Facebook et Google se sont récemment attirés les foudres des observateurs outre-Atlantique pour leur usage des données personnelles des internautes. Facebook est critiqué pour avoir rendu disponible par défaut une plus grande quantité de ces données. Il renvoie cependant la balle aux médias en les accusant de déclencher l’hystérie alors que la plupart des internautes ne verraient pas ces changements d’un mauvais œil. Google, lui, est visé pour avoir collecté depuis plusieurs années des données sur des réseaux Wifi non sécurisés dans des foyers privés, dans le cadre d’un programme de captures d’images de toutes les rues à travers le monde. Le groupe américain s’est excusé en prétextant que les responsables de son programme "Street View" méconnaissaient l’existence du software permettant à ses robots informatiques de capturer des snippets [fragments] d’emails. Ces querelles ont ravivé la crainte de voir la vie privée des internautes menacée. Danah Boyd, une experte des réseaux sociaux, a même suggéré que Facebook était si bien implanté dans la vie des gens à travers son réseau mondial de membres qu’il fallait commencer à le réguler comme un service public.

Les critiques dont ces deux géants du Web font l’objet peuvent néanmoins paraître excessives pour deux raisons : les internautes qui craignent pour leur espace privé peuvent librement changer de service et utiliser par exemple Altavista ou MySpace. Le monopole de Google et Facebook n’est pas irrémédiable. Ensuite, une régulation trop précipitée pourrait freiner les initiatives innovantes lancées grâces à de nouveaux modèles économiques sur Internet.

Beaucoup tentent au moins d’obliger les deux groupes à respecter leurs engagements. Jennifer Stoddart, commissaire canadienne à la vie privée, a par exemple menacé Facebook de poursuites s’il continue à violer un accord signé en 2009 selon lequel il doit demander à ses membres leur autorisation pour partager leurs données personnelles. Google, pour sa part, s’est quelque peu trahi en avouant son erreur à la suite d’une demande claire des autorités allemandes exigeant des explications sur l’exploitation des données personnelles. Le cas de Facebook semble plus problématique car son contrôle de données a atteint un très grand degré de complexité. De plus, son modèle économique est étroitement lié au partage d’informations de ses membres. En effet, il tire ses revenus de publicités ciblées en fonction de la démographie et des intérêts de ses membres, et plus ces derniers partagent de données, plus Facebook peut monnayer ses espaces publicitaires. Son pari tient à ce que les internautes ne puissent plus se passer de ce réseau au point de relâcher peu à peu leur vigilance vis-à-vis du contrôle de leur vie privée. C’est pourquoi chaque nouveau membre de Facebook rend ses données personnelles accessibles par défaut, et doit mettre en place lui-même une série de contrôles pour protéger sa vie privée. Pourtant, le flou persistant maintenu par Facebook sur le sujet pourrait finir par susciter l'ire des internautes


* The Economist, ‘Dicing with data’, 20 mai 2010.

 

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