Exposition de Serge Poliakoff, Le rêve des formes jusqu’au 24 février, Palais de Tokyo, Musée d’art moderne de la ville de Paris.
Fascinante peinture que celle d’un ex-guitariste tzigane, Serge Poliakoff , vibrante figure de la Seconde Ecole de Paris des années 40 à la fin des années 60.
Exposé post-mortem au Palais de Tokyo une première fois en 1970, il nous revient à travers une ample revue de ses toiles, de ses gouaches, d’un vitrail conçu pour Reims, de robes inspirées à Yves St-Laurent, et d’une évocation de sa production lithographique –un ensemble séquencé dans un parcours muséographique à découvrir via une succession de tableaux, au sens théâtral du terme, ou les mouvements distincts qui forment toute partition musicale soigneusement composée. Notes de couleurs et silence, éclats (sonores ou radieux) et pénombre, sont en ce lieu orchestrés.
"Une forme doit s’écouter et non pas se voir" aurait dit Serge Poliakoff . Accrochage bis, itératif, dans un même écrin aujourd’hui estampillé Musée moderne de la ville de Paris, à une quarantaine d’années d’intervalle ! Ainsi, sa petite-fille Marie-Victoire, dans un film projeté sur une immense toile finale juste avant la sortie de l’exposition, vit –elle comme une intermittence du cœur : une émotion aussi forte qu’intériorisée, perceptible dans son regard et le rouge intense de ses lèvres. Car, décédé peu avant l’inauguration de la 1ère exposition, dont elle se souvient qu’il se préoccupât, Serge Poliakoff connut un succès "fulgurant" entre les années 50 et 70. Les musées de France, un temps oublieux, le remettent enfin à l’honneur. Rien qu’à Paris, outre le Palais de Tokyo , le Musée Maillol expose une quarantaine de ses gouaches.
L’exposition évoque aussi, à la faveur de photos et de films, la période où, ayant fui la Révolution russe, il a gagné sa vie en jouant de la guitare au cinéma voire de la balalaïka, dans des cabarets parisiens plus ou moins russes avant de découvrir sa voie de peintre, et de forger sa propre expression de l’art abstrait.
L’intrication de formes incandescentes, couleurs de braise –des rouges mais aussi des pastels et des tons dits froids -, qui caractérise la plupart de ses toiles de maître, souvent sur papier kraft, happe l’attention. On retient son souffle le temps d’un point d’orgue. Silence ? Plutôt absence de discordance