Les frasques et prouesses d’Eric Cantona ont jalonné l’adolescence de toute une génération de fans de football. A l’occasion de la sortie d’un livre en anglais sur la légende des Red Devils écrit par un journaliste français, Philippe Auclair, le Times Literary Supplement rend un hommage rare à une biographie de sportif.

Ce livre décrypte avec empathie les fantasmes et excès associés à un homme systématiquement érigé au rang de mythe vivant par les amateurs. Les sceptiques pourraient déplorer que le biographe d’une figure désormais unanimement apprécié des deux côtés de la Manche tombe dans la facilité de l’hagiographie. Cependant, Eric Cantona était un symptôme d’une société anglaise folle du ballon rond à en devenir bigote. Il était aussi le bouc émissaire d’une presse avide de déverser des torrents d’injures et d’incantations sur les joueurs les plus remarquables. Lorsqu’il planta ses crampons dans le visage d’un supporter agité dans les tribunes de Selhurst Park, le foot anglais se comporta alors, d'après Philippe Auclair, « comme un patient névrosé beuglant tout-à-coup de manière incohérente devant un psychanalyste absent. » Cantona disait aussi quelque chose des perceptions réciproques des sociétés française et anglaise, lui qui ne se fit pas prier pour laisser l’équipe de France seule face à ses défaillances tactiques.

On sera en tous cas heureux de constater qu’une biographie de footballeur puisse décrire avec sérieux le parcours d’un joueur qui témoigne des foucades d’un milieu social particulier, et n’incarne pas nécessairement le poncif selon lequel le football serait le reflet de notre société

 

* Alex Wade, Times Literary Supplement, 6 novembre 2009