Le dossier Polyphonies syriennes va à la rencontre d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes venus de Syrie à Paris : retrouvez un nouveau portrait tous les lundis et vendredis sur nonfiction.fr.

Prêter attention aux voix de ces exilés syriens de Paris – qu’ils soient là depuis longtemps ou qu’ils soient arrivés depuis 2011 –, c’est trouver auprès d’eux des éléments de réponses à la question « Comment en sommes-nous arrivés là ? ».

Avec les artistes syriens exilés à Paris, tentons de mettre de l’ordre dans le flot d’images qui nous sont parvenues de Syrie : pourquoi ce flot d’abord ? N’a-t-il pas été contre-productif ?

 

Fadwa Souleimane   , figure de la non-violence

 

Née à Alep en 1970, actrice de théâtre, de cinéma et de séries télévisées, populaire en Syrie et dans les pays arabes limitrophes, Fadwa Souleimane s’est investie dans la révolution à Damas puis à Homs, avant que sa famille – alaouite – ne la renie sous la contrainte. Cachée dans Homs, les cheveux coupés à la garçonne, elle ne veut pas mettre davantage en danger ceux qui la cachent et finit par prendre le chemin de l’exil.

 

 « qui suis-je encore/quand mon visage/mon nom/la fleur de ma jeunesse/ma langue/ma voix/ma mémoire/sont restés là-bas ?/habillée des débris de mon pays. »

Fadwa Souleimane, Le passage (2013)

 

Fadwa Souleimane, devenue une des icônes de la révolution à Homs, en 2011, participe à une manifestation place du Châtelet, le 24 mars 2012, à son arrivée à Paris, « jour le plus horrible de [sa] vie », me confiera-t-elle plus tard. Dans ses premières apparitions publiques, elle fait vraiment penser à une Antigone écorchée vive. Ainsi au 104, dans le nord de Paris, en novembre 2012, elle n’hésite pas à parler du sentiment de honte et de solitude que lui inspire l’exil et de la blessure qu’elle porte en elle du fait de l’échec de la phase pacifiste de la révolution. Elle dresse en effet un constat très noir de la situation : les droits légitimes des Syriens sont bafoués par la communauté internationale qui joue avec l’opposition. Nous assistons à l’effondrement des Nations unies et des organisations non gouvernementales (ONG) comme Amnesty International. Je redoute que les révolutionnaires tombent dans le même piège que les hommes du régime, résume-t-elle en substance.

Elle n’hésite pas à camper sur une position pacifiste radicale et à plaider pour une révolution spirituelle : « je refuse les armes, je refuse la guerre. Ce sont les idées, la pensée qui doivent conduire les politiciens. Sinon on entre dans un cercle vicieux. »
En 2014, je la retrouve un samedi matin avec un jeune chorégraphe, invitée à une table ronde d’Ila Souria (Pour la Syrie) à l’Institut des cultures d’Islam (ICI) sur le spectacle vivant, toujours aussi révoltée.

 

L’auteure

L’art peut-il quelque chose ?

« J’ai écrit Le passage après mon arrivée en France pour parler de mon expérience en Syrie. Les grands mots n’ont plus de sens pour moi. Ce qui m’importe, ce sont les questions qui touchent à la mort, l’amour, la vie. Nous appartenons à la même humanité. Que voulons-nous laisser ? »

« Depuis l’enfance, j’ai en moi un rêve de justice. J’avais cinq ans quand mon père est mort, j’ai refusé d’entrer dans l’organisation de jeunesse des pionniers, et plus tard, dans les syndicats professionnels. Pour moi, les artistes devaient être du côté du peuple et jouer un rôle de guide. Alors, en 2011, je suis sortie dans la rue, nous sommes sortis dans la rue pour nous rebeller [tamarrod, rébellion en arabe], pas pour engager une lutte armée contre le pouvoir. Je ne veux pas être “contre”. Le problème, c’est le pouvoir. Face à l’absurdité et au silence du monde, est-ce que l’art change quelque chose ? Je me pose la question mais je continue pour être avec vous. »

Dans la salle, une Française qui connaît la Syrie évoque L’Homme révolté de Camus et lui pose une question sur un cheikh soufi, Jawdat Saïd, originaire de Douma, près de Damas, réputé pour sa tolérance. Fadwa Souleimane lui répond : « Sa voix est forte, importante. Mais on l’entend moins en ce moment, à cause de la guerre. » La poétesse Hala Mohammad ajoute : « Douma est occupée depuis un an et demi par un groupe islamiste qui s’est introduit dans les locaux du Centre de documentation sur les violations des droits (Syrian Violation Documentation Centre, VDC) après avoir enlevé Razan Zeitouneh et ses amis. Entre la libération des forces du régime et l’occupation de Douma par les islamistes, la ville a fait l’expérience de l’autonomie, de l’autosuffisance et de la citoyenneté égalitaire. Jawdat Saïd est un phénomène. Il n’a jamais appelé à la vengeance ni à une réponse islamique à la situation. » Fadwa Souleimane se souvient notamment d’un hommage aux martyrs organisé dans une mosquée de Mezzé en présence de femmes non voilées et bras nus : le cheikh, sans s’en offusquer, a déclaré à la foule rassemblée : le peuple veut la liberté, je suis musulman, j’aime ce que le peuple aime. « Ghias Mattar, une des figures de la révolution à Hama, rencontrait ce cheikh », précise-t-elle.

Y a-t-il une dimension féministe à votre travail d’écriture ?, lui demande la sociologue Nadia Leïla Aïssaoui qui anime cette rencontre matinale. La question désarçonne Fadwa Souleimane : « je suis un être humain, je suis une femme, je suis un homme, j’écris. Mon prochain spectacle poétique, Prophéties d’amour, sera en plusieurs langues avec des comédiens de plusieurs nationalités. » En revanche, elle répond du tac au tac à la question « Faut-il retourner en Syrie ? » « Nous devrons retourner en Syrie, oui, semer des graines, veiller à l’application de la Loi, de la Constitution, sans prendre en compte les appartenances religieuses ou communautaires. »

 

Le temps des commencements

En attendant que ce retour soit possible, Fadwa Souleimane continue d’accepter les invitations. Ainsi, le 5 février 2015, devant le public nombreux de la Faculté de droit du Panthéon, à l’invitation de l’association Panthéon Sorbonne Monde arabe, elle accepte de se replonger dans ses souvenirs pour raconter aux étudiants comment tout a commencé, diapositives et vidéos tirées de ses archives personnelles à l’appui. Sans trop de nostalgie dans la voix, sans trop de souffrance apparente, elle se lance tel un aède doté d’un ordinateur, avec la complicité de Nathalie Bontemps, traductrice littéraire, qui accepte de passer de l’arabe au français à la volée, ce qui n’est pas le même métier, rappelle-t-elle une fois l’exercice achevé.

« Il y avait eu des sit-in suivis d’arrestations fin janvier et début février. Et puis, le 17 février, à Harira, dans un quartier de Damas, un policier a frappé le fils d’un commerçant du souk. Les gens ont répondu par une mini manif autour du slogan “Le peuple ne se laisse pas humilier”. Les 23 et 24 février, devant l’ambassade de Libye, un attroupement scande “Celui qui tue son peuple est un traître”. Entrent en scène les collégiens de Deraa “Docteur, c’est bientôt ton tour”, “Le peuple veut la chute du régime”. Les enfants de Deraa sont arrêtés le 27 février. Après la réponse insultante faite aux pères des enfants qui réclamaient de leurs nouvelles au gouverneur de la ville, survient la manifestation du “vendredi de la dignité”. L’appel à manifester est lancé sur Facebook le 15 mars 2011 (personne ne savait qui administrait cette page). Le slogan de ralliement était “Allah, la Syrie, la liberté et rien d’autre”. Le 16, une poignée d’entre nous se retrouve devant le ministère de l’Intérieur pour réclamer la libération des personnes arrêtées. Le 18, la révolte se propage de Deraa à Homs, Banias et Damas au cri de “le peuple veut la chute du gouverneur" [celui de Deraa est le cousin du président NDLR]. La sûreté tire à balles réelles sur les manifestants. Deux hommes tombent à Deraa, ce sont les deux premières victimes de la révolution syrienne. Une semaine après, on déplore une centaine de morts. Sous la pression de la rue, l’état d’urgence, en vigueur depuis 1963, est levé. Le gouvernement libère quinze personnes. Les manifestants réclament la libération de tous les prisonniers politiques. À Deraa, une statue du père du président – Hafez al-Assad – est déboulonnée. Le geste est d’une grande portée symbolique. Désormais, “le peuple veut la chute du régime”. Le 25, l’eau et l’électricité sont coupées à Deraa. La Sûreté laisse exprès des armes devant ses bureaux pour inciter les gens à s’en emparer. Les premières désertions de soldats sont annoncées. Le 30 mars, Bachar al-Assad lance une véritable déclaration de guerre à son peuple dans son premier discours au Parlement depuis le début du soulèvement. »

 

L’esthétique de la révolution : graffitis, satire et caricature

« L’art a toujours joué un rôle dans les révolutions, en France, en Russie, en Espagne, poursuit-elle… La révolution syrienne ne fait pas exception. En 2008, un feuilleton TV “Le grapheur” a eu du succès ; en 2011, à Deraa, des enfants dessinent des graffitis sur les murs de leur école. Des centaines de grapheurs leur emboîtent le pas. Les murs prennent la parole, ils sensibilisent les gens à leurs droits. L’auteur du feuilleton est arrêté alors qu’il n’a pas pris part aux manifestations. Je songe au vers du poète tunisien Abou El Kacem Chebbi   “Si un jour le peuple se lève, le destin devra lui répondre” ».

« À Sarakeb, célèbre pour ses graffitis, les murs deviennent un champ de batailles entre les opposants au régime et Daech. À Kafranbel, petite ville au nord-ouest du pays, un trio d’activistes surprend les Syriens avec son humour corrosif. Les banderoles dans les manifestations méritent aussi d’être mentionnées, comme celle-ci remarquée à Alep : “Nous ne voulons pas d’une dictature religieuse”. Je pense à Federico Garcia Lorca en 36 : “C’est quoi l’homme sans liberté ? […]Comment t’offrir mon cœur s’il ne m’appartient pas ?”

À mes yeux, ce qui résume le mieux l’esthétique de la révolution, c’est la satire. Par exemple, à Kafranbel, les activistes font flèche de tout bois : le régime, l’opposition, les Frères musulmans, la communauté internationale – Koffi Annan   en tête –, les associations de protection des animaux : “voilà ce que je vaux aux yeux de la communauté internationale” en montrant une pelure d’oignon. Autre genre florissant : la caricature. Pour un Ali Ferzat devenu célèbre avec ses caricatures sur les conférences Genève 1, Genève 2, Moscou 1… on compte au moins trois mille caricatures d’Assad, pour la plupart anonymes. Après le troisième discours d’Assad où il traite les rebelles de “microbes”, leur réponse ne se fait pas attendre : les microbes syriens saluent les rats libyens [qualificatif préféré par Kadhafi pour désigner les rebelles libyens]”. Malgré le froid, la faim, la mort, la satire est sortie du peuple. »

Enfin, elle tient à évoquer l’apport de la musique : les chants du Hauran au sud du pays, les chansons d’Ibrahim Kachouch (qui lui valurent d’être arrêté et jeté dans le fleuve Oronte à Hama, égorgé, les cordes vocales arrachées, en juillet 2011, selon plusieurs sources concordantes), la symphonie que le compositeur Malek Jandali lui a dédiée.

 

 

Kafranbel, avec son franc-parler habituel, s'en prend à la conférence de Munich sur la sécurité le 13 février 2016 (via @Raed Fares4).

 

La comédienne sur scène à la Compagnie Résonances

Le 30 octobre 2015, dans une salle surchauffée, je découvre enfin Fadwa Souleimane sur scène. Elle récite, d’une voix chaude, un choix de poèmes tirés de son recueil À la pleine lune sans avoir besoin du texte arabe puis lit leur traduction en français. Sa poésie chante les éblouissements et les malheurs passés, l’exil mais aussi la beauté du cosmos, hantée par cette question commune à tous les réfugiés de la terre : « qui suis-je encore/quand mon visage/mon nom/la fleur de ma jeunesse/ma langue/ma voix/ma mémoire/sont restés là-bas ?/habillée des débris de mon pays ».

 

Extraits

Page 37 : 

enivrés de lumière ils perdirent connaissance

au son d’un battement d’ailes

les branches des oliviers les transportèrent

le laurier les traça

tel un poème sur les pages du vent

les moulins les dispersèrent

comme des marguerites sur les rives de l’Oronte

ils virent alors l’Histoire baptisée dans l’Euphrate

avec le Tigre pour parrain

pour eux le blé poussa dans le Nord

et le jasmin chanta à Damas

 

Dans le seul poème qui ait un titre, EXIL (page 24), elle décrit le sentiment de perte qui ne la quitte plus :

j’ai rassemblé mes morceaux

et les ai confiés à mon reflet

mais dans le reflet je n’ai pas vu de reflet

j’ai ramassé ma voix […]

en quête de ce qui n’est plus

en arrivant sur le trottoir des réfugiés

elle s’est évaporée

 

Tant bien que mal rassemblée par la magie du verbe, elle est dorénavant capable de tricoter en rêve son retour au pays natal en énumérant les embûches qui se dresseront sur son chemin mais avec une immense confiance dans la permanence des lois de l'univers (pages 72-73) : 

seule à la maison

au milieu de mes vêtements assise

avec ma valise

cette compagne des routes de l’errance

je lui raconte notre retour prochain […]

oui nous rentrerons

nous traverserons les rues et les villes

une fois encore

notre encre tracera les chemins

car notre encre est parfum et laurier […]

ô trônes de papier

ces chemins sont abreuvés du sang de mes frères

ils en sont ivres

et la terre n’oublie pas

elle les préservera

elle les glorifiera

elle les ressuscitera car un grain de blé

une fois semé

donne un épi de sept grains

à l’aspect identique

et au but unique

ô trônes de papier

coupez le grain de sa substance comme vous voulez

appelez-le ivraie si cela vous chante

l’univers qui vous écoute prend note

l’univers protège ses épis.

 

LES MURS DE SARAKEB ET LES BANDEROLES DE KAFRANBEL

 

Les murs de Sarakeb ont une page Facebook aimée par près de 15 000 personnes

 

Le 6 février 2015, le public du Ciné-club syrien a pu voir LoversNotebooks-Saraqeb Walls (Journal des amoureux-Les murs de Sarakeb), 55’, Canada/Syrie (2015), un documentaire co-réalisé par Eyad Aljarod, originaire de Sarakeb, et Aliaa Khachouk, résidant au Canada. Eyad Aljarod a filmé pendant trois ans l’aventure des habitants qui ont écrit de nuit graffitis, slogans, noms des martyrs, textes divers sur les murs de la ville et tente une analyse de leurs messages à l’époque de la révolution pacifique comme après son échec. Les murs sont la mémoire de ce qu’ils ont traversé, le journal de leur révolution. Les témoignages de gens de la rue sont d’une grande spontanéité.

 
Voici un extrait de 1’46 du film présenté sur le site Mémoire créative dès 2014 et la bande-annonce de 1’43, réalisée pour le Festival international du film de Rotterdam en 2015.
 
 
Les affiches et les bannières de Kafranbel

 

Raed Fares, président du bureau des médias de Kafranbel, devait être à Paris le 10 mars 2014, à la rencontre organisée par Souria Houria au conseil régional d’Île-de-France mais il n’a pas obtenu son visa à temps pour arriver de Syrie via Istanbul. Alors Rania Samara, la traductrice littéraire qui devait interpréter ses propos, n’hésite pas un instant à monter à la tribune et à nous conter l’histoire de cette ville dont les Syriens n’avaient jamais entendu parler avant la révolution.

 

« Située dans le gouvernorat d’Idlib, dans le nord du pays, près de la frontière turque, au sud d’Alep, la deuxième ville du pays, Kafranbel (de kafr, lieu, endroit, maison et nabel, nobles) est située en lisière des villes romaines et byzantines dites villes mortes dans le Massif calcaire. Elle vit de l’agriculture et de ses richesses archéologiques. Sur 30 000 habitants, on compte 65 % de diplômés, dont 15 % de titulaires de masters et de doctorats, nous apprend-elle…

 

Dès avril 2011, une première affiche est dédiée aux enfants de Deraa, à l’origine du soulèvement. Deux ans plus tard, on en compte près de 700. Derrière pareille production, il y a trois personnes : Ahmed Jelal qui dessine, Raed Fares, qui écrit et une jeune femme, Iman, qui signe. Chaque jeudi soir, ils déterminent le thème qu’ils veulent monter en épingle le lendemain au cours des manifestations du vendredi. Au début, du temps des manifestations pacifiques, ils détruisent leurs banderoles à la fin de la manifestation car ils se savent en danger. Puis les habitants acquièrent des armes et se rapprochent de l’Armée syrienne libre (ASL). Les Syriens de l’intérieur se mettent à attendre leur production de la semaine suivante, les Syriens de la diaspora aussi, les amis de Kafranbel également. En 2011-2012, ils signent Kafranbel occupée, après Kafranbel libérée… Ils se sentent les ambassadeurs d’un État.

 

Leur force, c’est de parler au monde occidental en empruntant certains de ses codes et de s’appuyer sur des analyses géopolitiques très fines. Exemple : l’emprunt à Martin Luther King de son célèbre “I have a dream” (J’ai un rêve) en août 2012.

 

Une affiche en trois langues – allemand, anglais, français – écrite par Nicolas Hénin, le journaliste français qui sera kidnappé par l’organisation État islamique à Rakka en juin 2013 et libéré avec trois autres otages français, en avril 2014, vaut à l’équipe de caricaturistes beaucoup d’ennuis : Daech terrorise la ville jusqu’à la mi-2013. Les habitants supplient les deux artistes d’arrêter les manifestations pour sauver ce qui peut l’être de cette ville rebelle devenue la cible incessante des bombardements du régime.

 

Depuis l’attentat dont a été victime Raed Fares, le 29 janvier 2014, l’amertume et l’abattement se sont emparés des activistes et la ville s’est vidée d’une grande part de ses habitants. Mais l’association Souriat aide ceux qui sont restés, notamment les femmes et les enfants… Le dernier message qui nous est parvenu de Kafranbel est « Si vous êtes humains, faites quelque chose. »

 

Le site Mémoire créative archive depuis décembre 2011 des photos et des vidéos sur les bannières de Kafranbel.

 

Une fiction de 2’40 sur les hommes des cavernes produite par le Centre des médias de Kafranbel, mise en ligne en septembre 2013.

 

Le récit d’Amal Hanano, écrivaine d’origine alépine, qui vit aux États-Unis, confié à Foreign Policy et traduit en français pour Slate.fr, le 21 janvier 2014.

 

 

ÉCOUTER

Des chants du Hauran interprétés par des étudiants qui manifestent devant l’ambassade de Syrie au Caire. Vidéo mise en ligne en avril 2011 par la célèbre blogueuse égyptienne Zenobia.

« Yallah, irhal Bachar » (Allez, dégage Bachar !), une des chansons les plus célèbres d’Ibrahim Kachouch, chantée par la foule lors de la manifestation qui a embrasé Hama le 27 juin 2011 est citée par Samar Yazbek dans Feux croisés, p. 178-179. En voici la première strophe, traduite par Rania Samara.

« Tu n’es pas des nôtres Bachar ! Emmène ton frère et va-t’en !

Ta légitimité est tombée ! Dégage, Bachar !

T’es qu’un menteur ! T’es aussi nul que ton discours

La liberté frappe à la porte ! Dégage, Bachar !  »

Symphonie de Malek Jandali composée en l’honneur de la liberté et en mémoire d’Ibrahim Kachouch, “Freedom Qashoush Symphony”, mise en ligne le 10 février 2012.

 

VOIR

Lors de funérailles de jeunes manifestants tués qui se transforment en manifestation le 2 janvier 2012 à Homs, Fadwa Souleimane, alaouite, mariée à un habitant de Homs, sunnite, prend la parole : « Je vais adresser un message aux minorités. Vous avez le droit d’aimer Bachar al-Assad mais vous n’avez pas le droit de nous tuer parce que nous ne vous tuons pas. Nous voulons la liberté et la dignité ». Puis elle dirige le départ du cortège funèbre.

Fadwa Souleimane prend des libertés par rapport à la tradition qui veut que les femmes se tiennent en retrait des cortèges funèbres pour épargner leur sensibilité et respecter leur pudeur. En tant que figure engagée dans la révolte, artiste, alaouite, la foule accepte qu’elle s’affranchisse de ces codes séculaires. De même, en Tunisie, après l’assassinat de deux opposants de gauche de premier plan en février puis en juillet 2013, les enterrements transformés en manifestations monstres ont été conduits par Bassma Khalfaoui, l’épouse de Chokri Belaïd puis par la veuve de Mohamed Brahmi, accompagnées de leurs enfants, sans que cela choque la grande majorité des citoyens et des croyants : la gravité de la situation politique a fait sauter la digue des convenances religieuses ancestrales.

Le jour de l’arrivée en France de Fadwa Souleimane, le 24 mars 2012, elle participe à une manifestation à la place du Châtelet à Paris, encore tout imprégnée de l’esprit, des slogans et des rituels inventés par les révolutionnaires de Homs. Moment capté par l’activiste Majd Eid, désormais exilé à Paris.
 

LIRE

Le passage

Fadwa Souleimane

Traduit de l’arabe par Rania Samara

Lansman éditeur, 2013.

 

À la pleine lune

Poésie

Fadwa Souleimane

Traduit de l’arabe par Nabil El Azan

Le Soupirail, 2014.

La contestation non violente n’a pas démarré dans la banlieue de Damas en 2011 mais dix ans plutôt, comme le rappelle, exemples à l’appui, cette série d’articles sur Daraya, dans la Ghouta occidentale qui entoure Damas.