"Espérons de toutes nos forces que Domenech est vraiment un gros nul, que nos joueurs feront honneurs à leur réputation de branques, que la France dégagera de cette Coupe du monde de l’imbécilité dès le premier tour. Pour qu’on puisse enfin parler d’autre chose". Dès la fin de l’édito de Gérard Biard pour le hors série de Charlie Hebdo "Ni Dieu ni foot", le ton est donné. La Coupe immonde, c’est – dans l’ordre des articles – un moyen de laver l’argent sale des maffias du monde entier (et ce à une échelle démesurée) ; une occasion inespérée pour les petits et grands nazillons, de donner libre cours à leur xénophobie ; de stimuler les nationalismes les plus vils (surtout en Europe de l’Est et dans les Balkans, mais pas seulement) ; de soutenir les pires dictatures (on se souvient de Pinochet à la Coupe de 1974, l’Argentine de Videla en 1978...) ; de développer à un niveau jusqu’ici inégalé des nouvelles formes d’esclavage moderne (des escrocs se font passer pour des agents de club et écument l’Afrique de l’Ouest, parvenant à convaincre les familles les plus pauvres de vendre le peu qu’elles ont pour payer un billet d’avion à destination de l’Europe, où le margoulin fera miroiter un contrat dans un club, sachant pertinemment que le jeune ne servira que de chair fraîche dans les ateliers clandestins à Londres ou ailleurs) ; de soutenir les superstitions les plus farfelues ; de détruire l’environnement ; de tester les derniers produits dopants (là on pourrait imaginer un concours "cyclistes contre footballeurs", ce serait presque aussi amusant que des hamsters dans une roue) ; et enfin, dans un noble élan de solidarité avec ceux qui vont taper dans les baballes "made in China", deux articles sont consacrés à la santé des crétins à crampons.

Un des deux articles de la rubrique "santé" (celui d’Antonio Fischetti) actualise d’ailleurs un de ceux du supplément de 1998, au sujet des lésions irréversibles créées, au niveau du cerveau, par les ballons. Quand le gardien dégage la balle de 400g et qu’elle arrive à une vitesse de 80 km/h sur le crâne, cela cause bien sûr des dégâts (cf. espérance de vie des boxeurs, l’énergie cinétique est égale à la moitié du produit de la masse par le carré de la vitesse, pour celles et ceux qui ont des restes du lycée !). Ainsi, on est presque en mesure de répondre à une angoissante question : sont-ils crétins parce qu’ils jouent au foot ou, au contraire, jouent-ils au foot car ils le sont déjà ?

Contenant plus d’illustrations que le supplément de 1998, cette édition 2010 est plus soignée et s’avère plus que jamais utile, au milieu de l’océan de papier noirci de triste façon à l’occasion de cet événement. Seul regret : pas de dessin de Siné cette fois-ci (et pour cause, il a été viré du journal) et les auteurs sont presque tous de l’équipe Charlie. Une petite ouverture vers d’autres rares mouvements luttant contre la Coupe immonde aurait été bienvenue, ou au moins un reportage sur la misère causée par cette grand-messe en Afrique du Sud (le numéro spécial de Libération, paru le 4 juin, était à cet égard instructif, cf. l’article de Mark Gevisser).

Ce hors-série pourrait nous aider à tenter l’impossible : tenir un mois sans dieu ni foot, avec Charlie et quelques autres !

 

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