Alors que se profile la 19e édition de la Coupe du monde de football qui débute le 11 juin en Afrique du Sud, le dernier numéro de la revue trimestrielle Afrique Contemporaine revient sur cet évènement planétaire. Autour du thème:  "L’Afrique, la mondialisation et le ballon rond" et grâce à l’appui d’une nouvelle et élégante maquette, la revue se propose d’analyser ou "d’explorer" à travers un dossier de sept articles la "question du football en Afrique"   .

L’engouement suscité par le football – sport le plus adulé de la planète – ne se dément pas. Le constat est aussi vrai pour l’Afrique où sa pratique s’est largement développée ces dernières décennies. Pourtant, le football africain demeure aujourd’hui une réalité complexe aux facettes multiples – un outil de promotion et d’encadrement aussi bien que d’aliénation et de domination, suivant le contexte évidemment. Ainsi, comme le décrit Daniel Künzler dans son article "Des évènements de Cabinda à la star Drogba, Les évolutions du football africain à l’aune de la Coupe du monde 2010"   , le football africain est très largement ce que l’on en fait. Effectivement, il n’est pas rare de le voir instrumentalisé à des visées politiques dont la plus sanglante fut l’attaque perpétrée contre le bus de l’équipe togolaise qui a été mitraillée à son arrivée à la frontière de l’enclave de Cabinda pendant la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2010. Pourtant, le football peut aussi, et souvent, servir à l’encadrement de la jeunesse comme à Nairobi, dans le bidonville de Mathare, où sa promotion a permis la mise en place d’un réel outil de "développement par le bas" à travers la pratique du sport. Á l’outrance, il fait aussi miroiter aux jeunes Africains la chance de partir pour l’Europe et d’entamer une carrière à la Samuel Eto’o ou Didier Drogba.
 
Au moment de discuter du football en Afrique, à l’aune d’une Coupe du monde historique – la première se tenant sur le continent africain, il s’agit également de garder à l’esprit que ce sport est "devenu un business mettant en jeu des sommes considérables"   . Pour le continent africain, l’idée de "mondialisation du football" fait particulièrement sens et renvoie à la circulation – des joueurs et des capitaux – qui s’est progressivement développée en relation avec les championnats de football étrangers. En premier lieu, il s’agit d’un lien avec l’Europe, mais de plus en plus les joueurs africains sont arrivés dans les championnats asiatiques et nord-américains. Aujourd’hui, l’Afrique constitue selon le terme tendancieux et désormais banal – un "vivier" de joueurs. 

Cette dynamique qui s’est mise en place par étapes au cours du XXe siècle est illustrée de manière très intéressante par trois des articles du dossier qui adoptent un angle plus historique. Ainsi, par exemple, l’article de Paul Dietschy sur l’"Histoire des migrations des premiers joueurs africains en Europe"   revient sur le parcours de certains des premiers joueurs expatriés. À l’époque, il s’agissait encore de joueurs issus des colonies, des "indigènes" au statut souvent trouble et sans réelles perspectives de reconversion après la fin de leurs carrières professionnelles.

Par la suite, et plus récemment, le système s’est largement complexifié avec notamment ces dernières décennies l’apparition des "clubs intermédiaires" – clubs du Moyen-Orient, d’Asie… – qui  font figure de nouveau lieu d’écrémage des joueurs africains entre les championnats nationaux et les meilleurs championnats européens, le prix des transferts augmentant évidemment à chaque étape. En détaillant le parcours de quelques joueurs et en donnant des chiffres précis sur l’ensemble du dispositif, l’article de Roger Besson, Raffaele Poli et Loïc Ravanel – "Comprendre les mécanismes des migrations ‘glo-balles’ africaines" – met parfaitement en lumière cette nouvelle dynamique. Plus encore, il note la situation actuelle où seuls les tous meilleurs joueurs arrivent à s’installer "dans le gotha du football européen" alors que beaucoup doivent se contenter d’une carrière plus modeste, voir même "rebrousser chemin et vivre la honte du retour au pays"   .

Finalement, en marge de la thématique footballistique, on se doit de mentionner le long et passionnant entretien   que Roland Colin, ancien collaborateur de Mamadou Dia et ami de Léopold Sédar Senghor, a accordé à la revue. De manière très intéressante, il y discute, comme témoin vivant, de la relation trouble entre ces deux hommes forts du Sénégal, au crépuscule de l’Afrique coloniale et à l’aube de l’indépendance 


* Afrique contemporaine, n°233, Bruxelles, Éditions De Boeck Université, 2010/1.

 

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