La fin des livres ?
[mercredi 30 janvier 2008 - 13:00]
Le livre est-il mort ? Ou, en tout cas, est-il voué à disparaître en format papier pour être remplacé par le ebook ?

Beaucoup souscrivent aujourd’hui à l’une ou l’autre de ces affirmations alors que le Kindle d’Amazon, lancé en novembre 2007, est déjà épuisé et que Steve Jobs, le co-fondateur et PDG d’Apple Computer annonce déjà la mort du livre en révélant que 40% des américains lisent moins d’un livre par an (New York Times, 27 janvier 2008). Pourtant, l’industrie du livre, bien qu’en constante perte de vitesse depuis déjà plus d’une décennie, n’en est pas moins encore génératrice de profit. Ainsi, la polarisation dans le secteur est extrême aux Etats-Unis, car s’il est vrai que beaucoup (27%) ne lisent pas du tout, une tranche égale de la population appartient à la catégorie des gros lecteurs lisant plus de 15 livres par an. Plus intéressant encore, 8% de la population lit 51 livres ou plus par an, gonflant par là la vente et la diffusion des livres papier. Il s’agit bien là de parler de l’objet livre, objet culturel, objet de collectionneur ; une des rares choses qu’on a plaisir à acheter et à tenir dans la main. Le livre n’est donc pas (encore (?)) l’apparat unique d’un monde universitaire restreint, il demeure aujourd’hui un objet de consommation de masse, au point que l’industrie du livre génère 15 milliards de dollars annuels aux Etats-Unis.

Alors comment dans ce contexte expliquer l’attaque pour le moins gratuite de S. Jobs, en réponse à une question, somme toute anodine, sur ce qu’il pensait du Amazon Kindle qui, même s’il affiche de bonnes ventes, est loin de représenter aujourd’hui un concurrent crédible pour les Ipod et autres Iphones. On ne peut que supposer,  comme le fait le New York Times, que le PDG d’Apple comprend que la numérisation des livres (on pense surtout ici aux livres "poches" et aux livres de non fiction, les premiers étant par définition destinés à une lecture "nomade", les seconds seront ceux qui devraient le plus profiter des technologies numériques (les moteurs de recherches par exemple remplaceront peut-être les index)), devra à terme être intégré dans un objet plus large qui regroupera toutes les fonctionnalités que possède déjà un Iphone, par exemple. Il comprend sûrement également que la réussite d’Apple Computer, qui même si elle ne s’est pas démentie dans les années 1990, est largement due à la politique d’innovation menée depuis le début des années 2000, avec le lancement de l’Ipod.

Alors est-il vraiment prématuré d’enterrer le livre comme appartenant à un univers désuet et qui n’aurait plus sa place dans le monde du XXIe siècle, dans le monde des nouvelles technologies et du WEB 2.O ? Sûrement oui, mais le livre devra-t-il s’adapter, comme l’a fait par exemple la musique, sûrement aussi. Mais cette adaptation, à notre sens, n’entrainera pas la disparition complète de l’objet livre en tant que tel, car, comme le signale par exemple Garr Reynold sur son blog, pour les gros lecteurs la circulation accrue de l’information que permet aujourd’hui le Web est aussi l’occasion d’une plus grande diffusion des livres et donc d’une hausse de la lecture et de la "consommation" qui se fait maintenant aussi bien en librairie qu’en ligne.

Il s’agit là d’un constat pour le moins général qu’il serait facile à une moindre échelle de répercuter au niveau de la France. Ici aussi la lecture de livre baisse, ici aussi on peut cibler des tranches de gros lecteurs. Mais d’un autre coté, ici aussi l’industrie du livre est génératrice de profit même si la statistique générale est encore plus défavorable (42% de la population n’a pas lu un livre au cours des 12 derniers mois).

Les livres vont changer, pas tous les livres, mais certains indéniablement ; pourtant, il parait encore trop tôt pour porter un jugement de valeur tant la mutation ne fait que s’engager et tant le dynamisme inhérent à cette industrie semble encore fort. La question du livre reste aussi avant tout une problématique culturelle – la définition de la culture dans le monde de demain sera sûrement un des facteurs qui définiront la forme et la place des livres.


* voir aussi : Kindle: le messie des ebooks



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Crédit photo: www.flickr.com/ "Paysage du temps"

rédacteur : Vassily A. KLIMENTOV, Critique à nonfiction.fr/ étudiant