Le ministre de la Défense est intervenu, mercredi 11 décembre, à Sciences Po Paris sur le thème de l'Europe de la défense, dans le cadre d'un débat organisé en partenariat avec EuropaNova.

Hervé Morin s'est montré plus que réservé sur l'avenir de l'Europe de la défense. Il a certes mis en valeur les progrès réalisés (22 opérations achevées ou en cours), mais "on est très loin d'une Europe dotée de capacités militaires lui permettant de peser sur les grandes crises", a-t-il avoué. L'incapacité des 27 États membres à s'entendre sur l'envoi d'une force militaire en République démocratique du Congo, pourtant demandée par le secrétaire général de l'ONU, illustre clairement  l'impuissance de l'Europe.

Pour le ministre de la Défense, cette réticence de l'Union européenne à investir le domaine de la défense, en dépit de l'impulsion donnée par la déclaration franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998, résulte d'une Europe qui s'est construite "dans l'idée d'être une école de la paix et de la norme". L'Europe semble, en effet avoir renoncé "à intégrer les instruments traditionnels de la puissance. Les Européens, pour la plupart, ne voient pas la nécessité de l'Europe de la défense. L'Europe n'est pas envisagée comme une puissance capable de projeter son modèle." Une attitude qui pourrait d'avérer dangereuse face à la remilitarisation de certains États, a souligné le ministre. L'Europe doit donc s'appuyer sur une force militaire crédible.

Sur la spécialisation des armées européennes souvent mise en avant pour des raisons de rationnalité et d'efficacité, Hervé Morin s'est cependant montré très réticent. "Je n'ai pas envie d'être dans la main de mes collègues européens. Nos intérêts ne sont pas les mêmes, notre vision du monde et nos ambitions non plus."

Hervé Morin s'est montré également prudent sur les avancées que pourraient permettre l'adoption du Traité de Lisbonne qui prévoit notamment la possibilité de conclure dans le domaine de la défense des coopérations structurées permanentes avec d'autres pays européens. Selon lui, il n'est pas exclu que certains pays s'engagent pour s'assurer "que les choses n'aillent pas trop vite". C'est pourquoi, "nous n'éviterons pas l'élaboration d'un traité nouveau. Certains États membres décideront ensemble d'aller vers une union politique dans l'esprit de 1958." Il n'est pas facile de négocier à vingt-sept. Si les chefs d'État et de gouvernement se sont entendus pour prendre des mesures contre la crise financière, "c'est parce qu'aucun d'entre eux ne pouvait se risquer à revenir de Bruxelles les mains vides".

La présidence française de l'Union européenne a ainsi adopté une approche fonctionnelle, celle des petits pas, initiée par Jean Monnet.  Par exemple, la mise en place de l' "Erasmus" militaire. La France soutient, par ailleurs, la création d'un quartier général "afin de créer le cerveau qui pourra animer les forces". Les vingt-sept sont également divisés sur ce sujet.

Interrogé sur la volonté de la France à s'engager plus avant en Afghanistan, comme pourrait le lui demander Barack Obama, le ministre a déclaré que "nous venons de faire un effort : step by step". Une réponse qui s'applique parfaitement à l'Europe de la défense