Un essai sur la tradition perfectionniste dans (et hors de) la philosophie.

Stanley Cavell donne du perfectionnisme la définition apparemment la moins philosophique qui soit : une liste d’œuvres. Cette liste qu’il donnait à ses étudiants comprend toute une série d’œuvres empruntées aussi bien à l’antiquité (L'Ethique à Nicomaque d’Aristote, par exemple, ou la République de Platon) qu’à des œuvres plus modernes (pas seulement philosophiques mais aussi bien romanesques avec Huckleberry Finn de Mark Twain ou Femmes amoureuses de D. H Lawrence, que théâtrales comme Fin de partie de Becket). La référence au romantisme et à l’idéalisme allemands y est particulièrement importante (Hegel, Schiller, Goethe, Kant, Friedrich Schlegel), mais également aux romantiques anglais (Wordsworth, Coleridge), à Shakespeare (à la fois pour Hamlet, Coriolan, la Tempête) et surtout à Emerson et Nietzsche. Au total : environ soixante-dix références   , "délibérément transparentes" dit Cavell (mais qui ne sont parfois choisies aussi qu’en fonction de certains passages); autant de références auxquelles on pourrait adjoindre tout au long de sa production intellectuelle bien d’autres œuvres qu’il a analysée (notamment cinématographiques comme les comédies de remariage, les mélodrames de la femme inconnue, un bon nombre de comédies shakespearienne dont notamment Un conte en hiver).

S’il s’agit d’une sorte de corpus livré au jeu d’une définition ouverte et non d’un essai de canonisation philosophique comme le pense Richard Rorty qui lui avait adressé cette objection, cette liste pose tout de même quelques questions : y aurait-il quelque chose comme une tradition perfectionniste qui traverserait toute la philosophie? Une tradition cachée? Et sur quelle type de définition de la philosophie alors cette tradition reposerait-elle?

Le perfectionnisme est à l’œuvre, selon Cavell, dans des textes bien précis qu’il offre à un exercice d’élaboration des critères ou d’ouverture d’un genre à la définition. Il s’agit de repérer les points communs dans cette liste, distinguer, articuler les moments de ces œuvres et éventuellement trouver d’autres œuvres pour en étendre la portée conceptuelle. En somme il s’agit de "jouer le jeu de la ressemblance entre des textes ou leur acception dans une famille", un exercice comparable à un exercice grammatical au sens de Wittgenstein (selon l'idée de "la grammaire comme essence") qui autorise les rapprochements inédits, très libres par rapport à toute classification traditionnelle.

Comme le dit Cavell :

"Ce qui importe n’est pas de savoir quels textes entrent dans telle ou telle catégorie, mais plutôt comment découvrir et approcher un texte (…) Aurait-il mieux valu ajouter que ce qui m’importe, dans une œuvre, c’est ce que l’œuvre elle-même montre qu’elle est, qu’elle laisse advenir, qu’elle a pour enjeu."

Mais, si c’est à partir de l’œuvre elle-même, que ses enjeux perfectionnistes adviennent comment allons-nous déterminer l’accès à la fois au texte et au perfectionnisme. Déroutant même la notion de ce que nous sommes habitués à appeler un texte, Cavell semble maintenir le perfectionnisme dans une sorte de cercle herméneutique. Il conviendrait toutefois mieux de rapporter ce geste à ce "paradoxe de la lecture" dont il écrit:

"(…) là réside ce que vous pourriez appeler le paradoxe de la lecture : je disais juste précédemment, en effet, que vous ne pouvez pas comprendre un texte avant de savoir ce que le texte dit au sujet de lui-même ; mais évidemment vous ne pouvez pas comprendre ce que le texte dit au sujet de lui-même avant de comprendre le texte. Une manière de pénétrer cette configuration est de se demander si « avant » a une signification dans cette formulation, et s'il y a un quelconque paradoxe ici. Une autre manière serait de dire que vous voulez vraiment savoir ce que le texte sait lui-même, parce que vous ne pouvez pas en savoir plus qu'il ne sait ; et que vous vous demandez alors qu’elle est cette espèce d’imagination ou de projection d’une telle connaissance qu’un texte aurait de lui-même."  

Avec Cavell, nous ne sommes plus tout à fait sûr de savoir ce qu’est un texte ; un texte, comme il le dit qui ne s’approcherait que dans l’imagination (en anglais : fantasy) d’une connaissance qu’il aurait de lui-même. Jeu étonnant ! Jeu transcendantal, et de façon plus émersonienne encore "transcendantaliste". En même temps si proche de la déconstruction ! Comment d’ailleurs distinguer par rapport à leur approche du texte ce jeu perfectionniste du jeu de la déconstruction? D’où la question immédiate : peut-on et faut-il les distinguer?

Car on voit à quelle limite s’exposerait la recherche d’une clé externe au jeu des textes. Ce sont tous des arguments auxquels la déconstruction nous a rendu familier. Pourtant s’il y a perfectionnisme, c’est qu’il y a bien comme une extériorité à cette "génialité" du texte. Cavell l’appelle une "socialité". Et là réside certainement la clé du perfectionnisme, qui va de pair avec cet appel transformateur qu’on trouve chez Emerson à un "pouvoir pratique" de la philosophie, en référence à Kant ou plus exactement au post-kantisme romantique à l’étroit dans les districts séparés de la pensée (esthétique, éthique et religieux) kantienne. Non pas que la déconstruction n’ait aucun impact éthique mais elle n’a certainement pas été confrontée de manière aussi frontale à une question de fond, comme l’a été le perfectionnisme émersonien, une question si pressante qu’elle l’oblige à une élucidation cruciale et à une résolution imminente.

Elucidation et résolution en rapport avec le "pouvoir pratique" de la philosophie sont des mots sur lesquels Emerson jouent dans son style confinant à l’ésotérisme comme dans ce passage :

"Cependant, pour moi la question de l’époque s’est dissoute (resolved) en une question pratique : celle de la conduite de la vie. Comment dois-je vivre ? Nous sommes incompétents pour élucider (solve) l’époque. Notre géométrie ne suffit pas à couvrir les immenses orbites des idées dominantes, à observer leur retour ni à résoudre leurs oppositions. Nous ne pouvons obéir qu’à notre polarité."  

Le jeu de mot émersonien nous autorise cette question : quelle est cette grande question « soluble » dans cette autre question pratique, celle comme il le dit de la "conduite de la vie" qui n’est pas tout à fait une question mais ressaisie dans la plus grande urgence quelque chose qui aurait bien plutôt à voir avec ce que Wittgenstein demande de la philosophie (lorsqu’il parle notamment de faire "pivoter nos questions autour de l’axe de nos besoins") ?

Dans la lecture que fait Cavell de cet essai Destin (Fate) datant de 1851, ces idées "qui sont dans l’air", cette "question de l’époque" autour de laquelle gravitent ces idées est celle de l’esclavage.

"Je propose, écrit-il, de prendre Destin dans son ensemble [...] comme [...] une mise en œuvre philosophique de la liberté, une parabole de la lutte contre l’esclavage non pas en tant que métaphore générale de l’exigence humaine de liberté, mais en tant qu’image absolue du choix nécessaire du camp de la liberté contre celui du destin."   )

"Image absolue du choix nécessaire du camp de la liberté contre celui du destin» : la formule est forte et exigeante et on ne peut la lire sans référence à la question en provenance de la scène européenne des années 90 de l’engagement de Heidegger, dont Cavell se fait clairement l’écho. C’est là sans doute la grande différence qui attache le perfectionnisme à cette "socialité" souvent inaudible dans la déconstruction et le rattache à un grand mouvement de pensée qui mériterait effectivement le nom de tradition et même de la tradition la plus haute : celle la plus intérieure à la philosophie dans sa capacité à faire, selon son expression, "la différence entre le choix de la mort et l'affirmation de la vie"."

Comment, dès lors aborder cette tradition? Autrement dit, comment lire des textes comme engageant de telles questions de vie et de mort ?

Tout d’abord, cette question qu’Emerson rencontre à son époque, il apparaît qu'on ne peut la résoudre "intellectuellement". Emerson en appelle d'ailleurs immédiatement à ce qu’il nomme notre "polarité". Donc, si nous comprenons bien à une autre intelligence. Cette autre intelligence serait donc celle de notre dualité d’hommes divisés. Une intelligence de la division en tant que telle (non-positionnelle) et non pas une intelligence qui divise à nouveau, et même, notons-le, une intelligence d’une unité qui se recomposerait sur cette division (qui permettrait par là encore à la division de subsister).

Le perfectionnisme de Cavell propose deux ou trois formules établissant une vision pénétrante de l’ensemble de sa perspective sur cette condition qu’il faudrait appelait effectivement "polaire" comme le fait Emerson ou encore "duale".

"Le perfectionnisme est la dimension de la pensée morale qui vise moins à refréner le mal qu’à libérer le bien."  

ou encore :

"Ne pas désespérer du bien et du mal (qui est en nous)."

Á partir de cette intelligence toute une "tradition dans la lecture", si l’on nous accorde cette expression, dans notre culture se révèle. Avec le thème, par exemple, chez Pascal de notre double-nature :

"À mesure qu’on a plus de lumière, on découvre plus de grandeur et plus de bassesse dans l’homme."  

ou encore :

"Cette duplicité de l’homme est si visible, qu’il y en a qui ont pensé que nous avions deux âmes. Un sujet simple leur paraissait incapable de telles et si soudaines variétés d’une présomption démesurée à un horrible abattement du cœur."  

Il y a certainement au centre du perfectionnisme une polarité qui met en mouvement la pensée. Comme le dit Cavell à propos d’Emerson:

"L’idée qu’Emerson se fait de la pensée est celle d’un processus double, ou bien unique, mais avec deux noms : transfiguration et conversion."

, idée qui n’est pas éloignée de celle d’un "antagonisme" comme créateur de valeurs qu’on trouve chez Nietzsche (aussi bien en affinité, sur ce point, avec Blaise Pascal), en tout cas, qui n’a que très peu de rapport avec une pensée strictement dualiste et sa métaphysique.

Comme le rappelle Romain Sarnel dans son introduction à sa traduction du prologue de Zoroastre (Zarathoustra) de Nietzsche :

"(…) le mot grec antagônisma désigne une émulation entre deux pôles, une bipolarité fertile, voire une adversité créatrice. D’une certaine manière, le dualisme est un couple sans enfant, où l’Un domine et où l’Autre est asservi, alors que l’antagonisme est un couple avec enfant, où la complémentarité du féminin et du masculin et leur émulation réversible engendrent un troisième être, avec ce que cela comporte de nouveauté et de surprise."  

Dégageant autour de cette pensée de l’antagonisme les traits symboliques de ce qu’il appelle également du même nom que Cavell : le perfectionnisme, il repère trois principes qu'on retrouve chez des auteurs comme Nietzsche, Blaise Pascal, Baudelaire, et William Blake (quatre auteurs que connaît bien Cavell) : ce sont les principes de transformation, de surpassement et d'immersion. Son commentaire vient à l’appui de sa traduction de ce passage très connu de Nietzsche:

"L’homme est une corde, nouée entre animal et métahomme – une corde par-dessus un gouffre. Ce qui est grand chez l’homme, c’est qu’il est un pont et non pas un but : ce que l’on peut apprécier chez l’homme, c’est qu’il est un surpassement et une immersion.   "

L'idée de transformation, de métamorphose, de devenir, est au cœur de cette vision perfectionniste qui porte une vision existentialiste de l'homme. La nature de l'homme est double ; deux tendances inscrivent en l'être humain dans une tension existentielle qu'il ne peut sublimer que par une transformation. Cette "duplicité" c’est la pensée d'une "éthique dynamique et fécondante, où le perfectionnement de l'être humain est primordial"   . Nietzsche redonnerait vie à ce désir de réforme. On trouve chez Romain Sarnel, pareillement que chez Cavell, cette volonté de ne pas dissocier la vie intellectuelle, morale et artistique.

"(…) La confrontation éthique du bien avec le mal, vers une bénéficité vraiment bénéfique qu'est le fécond, la confrontation esthétique du beau avec le laid, vers une beauté véritablement belle qu'est le sublime, et la confrontation logique du vrai avec le faux, vers une vérité véridiquement vraie qu'est le vérace, incitent la personne humaine à se perfectionner. Tout l'enjeu est de comprendre que la nature humaine n'est pas donnée une fois pour toutes, mais qu'elle se métamorphose tout au long de la vie; autrement dit que l'essence de l'homme est de se parfaire. C'est de la mise en mouvement du perfectionnement que l'homme tire son dynamisme."  

Son commentaire s’inscrit ainsi complètement dans une recherche d’une telle tradition perfectionniste qui court selon des lignes souterraines :

"La généalogie nietzschéenne nous fait découvrir une filiation souterraine : le zoroastrisme, le manichéisme, le catharisme, le jansénisme, le supranaturalisme, dont le point commun est la perfectibilité de l’homme, à laquelle il faut rajouter la reconnaissance d’un second principe qu’est le Mal. Dans le contexte de la logique nietzschéenne, le principe de surpassement c’est le Bien nécessaire, et le principe de transformation c’est la nécessité du perfectionnement."  

Il est certain que cette caractérisation du perfectionnisme a un rapport avec celui de Cavell dont Sarnel souligne fortement (plus fortement certes que ne saurait le faire Cavell) l’inspiration contre une inspiration religieuse (peut-être plus prégnante dans le christianisme historique continental) responsable de la surdité persistante de notre culture à cet appel aux ressources de notre polarité ou au dual.

Loin de nous, pourtant, de faire du perfectionnisme une tradition cachée. Les éléments sont là, disposés avec évidence : Nietzsche, Goethe, Spinoza, Blaise Pascal, et tant d’autres... Que signifierait suivre une tradition cachée? Une manière d’y répondre le dire serait de renvoyer à cette attitude qu’évoque Wittgenstein dans Culture et Valeur :

"L'attitude qui est en question consiste à prendre au sérieux un sujet et ensuite, au-delà d'un certain point, ne plus le considérer comme sérieux, mais maintenir que quelque chose d'autre est encore plus important."  

Qu’est-ce que nous pouvons admettre au titre du perfectionnisme? Cavell en a-t-il lui-même le tour? Bien sûr que non ! Tout ce que nous désirons adjoindre, annoter, compléter à la liste des œuvres perfectionnistes peut être adjoint pourvu que nous puissions le justifier (mais le peut-on toujours, telle serait la question).

Prenons par exemple la phrase suivante qu’on trouve un moment dans cet essai, Destin de Emerson :

"Dans l’histoire de l’individu se trouve toujours une explication de sa condition, et il sait qu’il est complice de son état actuel."  

C'est une phrase qui pose problème pour les lecteurs d’Emerson et sur laquelle Cavell bute également. Or, chose sur laquelle Cavell n’insiste pas et qu’Emerson dit pourtant clairement, il s’agit d’une interprétation "prosaïque" de la doctrine du Karma, doctrine hautement spéculative de l’Orient à laquelle s’est hissée la spéculation en Occident, notamment avec un auteur comme Schelling qui efface d’un trait la différence entre l’Orient et l’Occident.

Est effectivement bien présent en arrière-plan de cet essai d’Emerson le texte de la Baghavad Gita   . Et pour cause : cette doctrine (sublime) du Karma est précisément inscrite dans une scène d’instruction au beau milieu de cette épopée étonnante qu'est le Mahabharata. C’est une interpolation au cœur des préparatifs d’une guerre entre fratries (allégorie certainement pour Emerson d’une autre guerre : celle de la guerre civile en Amérique), où le dieu Krishna enseigne à Arjurna sur ce qu’il en est de choisir justement ce qu’Emerson va appeler le "camp de la Divinité". Comment comprendre alors cette "sagesse pratique" en laquelle se résoudrait l’"esprit de l’époque" selon Emerson? Il est clair que le camp d’aucun parti c’est le camp de la liberté complète, la seule, l’unique, c’est celui qui est montré dans la Baghavad Gita. Vers quel autre point cardinal, en effet, sa recherche d’un autre versant d’une philosophie inapte à résoudre les problèmes de son temps le mènerait-il? Reprenons, en effet, scrupuleusement les mots d’Emerson : il s’agit dit-il, par rapport à l’esclavage de "choisir le camp de la Déité qui par sa douleur assure un profit universel". La formule est étonnante. Le contexte exact de la citation est le suivant :

"Un homme doit chevaucher alternativement sa nature privée et sa nature publique. Abandonnant le daïmon qui pâtit, il doit choisir le camp de la Déité qui, par sa douleur assure un profit universel."  

Le daïmon (en grec dans le texte) est littéralement abandonné pour une autre formule, un autre choix : "la Déité qui par sa douleur assure un profit universel". Autrement dit, il faut quitter le démon de la douleur pour celui qui souffre et dont la douleur, elle, va assurer un "profit universel". Si nous avons là le site d’un détournement d’un caractère "occidental" de la philosophie, notre question ne se fait plus attendre : qu’entend Emerson par "Orient" ? Comme chez Nietzsche, à une époque où parviennent les premières traductions des Upanishad et des Vedantas, Emerson entend l’Inde. Cavell ne s’y attarde pas, quand bien même ce coté indien d’Emerson aurait encore mieux expliqué son silence apparent sur l’esclavage. Ce silence est, selon nous, bien un silence indien. Ce silence porte bien le poids de l’esclavage. C’est l’angoisse que porte Arjurna : le poids infiniment lourd de l’action humaine et de la Justice. Á un moment de sa lecture, d’ailleurs, Cavell prend au vol cette idée d’une "conduite de la pensée" et la compare avec l’image platonicienne du changement de cheval ou de l’enfourchement de nos passions (privées) qu’il faut maintenir sous le joug. C’est précisément ici qu’il semble abandonner cette expression d’une "conduite de la vie" qui est pourtant entièrement dans l’esprit et la lettre de ce "yoga du non-agir dans l’agir", essence de la sagesse tout à la fois pratique et spéculative de la Baghavad Gita.

Cette petite parenthèse à l’analyse tellement importante de Cavell sur ce "pouvoir pratique" de la philosophie qu'Emerson confie non pas à la dispute intellectuelle mais à notre « polarité » ouvre encore un autre aspect du perfectionnisme. Dans un autre article, j’évoquais la racine du perfectionnisme dans le christianisme historique   . Cette orientalisation du perfectionnisme ne le contredit pas mais continue éventuellement les pensées qui en sont le coeur sur un autre bord. Ainsi, est invité tout lecteur philosophe pour lequel le perfectionnisme n’a d’intérêt que s’il se met en quête d’une confrontation entre ce ses critères et ceux de sa culture. Et cela en accord avec une formule que Cavell livre lui-même :

"En tant que philosophe, je dois reporter dans mon imagination mon propre langage, ma propre vie. Je convoque une assemblée de critères de ma culture, afin de les confronter avec mes mots et ma vie aussi bien tels que je les pratique que tels que je peux les imaginer ; s’agissant en même temps de confronter mes mots et ma vie – tels que je les pratique – avec la vie que les mots peuvent imaginer pour moi ; de confronter la culture à elle-même, au long des lignes où elle et moi nous nous rencontrons."  

Ce ton d'une pensée qui exhorte à continuer, à poursuivre en convoquant ses propres critères au long des lignes où le lecteur et sa culture se rencontrent est tout le sel du paradigme d’une éducation appelée éducation des adultes, au sens d’une éducation et d’une autorisation de soi, de sorte que la question d’une tradition perfectionniste se résout effectivement dans celle-ci : comment le lecteur va pouvoir poursuivre, élaborer, imaginer à son tour cette tradition ?