Le président Sarkozy a présenté, lors de son discours fleuve de Douai, le plan de relance économique qui devrait permettre à la France de répondre à la crise de l'économie réelle accouchée par la crise financière.

 

La priorité est à l'investissement :

- 10 Md€ pour l'accélération des investissements publics (infrastructures, universités et défense).

- 11 Md€ de mesures de trésorerie pour les entreprises et les collectivités locales (paiements et remboursements anticipés de TVA, du crédit d'impôt recherche, des trop perçus d'impôts sur les sociétés...).

- 4 Md€ de mesures de soutien à la consommation (logement, automobile, emploi, et salariés les plus modestes).

 

Soit 26 Md€ au total qui devraient apporter 1 point de PIB en plus (même si la ministre de l'économie parle elle de 0.8 point de PIB, et le dossier de presse du gouvernement de 0.6 point de PIB...) claironne le président Sarkozy et l'équipe gouvernementale, tandis que l'opposition se montre pour le moins dubitative quant à l'efficacité d'un tel plan. Alors, véritable plan de relance ou devoir d'optimisme gouvernemental ?

Le think tank Terra Nova penche pour la deuxième option. Avec la publication d'une note intitulée "Les vrais chiffres du plan de relance", Terra Nova corrige l'effet d'annonce et revoit les chiffres réels à la baisse, tout en soulignant l'ampleur limitée de ce plan, comparé à ceux mis en œuvre dans les autres pays. En outre, si ce plan de relance se veut axé sur l'investissement, il fait l'impasse sur la consommation et le pouvoir d'achat, notamment des couches sociales les plus pauvres. Relance par l'offre contre relance par la demande ?

Si le plan de relance a au moins le mérite d'exister, celui-ci se révèle bien moribond, voire cruellement exsangue (0.6 % de PIB) comparé à ceux des États-Unis (5 % de PIB) et du Royaume-Uni (1,5 % de PIB).

En ramenant le chiffrage des mesures à leur hauteur réelle, Terra Nova ne comptabilise plus que 10 Md€ sur les 26 annoncés. En effet, s'agissant d'abord des mesures de trésorerie, le gouvernement n'injecte pas véritablement de l'argent, mais répond au besoin de fonds de roulement des entreprises menacées de crise de liquidité, faute de possibilité de crédits (en raison du credit crunch). Ainsi, l'impulsion réelle n'est que de 1 Md€, somme qui correspond à l'économie des entreprises sur leurs frais de trésorerie (au lieu des 11 Md€ annoncés pour les mesures de trésorerie).

Sur les investissements publics (10 Md€ annoncés), si leur efficacité économique est grande, leurs effets ne sauraient être immédiats. En effet, impossible de construire les lignes de TVG prévues en un an. L'impact économique des mesures d'investissement se fera sur le long terme. Or la crise commande une réponse immédiate.

Enfin, les mesures de soutien à la consommation (4 Md€) apparaissent presque ridicules comparées aux besoins. Juste une illustration : l'administration Bush octroie 1200 $ aux foyers les plus modestes, alors que le plan français ne prévoit que 200 €...

Outre la revue à la baisse de l'ampleur réelle du plan de relance français, Terra Nova critique fermement la stratégie qui sous-tend ce plan. En premier lieu, l'impasse faite sur le pouvoir d'achat. Les mesures du plan concernent avant tout les classes riches, malgré la certitude que la crise touchera en premier lieu et le plus violemment les classes les plus modestes. Le plan présenté par le président Sarkozy ne répond pas au besoin de justice sociale, qui se fera pourtant cruellement sentir en 2009, lorsque la courbe du chômage remontera à une vitesse effrayante.

 

 

Le gouvernement invoque l'inanité d'un plan de relance fondé sur la demande. L'exemple de 1981 serait la meilleure preuve. Terra Nova rétorque qu'en 1981, la France faisait cavalier seul, alors qu'aujourd'hui les pays du monde entier déploient leurs propres plans de relance, souvent axés sur la demande. En outre, la relance par la demande, si elle est moins efficace économiquement que la relance par l'offre et les investissements dans les infrastructures, a l'énorme avantage d'avoir un effet immédiat, impératif qu'exige l'ampleur de la crise actuelle et la rapidité de son développement.

Enfin, le choix d'investissements dans des secteurs économiques traditionnels comme l'automobile ou l'immobilier au lieu de l'économie "verte" parait peu stratégique, et de courte vue. Il suffit de regarder les États-Unis investir massivement dans les infrastructures et les technologies écologiques pour comprendre que la France pourrait rater ce tournant, pourtant majeur.

 

Terra Nova propose une stratégie alternative :

- un plan de 40 Md€, soit 2 % du PIB.

- la baisse généralisée de la TVA de 1 point (soit 10 Md€), qui aurait pour effet de relancer immédiatement la demande. Cependant, cela nécessiterait un accord au niveau européen, vu que la TVA ressort des compétences de l'Union européenne.

- Une relance de l'investissement public par le lancement progressif de grands projets pour un montant de 5 Md€ en 2009.

- Un "chèque crise" de 1000 € pour les ménages modestes (soit 11 Md€). Cette mesure pourrait être financée par une révision du "paquet fiscal".

- une relance économique coordonnée au niveau européen. À la coordination européenne des plans de sauvetage des banques doit correspondre une véritable politique économique européenne.

 

Finalement, avec son plan de relance, la France se range aux cotés de l'Allemagne (qui prévoit un plan également limité à 0.6 % de son PIB), c'est à dire dans le camp des tenants d'une approche conservatrice de l'économie, de ceux qui ne conçoivent pas – ou ne veulent pas concevoir – la possibilité d'une corrélation entre économie et justice sociale

 

 

* À lire également :

- "Les vrais chiffres du plan de relance", Terra Nova, 08.12.2008.

- Le discours du président de la République sur la présentation du plan de relance de l’économie française, Douai, 04.12.2008.

- L'émission "Sarkozy à la relance", Mots Croisés, France2, 08.12.2008.