Dans son dernier numéro, la revue Multitudes consacre un dossier à l'actualité du concept de société de surveillance et de contrôle. Prenant acte de l'émergence de nouveaux dispositifs de surveillance – biométrie, vidéosurveillance, géolocalisation avec le téléphone portable, nanotechnologies – Dominique Quessada en appelle à un nécessaire dépassement des concepts élaborés par Michel Foucault et Gilles Deleuze.

Pour lui, la question de la visibilité doit être aujourd'hui  remise en cause. Le regard, élément central dans l'approche foucaldienne de la sur-veillance, n'a plus la même importance et nous serions sortis en quelque sorte du Panoptique de Bentham révélé par Foucault. Autre caractéristique de cette nouvelle société de la surveillance, ce ne sont plus les "marginaux" qui seraient visés, mais l'individu "normal". Quessada appelle donc, "pour mieux cerner le phénomène" à utiliser le concept de "sousveillance", forgé par Steve Mann, qu'il définit ainsi: "La sousveillance est un dépassement de la surveillance en ce qu'elle est légère, discrète, immatérielle et omniprésente. Le 'sous' de sousveillance en désigne le côté le plus insidieux, l'action de quelque chose qui travaille 'par en dessous' ".

Si ce néologisme peut apparaître comme novateur au premier abord, on pourra tout de même objecter que la surveillance et la présence du regard – ne serait-ce qu'à travers la vidéosurveillance - restent fondamentaux dans la manière dont les différents dispositifs du pouvoir enserrent et contrôlent l'individu. Quant à l'élargissement de la surveillance à l'ensemble du monde, rendu possible par l'émergence de nouvelles technologies, le concept de biopouvoir en rendait déjà compte.

Ce dossier est constitué, entre autres, d'un entretien avec Eric Sadin, auteur de Surveillance globale, et d'un article particulièrement intéressant de Mathieu Potte-Bonneville qui invite à une relecture du projet d'amendement des "tests ADN" votés en 2007 par l'Assemblée nationale à travers les concepts de Foucault.

A lire aussi, un article d'Ariel Kyriou prenant position pour la numérisation des livres par Google et dénonçant la décision du tribunal de Paris qui "arc-bouté sur une vieille conception du droit, ne frappe pas là où il faudrait ce démiurge du numérique aux ineffables talents de 'profileur' "

 

* Revue Multitudes n°40, printemps 2010, majeure "Du contrôle à la sousveillance"