Chaque année, à la même époque, la France littéraire se passionne pour un phénomène très particulier : la rentrée littéraire.  Deux mois de l’année concentrent les publications que les éditeurs espèrent pouvoir couvrir en librairie d’un fameux bandeau – rouge, bleu, ou autre, selon les prix. Deux reproches sont traditionnellement adressés à ces prix littéraires : ils touchent d’une part aux modalités du choix (corruption) et d’autre part aux résultats de ce choix (combien de Goncourt oubliés ? combien d’auteurs importants négligés ?). C’est à la première accusation que s’est efforcé de répondre l’écrivain et critique littéraire Pierre Jourde, sur le site Causeur. Ne cherchant pas à nier effectivement les biais et autres renvois d’ascenseur du milieu – donnant même quelques exemples récents – il invite à ne pas céder à la tentation du « tous pourris ! » en recourant à l’argument biblique de la paille et de la poutre   : « Oui, mais qui peut se vanter d’être un pur ? Qui est assez impeccable pour donner des leçons ? Tout dénonciateur de pailles n’a-t-il pas une poutre dans l’œil ? ». Il aurait pu tout aussi bien mobiliser Jean : « Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! »   . En un mot : les écrivains et les critiques sont comme tout le monde, connaissent du monde et sont insérés dans le monde : « [...] vivre, c’est faire des compromis avec ses idées, dans presque toutes les situations, client, parent, amoureux, touriste, salarié, etc. Un écrivain a des amis, des éditeurs, connaît des journalistes, publie des papiers dans tel ou tel journal, reçoit des prix, figure dans des jurys. » Cela n’est d’ailleurs pas forcément négatif, note Pierre Jourde : « Le meilleur de notre critique, celle qui reste, c’est celle des écrivains : Barbey, Schwob, Bloy, Mérimée, Gourmont, Baudelaire, Sartre, Jacques Laurent, Vialatte, etc. Dans une conception rigoriste de la déontologie littéraire, ils n’auraient pas dû publier d’articles critiques. »  L’important étant de distinguer selon les situations, de faire avec la complexité. La critique oui, mais « en situation ». Certes, mais pourquoi ne pas promouvoir aussi davantage de transparence – notamment en signalant les conflits d’intérêts susceptibles d’exister – en s’inspirant des règles en vigueur dans la presse anglo-saxonne ?