Une approche pluridisciplinaire intéressante de la musique.
Il manquait un ouvrage en langue française qui permette de clarifier les notions clefs de l’esthétique musicale. Maître de conférences à l’Université de Paris 8, professeur d’esthétique au Conservatoire National Supérieur de musique de Paris depuis plus de dix ans, Christian Accaoui était assurément la personne parfaitement adéquate pour coordonner cet ouvrage intitulé Eléments d’esthétique musicale et sous-titré "Notions, formes et style en musique".
Le livre parcourt certaines thématiques liées à l’histoire des arts en général et de la musique en particulier — "Néoclassicisme", "modernité", "postmodernité" —, interroge la pertinence de certaines périodisations — "Baroque", "Classique", "Romantisme", "Renaissance", et propose une définition argumentée de la plupart les notions d’esthétique — par exemple "Goût", "Mélodie", "Nation", "Nombre"… Même si les débats auxquels il est fait référence trouvent parfois leur origine dans la philosophie antique (Platon et Aristote, notamment), c’est, pour l’essentiel, de la musique occidentale savante depuis 1600 qu’il s’agit. (Il n’empêche que l’on trouve des références bienvenues au jazz : cf. l’entrée "jazz et musique savante"). Et si l’ouvrage fait la part belle aux notions de poétique et de rhétorique musicale, aucun domaine de l’esthétique n’est négligé, les formes et styles annoncés en sous-titres de l’ouvrage se déclinant en un choix pertinent d’entrées agencées de façon complémentaire et évitant soigneusement les recouvrements inutiles.
La plupart des approches pluridisciplinaires autour de la musique enfoncent des portes ouvertes et tombent fréquemment dans le jargon, le pédantisme, ou les distinctions oiseuses. Souvent, voulant féconder les sciences humaines et la musicologie, le recul réflexif qu’elles s’imposent les condamne à une forme d’aporie. Rien de tel avec ces Eléments d’esthétique musicale qui convoquent les outils de l’analyse et de l’histoire de la musique mais font également référence à d’autres disciplines et d’autres arts : philologie, sociologie, littérature, arts plastiques, psychologie, psychanalyse, philosophie… Jamais la référence aux autres domaines du savoir n’est gratuite : elle est toujours portée par le souci de cerner le plus complètement possible une notion.
Par ailleurs, peu onéreux, l’ouvrage est d’un format idoine (800 pages, et 39 euros seulement). Sous la forme d’un "Précis", il aurait dû renoncer à son ambition totalisante ; d’une "Encyclopédie", il aurait fait courir au lecteur le risque de se perdre dans un labyrinthe de références. Tel quel, il témoigne d’une érudition certaine et s’adresse aussi bien à l’étudiant ou chercheur en musicologie qu’à l’honnête homme soucieux d’explorer un champ du savoir transversal à la discipline qu’il connaît déjà. A côté des plus traditionnelles Histoire de la musique ou Introduction à l’analyse musicale, il offre au lecteur la possibilité de compléter ses connaissances ou ses intuitions musicales avec un sens consommé de la pédagogie