la collection est parfaitement rempli.