Il y a deux ans encore, pour les responsables de l’industrie du disque, il n’était pas question d’aller chercher des talents sur Internet, ce lieu de dépravation par la gratuité. "Ce n’est pas en mettant vos chansons sur Internet que vous allez percer", disaient-ils, "c’est un métier, éleveur de star" ! Il a fallu attendre les succès de Arctic Monkeys, Gnarls Barkley, u  Lily AlClap Your Hands Say Yeah olen pour que les maisons de disques se penchent sérieusement sur le cas Myspace, alors qu’elles auraient dû logiquement anticiper le développement de ces nouvelles sources de communication dès la création des premières communautés musicales : Mp3.com, francemp3.com, Vitaminic, Peoplesound, Audiofanzine etc .

Dès le départ, l’industrie du disque a perçu comme une menace, ce qui pouvait être un facteur de développement. Car ce qui est le précieux pour un artiste, c’est l’intérêt qu’on lui porte et il s’agit donc de multiplier les chances d’attirer l’attention dans la masse des productions. Dans le budget d’une maison de disque, c’est le poste marketing de communication, de publicité, qui est désormais le plus important. Car le public n’est pas capable de retenir et d’intégrer un nombre indéfinis de nouveautés musicales. La guerre des noms est une guerre des marques à coup de millions de dollars de promotion, jusqu’à graisser les pattes des radios et télévisions par des partenariats croisés ou même pire. Demandez ce qu’il en pense au procureur de New York, Eliot Spitzer…

La raison principale pour laquelle les patrons de maisons de disques ont été si hostiles à cette révolution, c’est qu’ils y perdaient leur pouvoir. Le pouvoir de dire oui. Le mythe aristocratique des "Eddy Barclay" transformant les citrouilles en carrosses, découvrant les truffes par leur museau surpuissant. Cette légende reste très présente dans l’inconscient collectif, y compris chez les musiciens eux-mêmes, qui préfèrent garder leurs compositions dans un coffre fort dans l’attente d’une rencontre avec Pascal Nègre, plutôt que de faire partager ce qui est fait pour être partagé : la culture.

Le jeune auteur-compositeur Benoît Dorémus a-t-il eu raison, oui ou non, de mettre en ligne ses chansons sur son site perso ? Renaud, qui venait trainer là par hasard, craquant sur son titre "Rien à te mettre", a décidé de l’enregistrer pour son propre album et ensuite, de produire son premier disque !

Et puis, heureusement, il reste ce que l’on appelle : "le bouche à oreille" et que l’on pourrait aujourd’hui appeler : le "bouche à email". "Tu connais ce groupe ? C’est d’enfer va écouter, te connaissant tu vas adorer !". Le réseau social permet à présent d’adresser cette injonction d’un simple clic. Sur Facebook, par exemple, la musique coule déjà comme de l’eau, un flot de symboles jaillissant de l’ultramoderne solitude, dans l’espoir du rapprochement. "Nos goûts musicaux sont à 80%, on fait l’amour ?" La musique n’est pas de la marchandise, c’est de la rencontre.

Ce modèle de diffusion par la toile va-t-il remplacer les réseaux de distribution traditionnels, les compléter, ou est-ce qu'ils se feront manger par eux ? Soit la filière musicale classique décide d’adapter ses produits et services à ces nouveaux usages, considère comme étant du passé la génération radio FM et récupère les forces vives de l’Internet, ses nouvelles valeurs,  soit elle doit s’attendre au pire. Car même si au prix des libertés individuelles, les faucons ultra-conservateurs de ces industries prenaient des mesures radicales de protection des œuvres, ils n’empêcheraient pas des millions de musiciens de par le monde exlus du circuit commercial de diffuser leurs œuvres en licences libres.

L’abondance musicale sera le principal problème de l’économie musicale de demain. Sans sélection, pas de rareté, et donc, plus d’économie.  Imaginez un championnat de Football où l’équipe de village de 200 habitants jouerait dans le même tableau que Chelsea et où le sélectionneur de l’équipe nationale serait le patron d’Adidas. Vous aurez alors une idée plus précise de l’univers musical d’aujourd’hui. Et ce qui est très amusant, c’est que le club de Village nous intéresse beaucoup plus que Chelsea, on souhaite qu’il gagne, et il peut gagner ! Parce ces joueurs là pratiquent vraiment pour le fun, avec sincérité.

Alors sur Internet comme ailleurs, si vous jouez mal, jouez fort !