Connaissez-vous Haim Saban ? C’est le puissant entrepreneur de l’industrie de l’entertainment que le New Yorker a décidé de surnommer The Influencer. Cet israélo-américain de 65 ans dirige Univision, le premier groupe de médias en langue espagnole des Etats-Unis. On le connaît à Los Angeles comme l’homme qui a réussi à exporter les Mighty Morphin Power Rangers du Japon aux Etats-Unis, et qui a construit sa fortune dans l’édition et la production de musique de dessins animés. C’est aussi le bénéficiaire de la plus grosse transaction financière de l’histoire d’Hollywood, puisqu’il a touché 1 milliard et demi de dollars sur la vente de ses parts de Fox Family Worldwide, joint-venture qu’il détenait avec Rupert Murdoch- le tout-puissant patron de News Corp.- au groupe Disney.

Ce self-made man, fils de marchand de jouets d’Alexandrie, exilé en Israël après la crise de Suez en 1956, a commencé par vendre des cactus dans les rues de Tel-Aviv, et nettoyer le fumier des fermes alentour. Il s’intéresse ensuite à la musique et produit des chanteurs israéliens à Paris. Le succès lui est définitivement assuré le jour où il trouve le modèle économique gagnant dans l’industrie musicale : proposer aux producteurs de composer la musique de leurs programmes gratuitement en échange des droits d’auteurs. La suite est faite d’investissement dans des grands  projets de l’industrie de l’infotainment, comme Fox Family Worldwide ou plus récemment le groupe allemand ProSiebenSat.1. En mars 2010, le magasine Forbes estimait sa fortune personnelle à 3,3 milliards de dollars.

Mais Haim Saban ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Son agenda est politique aussi bien qu’économique. Sa stratégie pour influer sur la politique américaine ? Donner de l’argent aux partis politiques,  créer des think tanks et contrôler certains canaux médiatiques. Haim Saban est en effet un des mécènes les plus importants du Parti démocrate américain et un inconditionnel soutien d’Israël.

En 2002, il donne 7 millions de dollars aux démocrates pour la construction du nouveau siège du Democratic National Committee. Il crée aussi le Saban Center for Middle East Policy, think-tank pro-israélien consacré à l’analyse de la politique américaine au Moyen-Orient et hébergé par la prestigieuse Brookings Institution. Et il défend la cause d’Israël auprès des hommes politiques américains, à commencer par ses proches, Hillary et Bill Clinton. La position plus réservée de Barack Obama sur le sujet a même failli l’inciter à soutenir John McCain aux élections américaines de 2008.

Néanmoins, l’image de réussite et d'influence qu’Haim Saban s'est forgée est quelque peu salie par les déboires judiciaires qui l'opposent actuellement à son ancien avocat et homme de confiance, Matthew Krane. Les deux hommes se livrent une bataille judiciaire sans merci depuis que l’Etat soupçonne Saban d’évasion fiscale et enquête sur des montages financiers établis dans des paradis fiscaux offshore par Krane. Il s'écrit même que les avocats d'Haim Saban auraient menacé le New Yorker de poursuites s’il publiait dans ce portrait des informations inexactes ou défavorables à leur client. Saim Haban reprocherait à Connie Bruck, la journaliste du New Yorker qui a mené une enquête de plus de huit mois, et l’a longuement suivi et interviewé, de donner trop de crédit aux informations de Matthew Krane. The Influencer, ce surnom lui sied décidément très bien

 
* Connie Bruck, 'The Influencer', New Yorker, 10 mai 2010.